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PSYCHOLOGIE ET ALCHIMIE

PREFACE À L'EDITION FRANÇAISE
. Psychologie et Alchimie constitue la charnière qui relie le premier volet (oeuvre clinique et critique constructive à l'adresse de Freud et de la psychanalyse orthodoxe.) de 1'oeuvre monumentale de Jung avec son second volet, consacré aux archétypes .
Dans Ma vie, Jung .. nous dit .. le besoin de trouver dans les témoignages des civilisations passées des traces et des stratifications venant lui apporter la confirmation que ses hypothèses de l'inconscient collectif et du processus d'individuation n'étaient pas des phantasmes nés seulement en lui et dénués de tout fondement objectif.
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Or, cette clef (l'alchimie) a une importance capitale : l'esprit moderne dans sa marche audacieuse en avant était gêné, jusqu'aux éclaircissements apportés par Jung, de laisser en arrière, comme un corps étranger et aliéné, ce fatras poussiéreux et incompris d'où a pourtant jailli, en un détour inattendu, la chimie moderne !
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.. dans l'Alchimie l'homme, en affrontant les énigmes de la matière, affrontait le plus souvent, et à l'époque sans guère le savoir, ses propres et plus solennelles énigmes !
.. cet ouvrage.. comme Janus a .. un double visage : éclairant une énigme fondamentale du passé, il ouvre aussi les portes d'un avenir plus humain. R. Cahen

PREFACE À LA PREMIERE EDITION ALLEMANDE
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.. l'imagerie symbolique fait partie, pour ainsi dire, de l'essence de la mentalité alchimique. Ce que le mot ne pouvait exprimer qu'imparfaitement, voire pas du tout, l'alchimiste l'a confié à l'image, qui parle une langue certes curieuse mais souvent plus distincte que ses concepts philosophiques mal dégrossis. Il existe, entre ces images et celles qu'esquissent spontanément des malades au cours d'un traitement psychologique, un rapport de forme et de contenu qui saute aux yeux du connaisseur. C.G. Jung

PREMIERE PARTIE : INTRODUCTION A LA PROBLEMATIQUE RELIGIEUSE ET PSYCHOLOGIQUE DE L'ALCHIMIE

Il ne rompt pas le roseau froissé, il n'éteint pas la flamme vacillante. Isaïe, 42, 3.
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Ma contribution, en ce qui concerne la nature de !a psyché humaine, est constituée en premier lieu par des observations(*1) faites sur l'homme. On a reproché à ces observations de consister en expériences jusqu'alors inconnues et difficilement accessibles. C'est un fait remarquable, auquel on se heurte sans cesse, qu'absolument n'importe qui, .. croit connaître le fin du fin en matière de psychologie.
Or, tout connaisseur véritable de l'âme humaine m'approuvera quand je prétends qu'elle appartient à ce qu'il y a de plus obscur et de plus mystérieux parmi tout ce qu'il est donné de notre expérience de rencontrer. On n'a jamais fini d'apprendre en cette matière. Dans mon activité pratique, il ne se passe pour ainsi dire pas de jour sans que je me heurte à quelque chose de neuf et d'inattendu .
Dans le processus(*2) analytique, c'est-à-dire dans l'affrontement(*3) dialectique du conscient et de l'inconscient, on constate un développement, un progrès vers un but ou une fin dont le caractère difficilement déchiffrable m'a préoccupé pendant de nombreuses années. Dans les traitements psychothérapeutiques, une interruption, une fin(*4) peut survenir à tous les stades possibles du développement, sans que 1'on ait toujours le sentiment qu'un but a été atteint pour autant. II est typique que des suspensions temporaires surviennent : l. après que le sujet a reçu un bon conseil ; 2. après qu'a eu lieu une confession plus ou moins complète, mais toutefois suffisante ; 3. après la reconnaissance et l'acceptation d'un contenu psychique jusqu'alors inconscient, bien qu'essentiel, et dont la prise de conscience donne un nouvel élan à l'activité et à la vie du sujet ; 4. après un détachement, obtenu grâce à un travail psychologique prolongé, d'avec la psyché de l'enfance ; 5. après la réalisation d'une nouvelle adaptation rationnelle à des conditions de vie peut-être difficiles ou exceptionnelles ; 6. après la disparition de symptômes douloureux ; 7. après un tournant positif de la destinée : examen, fiançailles, mariage, divorce, changement de profession, etc. ; 8. après la redécouverte de l'appartenance à une confession religieuse, ou après une conversion(*5) ; 9. après que s'est esquissée l'édification d'une philosophie pratique de la vie(*6).
L'expérience montre que l'interruption extérieure du travail avec le médecin n'implique en aucune façon, pour un nombre relativement élevé de patients, la fin du processus analytique. Bien au contraire, la confrontation avec l'inconscient se poursuit et se développe, en fait, de manière semblable à ce qui intervient chez les sujets qui n'ont pas interrompu leur travail avec le médecin. . Ce sont des expériences de ce type qui m'ont tout d'abord confirmé dans l'hypothèse qu'il existait, dans la psyché, un processus tendant vers un but final t, pour ainsi dire, indépendant des conditions extérieures. P.5
. le traitement des névroses débouchait sur un problème dépassant de très loin les considérations purement médicales et auquel, par conséquent, une connaissance exclusivement médicale était incapable de rendre justice.
En souvenir des débuts de l'analyse, . marqués de conceptions pseudobiologiques et dépréciatives du processus évolutif de la psyché, la persévération dans l'analyse est volontiers décrite comme une « fuite devant la vie », un « transfert non résolu », de l' « auto-érotisme » . Dans la mesure où toute chose doit pouvoir être considérée de deux points de vue, une appréciation négative de cette persévération, dans la perspective de la vie, n'est acceptable que s'il est démontré qu'il n'y a véritablement rien de positif à déceler en elle. L'impatience bien compréhensible du médecin, en soi, ne prouve rien. .. Certains résultats thérapeutiques inattendus n'ont pu être obtenus que grâce à la ténacité et à l'abnégation(*7) du médecin. Par ailleurs toute conception négative insuffisamment fondée est facile. Parfois même préjudiciable, et éveille le soupçon que l'on cherche à dissimuler une ignorance, sinon à se soustraire à sa responsabilité et à une confrontation sans détour. Il est inévitable que le travail analytique débouche tôt ou tard sur la confrontation humaine entre le moi et le toi, le toi et le moi,. il se produit même nécessairement, que non seulement le malade, mais aussi le médecin, s'y roussissent le poil. Personne ne joue avec le feu ou ne manipule les poisons sans se brûler les doigts ou sans en sentir au moins un peu les effets en quelque point faible. Car le vrai médecin ne demeure jamais au bord(*8), mais se trouve toujours au coeur du problème.
Pour les deux partenaires, « persévérer dans cette situation » peut être inopportun, incompréhensible, voire insupportable, sans que cela soit forcément négatif dans la perspective de la vie. . On pourrait même penser que le patient recherche inconsciemment et imperturbablement la solution d'un problème en dernier ressort insoluble, et que, pour sa part, l'art ou la technique du médecin fait de son mieux pour l'aider dans son entreprise. « Ars totum requirit hominem ! » (l'art requiert l'homme tout entier) s'écrie le vieil alchimiste. Et c' est précisément cet homo totus, cet « homme total », qui est recherché. Les efforts du médecin aussi bien que la quête du patient sont dirigés vers cet homme total, caché et non encore manifesté, qui est pourtant, tout à la fois, l'homme plus vaste et l'homme futur. P.7
Malheureusement, le juste chemin vers la totalité est constitué des détours et des erreurs que nous apporte le destin. C'est une longissima via (une voie très longue), non pas rectiligne, mais tortueuse, qui unit les contraires ; elle rappelle le caducée, conducteur et guide ; c'est un sentier dont les méandres labyrinthiques ne sont pas dépourvus de terreurs. Et c'est précisément sur ce très long chemin que nous rencontrons ces expériences que l'on se plaît à dire « inaccessibles ». Leur inaccessibilité provient de ce qu'elles nous coûtent tant d'efforts divers : elles exigent ce que nous redoutons le plus, la totalité, dont on parle sans cesse .. à propos de laquelle on peut théoriser à l'infini, mais en marge de laquelle, dans la réalité de la vie, on passe cependant en faisant le plus grand détour possible. ..
Je crains qu'il ne faille pas seulement imputer cet état de choses à l'inconscience et à l'impuissance de l'individu, mais qu'il faille aussi incriminer l'éducation mentale, la formation générale de l'âme de l'Européen. .. cette éducation relève de la compétence des religions dominantes, mais elle fait partie de leur nature même car, .. ces religions se réfèrent, dans la même mesure, à l'homme extérieur et à l'homme intérieur. 0n peut reprocher au christianisme un développement retardataire afin d'excuser sa propre insuffisance ; mais je ne veux pas tomber dans l'erreur d'imputer à une chose ce dont la maladresse des hommes est en premier lieu responsable. C'est pourquoi je ne parle pas de la compréhension la plus profonde et la meilleure du christianisme, mais de la superficialité . L'exigence de l'imitatio Christi (imitation du Christ), c'est- à- dire celle de vivre suivant l'exemple du Christ en visant à lui ressembler, devrait tendre au développement et à l'exaltation de l'homme intérieur en chacun. Mais, en réalité, cette imitation du Christ est ravalée au rang d'objet extérieur de culte par le croyant superficiel, enclin au formalisme mécanique ~ et c'est précisément l'adoration qui lui est portée en tant qu'objet qui empêche cette imitation d'agir dans la profondeur de l'âme et de transformer cette dernière en une totalité correspondant à l'exemple idéal. De ce fait, le médiateur divin n'est plus qu'une image extérieure, tandis que l'homme reste fragmentaire et n'est pas atteint dans sa nature la plus profonde. Le Christ peut même être imité jusqu'à la stigmatisation sans que l'imitateur ait approché, même de loin, l'exemple idéal et son sens. Car il ne s'agit pas d'une simple imitation qui laisserait l'être inchangé .. mais de la réalisation, par chacun, de l'exemple idéal par ses propres moyens - Deo concedente (si Dieu(*9) le veut) - dans la sphère de sa vie individuelle. Toutefois, il ne faut pas négliger le fait que même dans l'imitation mal comprise peut résider, à l'occasion, un effort moral considérable qui, quoique le but en soi ne soit pas atteint, a tout de même le mérite d'être un dévouement total à une valeur qui, pour être extérieure, n'en est pas moins suprême. Il n'est pas inconcevable qu'un être, en vertu précisément de son effort total, ait le pressentiment de sa totalité, accompagné du sentiment de la grâce qui caractérise une telle expérience. P.9
. L'Occidental est fasciné par « dix mille choses » ; il voit le particulier ; il est emprisonné dans le moi et dans les choses ; inconscient de la racine profonde de tout être. L'Oriental, au contraire, ressent le monde des objets, du particulier, et même son moi, comme un rêve ; il est enraciné de façon essentielle dans le fondement primordial, lequel l'attire si puissamment que son appartenance au monde s'en trouve amoindrie dans une mesure qui nous semble souvent incompréhensible. L'attitude occidentale, axée sur l'objet, a tendance à situer l' «exemple » du Christ dans son aspect objectal et à le priver ainsi de son lien secret avec l'homme intérieur. Ce préjugé amène, par exemple, l'exégète.. à interpréter .. (ce) (qui se rapporte au royaume de Dieu) comme « parmi vous » au lieu de « en vous ». . Mais, si l'on essaie de se confronter avec l'Oriental on ne peut que difficilement échapper à certains doutes. Quiconque s'y sent autorisé par sa conscience peut trancher cette question à l'emporte- pièce, en devenant ainsi, probablement à son insu, une manière d'arbiter mundi (arbitre du monde). Pour moi, je préfère le don précieux du doute, qui laisse intacte la virginité des choses qui nous dépassent.
Le Christ, entendu comme modèle, s'est chargé des péchés du monde. Mais si cet exemple reste tout extérieur, les péchés de l'individu ne peuvent que rester également extérieurs ; ce dernier n'en demeure, par conséquent, que davantage fragmentaire puisqu'une interprétation, aussi superficielle qu'erronée, lui fournit un moyen par trop commode de rejeter littéralement ses propres péchés sur le Christ et d'échapper ainsi à ses responsabilités les plus profondes, ce qui est en contradiction avec l'esprit du christianisme. . Si la valeur suprême (le Christ) et la non-valeur suprême (le péché) sont à l'extérieur, l'âme est vide : il lui manque ce qu'il y a de plus élevé et ce qu'il y a de plus bas. L'attitude orientale (en particulier l'attitude indienne) est tout à l'opposé ; tout ce qu'il y a de plus élevé et de plus bas est dans le sujet (transcendantal). De ce fait, la signification de l'âtman, du soi, s'accroît par-delà toute limite, alors que chez l'Occidental, au contraire, la valeur du soi tombe au point zéro. C' est de là que provient la sous-estimation de l'âme qui est générale en Occident. P.11
. « Ce n'est que » (Les expressions « ce n'est que » , « rien que » .. se réfèrent à l'habitude courante qui consiste à expliquer quelque chose d'inconnu en le réduisant à quelque chose d'apparemment connu et, par suite, à le dévaluer).
Une attitude dans laquelle la projection religieuse est exclusive et poussée à l'extrême peut dépouiller l'âme de ses valeurs, de sorte que celle-ci souffre d'inanition, n'est plus en état de se développer et reste embourbée dans un état inconscient. En même temps, elle succombe à l'illusion que la source de tous les maux réside à l'extérieur, de sorte qu'on ne se demande même plus comment et dans quelle mesure on y contribue soi- même. L'âme semble alors tellement insignifiante qu'on a peine à l'estimer capable de mal, encore moins de bien. Mais quand l'âme n'y participe plus, la vie religieuse se fige en superficialité et en formalisme. Qu'on se représente comme on voudra la relation entre Dieu et l'âme, une chose est certaine : l'âme ne peut pas être un « rien que » ; au contraire, elle a la dignité d'une entité à laquelle il est donné d'être consciente d'une relation avec la divinité. Même si ce n'était là que la relation d'une goutte d'eau avec la mer, cette mer elle-même n'existerait pas sans la multitude des gouttes. L'immortalité de l'âme établie par le dogme l'élève au-dessus de la nature passagère et périssable de l'homme corporel et la fait participer à une qualité surnaturelle. Elle surpasse ainsi de beaucoup en signification l'homme conscient et mortel.(Dans toute appréciation du facteur humain, le dogme selon lequel homme est fait l'image de Dieu pèse également lourd ,dans la balance - sans même parler de l'incarnation de Dieu. ) L'âme est à Dieu ce que l'oeil est au soleil. Comme notre conscience n'englobe pas l'âme, il est ridicule de parler des choses de l'âme sur un ton protecteur ou péjoratif. Le chrétien croyant lui- même ignore les voies secrètes de Dieu et doit s'en remettre à lui quant à savoir s'il va agir sur l'homme de l'extérieur ou de l'intérieur, à travers son âme. P.13
Ainsi, le croyant ne saurait contester qu'il y a des somnia a Deo missa (des rêves envoyés par Dieu) et des illuminations de son âme qui ne peuvent être ramenées à aucune cause extérieure. .En fait, l'intimité de la relation entre Dieu et l'âme exclut d'emblée toute dépréciation de cette dernière. (Le fait que le diable puisse aussi prendre possession de l'âme ne diminue en rien la signification de cette dernière.)
Ce serait peut-être aller trop loin que de parler d'affinité mais, en tout cas, l'âme doit posséder en elle-même une faculté de relation avec Dieu, c'est-à-dire une correspondance à ou avec l'essence de Dieu, sans laquelle une relation ne pourrait jamais s'établir. (C'est pourquoi il est tout à fait impensable, psychologiquement parlant, que Dieu soit simplement le « tout autre » ; car un « tout autre » ne pourrait jamais être le familier le plus intime de l'âme qu'est précisément Dieu. En ce qui concerne l'image de Dieu, seules des expressions paradoxales ou antinomiques sont psychologiquement exactes.) En langage psychologique, cette correspondance est l'archétype de l'image de Dieu.
Tout archétype est susceptible d'un développement et d'une différenciation infinis. Il peut, par conséquent, être plus ou moins développé. Dans une religion où la forme extérieure prédomine, où tout l'accent est mis sur la figure extérieure (lorsque nous avons affaire, par conséquent, à une projection plus ou moins complète), l'archétype est alors identique aux représentations extérieures mais reste inconscient comme facteur psychique. Quand un contenu inconscient est à ce point remplacé par une image projective, il est coupé de toute participation à la vie de la conscience et de toute influence sur cette dernière. De ce fait, il se trouve largement amputé de sa part de vie, étant empêché d'exercer son influence naturelle sur la formation de la conscience. Qui plus est il demeure dans sa forme originelle, inchangé, car rien ne change dans l'inconscient. A partir d'un certain point, il présente même une tendance à régresser vers des niveaux plus profonds et plus archaïques.
C'est pourquoi il peut fort bien se produire qu'un chrétien croyant à toutes ses figures sacrées demeure sous-développé et inchangé au plus profond de son âme, parce qu'il a « tout Dieu dehors » et qu'il ne le rencontre pas dans son âme. Ses motivations décisives, ses intérêts et ses impulsions déterminants ne proviennent en aucune façon de la sphère du christianisme, mais de la psyché inconsciente et sous-développée qui demeure aussi païenne et archaïque que jamais. . La civilisation chrétienne s'est révélée creuse à un degré terrifiant : elle n'est qu'un vernis extérieur ; l'homme intérieur est resté à l'écart et, par conséquent, inchangé. L'état de son âme ne correspond pas à la croyance qu'il professe. Le développement du chrétien en son âme n'est pas allé de pair avec son évolution extérieure. Extérieurement, tout est bien là, en images et en mots, dans l'Eglise et dans la Bible, mais tout cela fait défaut au-dedans. P.15
A l'intérieur, ce sont les dieux archaïques qui règnent ... ce qui correspond intérieurement à l'image extérieure de Dieu est resté en jachère et, par conséquent, dans le paganisme. .. Trop peu d'êtres ont vécu l'image divine comme la propriété la plus intime de leur âme.
. Aussi longtemps que la religion n'est que croyance et comme extérieure, et que la fonction religieuse n'est pas une expérience de l'âme de chacun, rien d'essentiel ne s'est produit. Il reste encore à comprendre que le mysterium magnum (grand mystère) n'est pas seulement une réalité en soi, mais qu'il est aussi et avant tout enraciné dans l'âme humaine.
.. l'âme possède naturellement une fonction religieuse, .. la tâche principale de toute éducation (de l'adulte) soit (est) de faire passer l'archétype de l'image divine, ou ses émanations et ses effets, dans la conscience .. les valeurs suprêmes résident dans l'âme (indépendamment de l'esprit qui contrefait, qui s'y trouve aussi) .. l'âme recèle, .. la contre- partie de tout ce que le dogme a formulé, et bien davantage encore, ce qui l'habilite justement à être l'oeil auquel il est donné de contempler la lumière. Or cela demande d'elle une étendue sans limites et une profondeur insondable. .. Ce n'est pas moi qui ai attribué une fonction religieuse à l'âme (C'est Dieu lui- même qui l'a déifiée! ); j'ai simplement produit les faits qui prouvent que l'âme est naturaliter religiosa (naturellement religieuse) , c'est-à-dire qu'elle possède une fonction religieuse. Cette fonction, .. se produit d'elle-même sans y être poussée par quelque opinion ou suggestion que ce soit. P.17
.il ne sert à rien de faire l'éloge de la lumière et de la prêcher quand personne ne peut la voir. Il serait bien plus nécessaire d'apprendre à l'homme l'art de voir, car .. beaucoup trop d'êtres sont incapables d'établir un quelconque rapport entre les figures crées, d'une part, et les contenus de leur propre psyché, d'autre part ; ils ne peuvent voir à quel point les images correspondantes sommeillent dans leur propre inconscient. ..
. La psychologie s'occupe de l'acte de voir et non pas de la construction de nouvelles vérités religieuses. En matière de religion, il est bien connu qu'on ne peut rien comprendre dont on n'ait pas fait d'abord l'expérience extérieure, car c'est dans l'expérience intérieure que la relation entre l'âme et le signe ou la profession de foi extérieure se révèle pour la première fois comme une affinité ou une correspondance semblable à celle de sponsus et de sponsa (époux et épouse). C'est pourquoi quand je dis, en tant que psychologue, que Dieu(*9) est un archétype, j'entends par là le type dans l'âme. Le mot « type », on le sait, vient de .. coup, empreinte. Ainsi, le mot « archétype » présuppose déjà un « empreignant ». . Nous ne savons tout simplement pas d'où il faudrait faire découler l'archétype en dernière analyse, de même que nous ignorons tout de l'origine de l'âme. La compétence de la psychologie en tant que science empirique ne saurait aller plus loin qu'établir, sur la base de recherches comparatives, si, par exemple, le « type » (l'empreinte ) trouvé dans l'âme peut ou ne peut pas être appelé à bon droit « image de Dieu ». Ce qui n'affirme strictement rien, ni positivement, ni négativement, quant à l'existence possible de Dieu, pas plus que l'archétype du « héros » ne stipule l'existence d'un héros.
Si mes recherches psychologiques démontrent l'existence de certains types psychiques et leur analogie avec des représentations religieuses connues, elles ouvrent alors la possibilité d'un abord des contenus dont on peut faire l'expérience. P.19
La psychologie . donne la possibilité d'une meilleure compréhension des choses telles qu'elles sont, elle ouvre les yeux sur la richesse de signification des dogmes et, bien loin de détruire quoi que ce soit, elle offre de nouveaux habitants à une maison vide. ..
. ne peut-on n imaginer que lorsque quelqu'un refuse de s'ériger en arbiter mundi (arbitre du monde) et, renonçant délibérément à cette subjectivité, fait sienne, par exemple, l'opinion que Dieu s'est exprimé en maintes langues et est apparu sous de multiples formes, et que toutes ces expressions sont vraies - ne peut-on imaginer, dis-je, qu'il s'agit là aussi d'un choix, d'une décision ? . toutes les formules religieuses regorgent de contradictions logiques et d' affirmations qui sont impossibles dans leur principe, et que c'est précisément ce qui constitue en fait l'essence des affirmations religieuses ? Nous pouvons invoquer ici le témoignage de Tertullien : « Et mortuus est Deus filibus, prorsus credibile est, quia ineptum est. Et sepultus resurrexit ; certum est, quia impossibile est. » (Et le fils de Dieu est mort, chose parfaitement croyable parce qu'elle est absurde. Et, ayant été enseveli, il ressuscita ; chose certaine parce qu'elle est impossible.)
Le paradoxe, aussi étrange que cela paraisse, est un de nos biens spirituels suprêmes, alors que l'uniformité de signification est un signe de faiblesse. .. P.21
. seul le paradoxe(*10) se montre capable d'embrasser, ne fût- ce qu'approximativement, la plénitude de la vie. Ce qui est sans ambiguïté et sans contradiction ne saisit qu'un côté des choses et, par conséquent, est incapable d'exprimer l'insaisissable et l'indicible.
.. Cependant, le nombre écrasant des esprits faibles rend le paradoxe dangereux ; tant qu'il n'est pas remarqué et reste considéré comme une évidence, un aspect habituel de la vie, il demeure inoffensif. Mais qu'un esprit insuffisamment développé .. ait l'idée de prendre l'aspect paradoxal d'une profession de foi comme objet de sa réflexion,.. on ne tarde pas à le voir.. indiquer du doigt l'ineptie manifeste du mystère. .. quand cet entendement borné, ne supportant aucun paradoxe, est éveillé, aucun prêche ne peut plus l'arrêter. On a donc une nouvelle tâche à remplir : amener petit à petit cet esprit encore sous-développé à un niveau supérieur et accroître le nombre de ceux qui sont capables d'avoir au moins une intuition de l'ampleur d'une vérité paradoxale(*11). .. On ne comprend tout simplement plus ce que les paradoxes du dogme peuvent vouloir dire ;et plus on les aborde de l'extérieur, plus on se heurte à leur forme irrationnelle, jusqu'à ce qu'ils apparaissent finalement totalement périmés.. Celui qui subit ces développements ne peut évaluer l'étendue de la perte spirituelle qu'ils entraînent, parce qu'il n' a jamais vécu les images sacrées comme son bien personnel intime et qu'i1 n'a jamais réalisé leur affinité avec sa propre structure psychique. Mais c'est précisément cette connaissance indispensable que la psychologie de l'inconscient peut lui donner. Si la psychologie était liée à une confession quelconque, elle ne pourrait ni ne devrait plus accorder à l' inconscient du sujet la liberté d'action qui est la condition indispensable à l'émergence des archétypes. C'est précisément la spontanéité des contenus archétypiques qui est convainquante, tandis qu'une intervention prévenue interdit toute expérience libre de préjugés. . la psyché, elle aussi, exprime Dieu .. Pourquoi cette peur de la psychologie ? Ou alors, en contradiction totale avec les dogmes, l'âme doit-elle passer pour l'enfer, des profondeurs duquel ne s'expriment que des démons ? Mais même si tel était réellement le cas, cela n'en serait pas moins convaincant pour autant car, nous le savons, la perception horrifiée de la réalité du mal a opéré pour le moins autant de conversions que l'expérience vivante du bien.
Les archétypes de l'inconscient sont des correspondances empiriquement démontrables des dogmes religieux. Dans le langage herméneutique de ses Pères, L'Eglise possède un riche trésor d'analogies avec les productions individuelles spontanées qu'on rencontre en psychologie.P.23
Ce que l'inconscient exprime n'est ni humeur arbitraire, ni opinion gratuite, mais un devenir ou un état comme celui de n'importe quel être naturel. .. les expressions par lesquelles l'inconscient se manifeste sont naturelles .. ;elles sont comparables en cela à l'allégorique patristique qui embrasse la nature dans toute son ampleur dans ses amplifications. La différence vient cependant de ce que l'allégorie patristique ad Christum spectat (se rapporte au Christ), alors que l'archétype psychique est simplement lui-même et peut, par conséquent, être interprété selon l'époque, le lieu et le milieu. . La perspective religieuse insiste bien naturellement sur le sceau qui imprime l'empreinte, alors que la psychologie, comme science, fait porter l'accent sur la seule chose qui lui soit accessible, le typos, l'empreinte. .
Il est absolument inconcevable qu'il puisse exister une figure définie quelconque capable d'exprimer l'indéfini de l'archétype. C'est pourquoi je me suis forcé de donner à l'archétype correspondant le nom psychologique de « soi » - concept assez précis, d'une part, pour exprimer l'essence de la totalité humaine et assez imprécis, d'autre part, pour communiquer aussi le caractère indescriptible et indéterminable de la totalité. Ces qualités paradoxales du concept du soi sont conformes au fait que la totalité se compose de l'homme conscient, d'une part, et de l'homme inconscient, d'autre part. Or c'est pourquoi, .. , le terme de « soi » ne se réfère ni au Christ, ni au Bouddha, mais à l'ensemble des figures correspondantes, chacune d'elles étant un « symbole du soi ». P.25
. pour la psychologie, les figures religieuses pointent vers le soi, alors que, pour la théologie, c'est le soi qui pointe vers sa représentation centrale à elle ;c'est-à-dire que, .. le soi psychologique pourrait au mieux être compris comme une allégorie du Christ.
Le « symbole du Christ » est de la plus grande importance pour la psychologie, dans la mesure où il est peut-être, à côté de la figure du Bouddha, le symbole du soi le plus hautement développé et différencié. .. sans toutefois comprendre tous les aspects de cet archétype. L'ampleur inappréciable du soi peut être considérée comme un désavantage, comparée au contour précis d'une figure religieuse. .. Le soi n'est pas seulement indéterminé, il renferme aussi en lui, paradoxalement, le caractère de la détermination(*13) et de l'unicité. C'est là, probablement, une des raisons pour lesquelles ce sont précisément les religions qui ont eu des personnages historiques pour fondateurs qui se sont étendues aux proportions du monde, comme le christianisme, le bouddhisme et l'islam. L'inclusion d'une personnalité humaine unique (en particulier quand elle est associée à l'indéfinissable nature divine) correspond précisément à l'individualité absolue du soi, archétype qui unit le momentané à l'éternel, et l'individuel à l'universel. Le soi est une union des contraires par excellence et, en cela, il diffère essentiellement du symbole chrétien. L'androgynie du Christ est la concession la plus grande que l'Eglise ait faite au problème des contraires. L'opposition entre le clair et l'obscur, le bien et le mal, est restée à l'état de conflit ouvert, le Christ étant le bien absolu et son pendant, le diable, représentant le mal. Cette opposition constitue à proprement parler le probème universel, encore sans solution actuellement. Le soi est un paradoxe absolu dans la mesure où il représente à tout point de vue la thèse, l'antithèse en même temps que la synthèse. (cf. la symbolique du mandala)
C'est pourquoi l'archétype, que l'exploration de l'inconscient rapproche du conscient, confronte l'individu avec les abîmes de contradiction de la nature humaine, et lui donne ainsi la possibilité de faire l'expérience tout à fait immédiate de la lumière et de l'obscurité, du Christ et du diable. Mais que l'on m'entende bien : il s'agit au mieux ou au pire de rendre cette expérience possible et non pas de l'assurer. P.27
Nos moyens humains ne nous permettent pas de provoquer à coup sûr de telles expériences car il y participe des facteurs que nous ne contrôlons pas. L'expérience vécue des contraires n'a strictement rien à voir avec la perspicacité intellectuelle ou la sensibilité(*14). Elle relève davantage du destin. .
Or, sans l'expérience vécue(*15) des contraires, il ne saurait y avoir d'expérience de la totalité et, de ce fait, d'accès intérieur aux figures sacrées. C'est pour ce motif que le christianisme insiste .. sur le caractère pécheur de l'homme et sur le péché originel, dans l'intention évidente d'ouvrir en chacun, au moins de l'extérieur, l'abîme de l'ambivalence universelle. . On connaît des cas où les exercices rigoureux et certaines prédications .. ou une certaine éducation. flairant partout le péché, ont causé des dommages psychiques ne conduisant pas au royaume de Dieu, mais à la consultation médicale. Bien qu'une certaine pénétration du problème des contraires soit absolument indispensable, il n'en demeure pas moins que, dans la pratique, elle ne peut être supportée que par un petit nombre. C'est ce qui a donné naissance à une réaction palliative sous la forme du probabilisme moral, .. qui vise à atténuer l'oppression par le péché. ( « Le probabilisme moral, .. se réfère au principe suivant : dans les actes d'autodétermination morale, il faut se conduire non pas en fonction de sa conscience, mais en fonction de ce qui est probablement juste, c'est-à-dire en fonction de ce qui est recommandé par telle ou telle doctrine ou autorité représentative. » Le jésuite probabiliste Escobar défend, par exemple, l'opinion suivante : lorsque la personne qui se confesse justifie son action en faisant appel à une opinion probable, le confesseur est alors tenu de lui donner l'absolution, même si il ne partage pas cette conviction. ..) . ce probabilisme porte en lui une bonne part d'humanité et de compréhension pour les faiblesses humaines, ce qui compense la tension insupportable des antinomies. Le psychologue n'a aucune peine à comprendre le paradoxe colossal que constituent l'insistance sur le péché originel, d'une fart, et la concession du probabilisme, d'autre part : c'est la conséquence nécessaire de la problématique chrétienne des contraires .- le bien et le mal ne sont-ils pas plus proches l'un de l'autre que des jumeaux univitellins ! P.29
La réalité du mal et son incompatibilité avec le bien séparent les éléments contraires et conduisent irrévocablement à la crucifixion et à la mise en suspens de tout ce qui vit. Comme l'âme est naturellement chrétienne (naturaliter christiana), cette conséquence devrait se réaliser dans nos vies aussi infailliblement qu'elle le fit dans celle de Jésus ; nous devrions tous être « crucifiés avec le Christ », c'est-à-dire suspendus dans une souffrance morale qui correspondrait à la véritable crucifixion. Pratiquement, ce n'est possible que jusqu'à un certain point .. tellement c'est intolérable et contraire à la vie qu'un être humain ordinaire ne peut se permettre de tomber en pareil état que de temps en temps, . C'est pourquoi une attitude plus ou moins probabiliste à l'égard du problème du mal est inévitable. Et ainsi, la vérité du soi, cette union inimaginable du bien et du mal, apparaît concrètement dans le fait paradoxal que le péché est certes ce qu'il y a de plus lourd et de plus pernicieux, mais qu'il n'est tout de même pas si lourd qu'on ne puisse s'en délivrer dans une perspective probabiliste. .. nécessité pratique de la vie.. elle-même qui lutte avec succès contre le danger de sombrer dans une opposition inconciliable. Il n'en demeure pas moins que, face à cela, le conflit se prolonge expressis verbis, ce qui correspond à nouveau au caractère antinomique du soi, qui est lui-même conflit et unité tout à la fois.
Le christianisme a transformé l'antinomie du bien du mal en un problème universel et, en formulant dogmatiquement le conflit, il l'a élevé au rang de principe absolu. Le chrétien est jeté dans ce conflit encore non résolu tout à la fois en tant que protagoniste du bien et qu'acteur participant au drame du monde. Si on la comprend dans son sens le plus profond, cette imitation du Christ implique une souffrance qui est tout à fait intolérable à la plus grande partie des hommes. Par conséquent, l'imitation du Christ est peu pratiquée, .
L'Eglise se voit même obligée d' « alléger le joug du Christ ». .. en pratique, un relativisme du bien et du mal. Le bien devient synonyme d'imitation inconditionnelle au Christ, et le mal, d'obstacle à celle-ci. C'est avant tout la faiblesse morale et l'inertie de l'homme qui contrarient le plus l'imitation du Christ, et ce sont précisément ces éléments que le probabilisme considère avec une compréhension pratique qui peut bien, parfois, correspondre davantage aux vertus chrétiennes de tolérance, de clémence et d'amour du prochain que l'attitude de ceux qui ne croient que laxité dans le probabilisme. . l'archétype psychique du soi, au sein duquel ces opposés semblent être aussi réunis contrairement à ce qu'on trouve dans la symbolique chrétienne, laquelle laisse le conflit ouvert. Pour cette symbolique, une « faille » parcourt le monde : la lumière lutte contre les ténèbres, et le supérieur contre l'inférieur. Ces « deux » ne sont pas un, comme dans l'archétype psychique. P.31
Bien que le dogme abhorre l'idée que les deux soient un, la pratique religieuse n'en rend pas moins possible, l'application approximative du symbole psychologique naturel, c'est-à-dire du soi unifié en lui-même. Par ailleurs, le dogme insiste sur le fait que les trois sont un, mais se refuse à ce que les quatre forment l'unité. On sait que, depuis toujours, les chiffres impairs sont masculins, et les chiffres pairs féminins, . De ce fait, la Trinité est une divinité expressément masculine, à laquelle l'androgynie du Christ, la position particulière et l'élévation de la mère de Dieu n'apportent pas de véritable contre- poids.
Cette constatation, .. nous amène à un axiome central de l'alchimie, à savoir un aphorisme de Marie la Prophétesse : « L'un devient deux, deux devient trois, et du troisième naît l'un comme quatrième. »
.je me suis efforcé, dans cette introduction, de situer les problèmes psychologiques et religieux qui servent de contexte au thème alchimique. Car l'alchimie constitue comme un courant souterrain accompagnant le christianisme qui, lui, règne à la surface. A l'égard de ce dernier, elle se comporte comme un rêve par rapport à la conscience et, de même que le rêve compense les conflits du conscient, l'alchimie s'efforce de combler les lacunes que laisse subsister la tension régnant entre les contraires dans le christianisme. L'axiome de Marie la Prophétesse.. en est probablement l'expression la plus pertinente ; on le retrouve, tel un leitmotiv, tout au long des dix-sept siècles que vécut l'alchimie. Dans cet aphorisme, entre les chiffres impairs de la dogmatique chrétienne s'insèrent les chiffres pairs qui signifient le féminin, la terre, le monde souterrain, le mal lui-même. Ces derniers sont personnifiés par le serpens mercurii (serpent mercuriel), le dragon qui se crée et se détruit lui-même, et qui représente la prima materia (matière originelle). Cette conception fondamentale de l'alchimie renvoie au tehom (tohu-bohu) (Genèse 1 : 2), à Tiamat aux attributs de dragon et, par là, au monde matriarcal originel qui, dans la théomachie du mythe de Marduk, a été vaincu par le monde paternel. (Tiamat est un monstre marin originel babylonien que le dieu Marduk vaincra et dont seront faits les cieux et la terre.) L'évolution de la conscience vers l'aspect masculin, d'une telle importance pour l'histoire du monde, est tout d'abord compensée par l'aspect chthonien et féminin de l'inconscient. P.33
Dans certaines religions pré- chrétiennes déjà on voit apparaître une différenciation du principe masculin sous la forme d'une spécification père-fils, transformation qui atteint à sa plus haute signification dans le christianisme. Si l'inconscient était simplement complémentaire, il aurait accompagné cette métamorphose de la conscience en mettant en relief la mère et la fille, et il aurait pu trouver toute la matière nécessaire dans le mythe de Déméter et Perséphone. Mais, comme le montre l'alchimie, il a préféré le type Cybèle-Attis sous la forme prima materia - filius macrocosmi (fils du macrocosme), témoignant par là qu'il n'était pas complémentaire mais compensateur. Ceci met en évidence le fait que l'inconscient n'agit pas simplement en opposition au conscient, mais qu'il se comporte plutôt comme un partenaire ou un adversaire, modifiant plus ou moins l'attitude de la conscience. Ce n'est pas une image complémentaire de fille que le type du fils suscite de l'inconscient « chthonien », mais également un fils. .. ce fait remarquable semble bien être lié à l'incarnation du dieu purement spirituel dans la nature humaine terrestre, incarnation rendue possible par la génération du Saint-Esprit dans l'utérus de la Beata Virgo (Vierge Bienheureuse). Ainsi, le supérieur, le spirituel, le masculin, se penche vers l'inférieur, le terrestre, le féminin et, par conséquent, venant au-devant du masculin, la mère, qui a précédé le monde paternel, crée un fils au moyen de l'esprit humain (de la « philosophie », c'est-à-dire de l'alchimie), non pas l'antithèse du Christ, mais plutôt son pendant chthonien ; non pas un homme- dieu, mais un être fabuleux conforme à la nature de la mère originelle. Et, de même que le fils supérieur a pour tâche le salut de l'homme (du microcosme), le fils inférieur a la signification d'un salvator macrocosmi (sauveur du macrocosme).
. Il est superflu de remarquer que ces deux fils n'ont jamais été unifiés, si ce n'est peut-être dans l'esprit et dans l'expérience la plus intime de quelques rares alchimistes particulièrement doués. Mais i1 n'est pas bien difficile de distinguer le « but » d'un tel déroulement : l'incarnation de Dieu ayant l'apparence d'un rapprochement du principe masculin du monde paternel avec le principe féminin du monde maternel, cela incitait ce dernier à se rapprocher à son tour du monde paternel. Tout ce processus représentait manifestement une tentative de jeter un pont par-dessus le fossé séparant les deux mondes, dans un effort pour compenser l'état de conflit ouvert existant entre eux.
. Le mythologème est la langue véritablement originale de ces processus psychiques et nulle formule intellectuelle ne peut atteindre, même de très loin, à la plénitude et à la force d'expression de l'image mythique.
Le processus décrit ici présente tous les traits caractéristiques d'une compensation psychologique. P.35
On le sait, le masque de l'inconscient n'est pas rigide mais reflète le visage qu'on tourne vers lui. L'hostilité à son égard lui confère un aspect menaçant, la bienveillance envers lui adoucit ses traits. Il ne s'agit point d'une simple réflexion optique, mais d'une réponse autonome qui révèle la nature indépendante de ce qui répond. Ainsi, le filius philosophorum (fils des philosophes) n'est nullement un simple reflet du fils de Dieu dans une matière inadéquate ; ce fils de Tiamat porte, au contraire, les traits de la forme maternelle originelle. Bien qu'il soit expressément hermaphrodite, i1 n'en a pas moins un nom masculin et trahit ainsi la tendance au compromis du monde souterrain chthonien, rejeté par l'esprit et identifié de façon absolue avec le mal : il est indéniablement une concession au spirituel et au masculin, quoiqu'il porte en lui la lourdeur de la terre et le caractère fabuleux des êtres animaux originels.
Cette reponse du monde maternel montre que l'abîme le séparant du monde paternel n'est pas insurmontable, parce que l'inconscient renferme le germe de l'unité des deux. L'essence de la conscience est la différenciation ; pour réaliser l'état conscient, elle doit séparer les contraires les uns des autres et cela contra naturam (contre nature). Dans la nature, les contraires se cherchent - « les extrêmes se touchent » - et il en va de même dans l'inconscient, en particulier dans l'archétype de l'unité, le soi. Dans ce dernier, comme au sein de la divinité, l'opposition des contraires est suspendue. Mais, dès que l'inconscient se manifeste, leur scission commence, comme lors de la création, car toute prise de conscience est un acte créateur et c'est de cette expérience psychologique que dérivent les symboles cosmogoniques les plus divers.
L'alchimie se préoccupe principalement du germe de l'unité qui est caché dans le chaos de Tiamat et qui constitue le pendant à l'unité de la divinité. Comme celle-ci, il a un caractère trinitaire.. D'après d'autres témoignages, ce germe correspond à l'unité des quatre éléments et constitue ainsi une quaternité. La majorité écrasante des constatations psychologiques modernes parle en faveur de cette dernière conception. Les quelques cas que j'ai observés et qui produisaient le nombre trois étaient caractérisés par une déficience systématique dans la conscience, à savoir par l'inconscience de la fonction dite « inférieure ». Le nombre trois n'est certainement pas une expression naturelle de la totalité puisque quatre représente le nombre minimum des déterminantes d'un jugement total. . à côté de la tendance qui porte clairement l'alchimie (comme aussi l'inconscient) vers la quaternité, une certaine instabilité entre le trois et le quatre est toujours apparente. Dans l'axiome de Marie la Prophétesse déjà, la quaternité est voilée et indistincte.
L'alchimie connaît aussi bien quatre que trois regimina (procédés), quatre que trois couleurs. Il existe toujours quatre éléments, mais trois d'entre eux sont souvent réunis alors que le quatrième occupe une position à part : il s'agit tantôt de la terre, tantôt du feu. Le Mercurius est certes quadratus (quaternaire), mais il est aussi un serpent tricéphale, ou même tout simplement une triunité.P.37
Cette instabilité indique qu'on est en présence d'un caractère double, c'est-à-dire que les représentations centrales sont aussi bien quaternaires que ternaires. . la psychologie de l'inconscient témoigne d'une perplexité analogue. La fonction la moins différenciée, dite fonction inférieure, est tellement contaminée par l'inconscient collectif que, lors de sa prise de conscience, elle apporte aussi avec elle, entre autres, l'archétype du soi, ..(l'un qui naît comme quatrième). Quatre a la signification du féminin, du maternel, du physique, et trois, du masculin, du paternel, du spirituel. L'instabilité entre quatre et trois représente donc quelque chose comme un balancement entre le spirituel et le physique.

J'ai commencé cette introduction en partant de la totalité de l'homme comme représentant le but auquel mène, en dernière analyse, le développement psychique ayant lieu durant le processus psychothérapeutique. Cette question est indissolublement liée à des présuppositions philosophiques et religieuses. . le fondement même de sa pensée, (du patient) de son mode de vie, de sa morale et de sa langue est conditionné historiquement jusque dans les détails, ce dont il reste souvent inconscient par manque de culture ou d'autocritique. L'analyse de sa situation conduit donc tôt ou tard à une mise en lumière de ses présuppositions spirituelles fondamentales, allant bien au-delà des déterminantes personnelles ; c'est à ce moment qu'apparaissent les problèmes que j'ai essayé d'esquisser dans les pages qui précèdent. Cette phase du processus est marquée par la production des symboles d'unité, appelés mandalas, qui apparaissent soit dans les rêves soit sous forme d'impressions visuelles imagées, et qui sont souvent des compensations on ne peut plus claires des contradictions et des conflits de la situation consciente. Il serait probablement faux de prétendre que la responsabilité de cette situation incombe au fait que la « faille » reste ouverte dans l'ordonnance chrétienne du monde - dans la mesure où il serait facile de montrer que la symbolique chrétienne guérit cette même blessure, ou s'efforce de la guérir. Il serait sans doute plus correct de comprendre le fait que le conflit reste ouvert comme un symptôme de la situation psychique de l'Occidental et regretter son incapacité à s'assimiler toute l'ampleur du symbole chrétien. En tant que médecin, je ne peux poser aucune exigence au patient à ce propos et les moyens de grâce de l'Eglise me font également défaut Il ne me reste donc plus qu'à suivre le seul chemin qui me soit possible : faire prendre conscience des images archétypiques qui, en un certain sens, correspondent aux représentations dogmatiques. P.39
En outre, je dois laisser mon patient libre de décider en fonction de ses présuppositions, de sa maturité mentale et spirituelle, de sa formation, de son origine et de son tempérament, dans la mesure où tout cela est possible sans conflit sérieux. En tant que médecin, ma tâche est d'aider le patient à affronter la vie. . , toute contrainte se révèle en fin de compte n'être rien d'autre qu'un obstacle à l'expérience la plus importante et la plus décisive de toutes, qui est la solitude avec son soi ~ ou avec l'objectivité de l'âme, quelque soit le nom qu'on choisisse pour la désigner. Le patient doit être seul pour découvrir ce qui le porte lorsqu'il n'est plus en état de se porter lui-même. Seule cette expérience peut donner un fondement indestructible à son être.
. Ils sont en quête du terrain solide sur lequel ils pourraient se tenir. Comme aucun appui extérieur n'est capable de le leur apporter, ils n'ont finalement que la ressource de le trouver en eux-mêmes, ce qui, il faut l'avouer, est le plus invraisemblable du point de vue de la raison, mais n'en est pas moins parfaitement possible vu sous l'angle de l'inconscient. L'archétype de l' « humble origine du Sauveur » nous en apporte le témoignage.
La voie vers le but est tout d'abord indiscernable et chaotique, et ce n'est que progressivement que se multiplient les indications qui précisent l'existence de ce but. Ce chemin ne va pas en ligne droite : il est apparemment cyclique. .. en spirale. Après certains intervalles, les thèmes oniriques ramènent sans cesse à des formes données qui, à leur façon, désignent un centre. I1 s'agit d'un centre ou d'une disposition centrée qui, d'ailleurs, peut apparaître parfois dès les premiers rêves. En tant que manifestations de processus inconscients, les rêves tournent ou accomplissent une circumbulation autour du centre et se rapprochent de celui-ci grâce à des amplifications toujours plus claires et de toujours plus de portée. A cause de la diversité des matériaux symboliques, il est tout d'abord difficile de discerner quelque ordonnance que ce soit ; .. Mais, si on y regarde de plus près, l'évolution se révèle suivre un cours cyclique ou spiral. .. en parallèle avec les processus de croissance des plantes ; .. le motif des plantes (arbre, fleur, etc.) apparaît fréquemment dans ces rêves et ces imaginations et qu'il donne spontanément lieu à des descriptions picturales. P.41
.
Le développement de ces symboles (de centre ou de but) est pour ainsi dire synonyme du processus de guérison.
Le centre ou le but a donc ~ au sens propre ~ une signification de salut. . On ne s'est que trop longuement attardé à la question fondamentalement stérile de savoir si les affirmations de la foi sont vraies ou non. . La seule chose que nous puissions en saisir est le phénomène psychique, qui n'a aucune commune mesure avec la catégorie de l'exactitude ou de la vérité objective. On ne peut jamais « liquider » un phénomène par une critique rationnelle.
Au cours du traitement psychologique, la relation dialecticue achemine logiquement le patient vers une confrontation avec son ombre, cette moitié obscure de l'âme dont on s'est depuis toujours débarrassé au moyen de projections : soit qu'on charge son prochain - dans un sens plus ou moins large - de tous les vices que l'on a manifestement soi-même, soit qu'on transfère ses péchés a un médiateur divin par le moyen de la contrition ou de la plus douce attrition. On sait assurément que, sans péché, il n'y a pas de repentir, et que, sans repentir, il n'y a pas de grâce rédemptrice ; on sait aussi que, sans le peccatum originale (péché originel), la rédemption du monde n'eût jamais pu se produire ; mais on évite avec le plus grand soin de rechercher et d'examiner s'il ne faudrait pas voir dans la puissance même du mal une volonté particulière de Dieu qu'on aurait de bonnes raisons de prendre en considération. Lorsqu'on a affaire, comme le psychothérapeute, à des êtres qui se confrontent à leur ombre la plus noire, on se trouve souvent conduit à admettre une telle conception. En tout cas, le médecin ne peut se permettre d'indiquer les tables de la Loi .P.43
. Il doit juger objectivemen1 et peser des possibilités car il sait . par instinct et expérience, qu'il existe quelque chose comme une felix culpa (faute heureuse). Il sait qu'on peut non seulement passer à côté de son bonheur, mais aussi à l'écart de sa culpabilité décisive, sans laquelle nul homme ne pourra parvenir à sa totalité. Cette dernière est en fait un charisme ~ on ne peut pas plus l'inventer de toutes pièces que la fabriquer, par art ou par astuce ; on ne peut que progresser vers elle et endurer tout ce que son avènement peut apporter. C'est sans aucun doute un grand fléau que l'humanité ne soit pas homogène mais composée d'individus que leur constitution mentale répartit sur une durée d'au moins dix mille ans. De ce fait, il n'est absolument nulle vérité qui, représentant le salut pour les uns, ne signifier enfer et damnation pour les autres. Tout universalisme s'achoppe à ce terrible dilemme. . Le médecin doit, lui aussi, réfléchir et soupeser, non pas pour savoir si telle ou telle chose est pour ou contre le bien de l'Eglise, mais pour savoir si elle est pour le bénéfice ou au détriment de la vie et de la santé. Sur le papier, le code moral paraît clair et sans bavures ; mais ce même document, écrit « dans la chair et sur les tables vivantes du coeur », est souvent une triste guenille, en parrticu1ier dans l'âme de ceux qui parlent le plus haut. Si nous allons partout proclamant que le mal est le mal et qu'il ne saurait y avoir d'hésitation à le condamner, il n'empêche que, dans la vie individuelle, le mal est précisément ce qu'il y a de plus problématique et ce qui exige la réflexion la plus profonde. Ce qui mérite avant toute chose notre attention la plus pénétrante, c'est la question : « Qui est-ce qui agit ? » - car la réponse à cette question décide en dernière instance de la valeur de l'action. Pour la société, il est vrai, c'est tout d'abord ce qu'on fait qui est de la plus grande importance parce que cela saute immédiatement aux yeux. A la longue, cependant, l'acte juste pratiqué par des mains impropres aura également un effet désastreux. Quiconque est clair- voyant s'en laissera tout aussi peu imposer par l'action juste de l'injuste que par l'action injuste du juste. C'est pourquoi le psychothérapeute a dirigé toute son attention, non pas sur le quoi, mais sur le comment de l'action, car ce comment recèle toute la nature de celui qui agit. Le mal doit être considéré avec autant d'attention que le bien, car le bien et le mal ne sont finalement rien d'autre que des prolongements et des abstractions idéels de l'action, tous deux faisant partie du clair- obscur de la vie, En dernier ressort, il n'est de bien qui ne puisse susciter de mal, ni de mal qui ne puisse engendrer de bien.
La confrontation avec la moitié obscure de la personnalité, l'ombre, se produit d'elle-même dans tout traitement tant soit peu poussé. Ce problème est aussi important que le péché dans l'Eglise. Le conflit ouvert est inévitable et pénible. P.45
On m'a souvent demandé : « Et qu'en faites-vous ? » ~ Je ne fais rien ; je ne puis rien faire qu'attendre, avec une certaine confiance en Dieu, jusqu'à ce que le conflit supporté avec patience et courage promeuve la solution que je ne pouvais prévoir et qui était impartie à cet individu en particulier. Je ne reste pas inactif ou passif pour autant, mais j'aide mon patient à comprendre tout ce que l'inconscient produit durant la période de conflit. ce que l'inconscient produit alors fait partie de ce qu'il m'a été donné de rencontrer de plus significatif. Le patient non plus n'est pas inactif car il doit faire tout ce qu'il faut, au mieux de ses forces, pour ne pas laisser la poussée du mal devenir trop puissante en lui. Il a besoin de la « justification par les oeuvres » car la « justification par la foi » seule lui est demeurée lettre morte, comme pour tant d'autres êtres. La foi peut parfois remplacer une expérience qui fait défaut ; dans ce cas, une action réelle est indispensable. Le Christ a pris le pêcheur en charge et ne l'a pas condamné. .L'amour qu'on porte à l'homme le rend meilleur, la haine le rend pire, même quand on est soi-même cet homme. Le danger de cette conception est la même que celle de l'imitation du Christ. Je souhaiterais que l'Eglise puisse décharger chacun du fardeau de ses péchés ; mais, pour celui à qui elle ne peut rendre ce service, il ne reste que la ressource d'imiter le Christ en se courbant bien bas pour prendre sur lui le fardeau de sa propre croix. . dans l'antique sagesse grecque : Ne rien ,exagérer ; c'est dans la juste mesure que réside le bien.
Abstraction faite de la difficulté morale, il y a un autre danger, .. en particulier chez les individus présentant des dispositions pathologiques : c'est le fait que les contenus de l'inconscient personnel (plus précisément de l'ombre) sont tellement liés aux contenus archétypiques de l'inconscient collectif qu'ils en sont indiscernables et qu'ils les ramènent avec eux vers la surface lors de la prise de conscience de l'ombre. Cela peut faire naître une certaine panique dans la conscience car une activation des archétypes met mal à l'aise même (ou peut-être surtout) le plus froid des rationalistes. Il craint cette forme inférieure de la conviction, Ia superstition, qui, croit-il, s'empare de lui. Cependant, chez les individus de cette sorte, la superstition ne se manifeste sous sa forme propre que lorsqu'ils sont dans un état pathologique et non lorsqu'ils sont capables de garder leur équilibre. Dans ce dernier cas, la superstition se manifeste, par exemple, sous la forme de la crainte de « devenir fou », car tout ce qu'une conscience moderne n'est pas capable de définir passe à ses yeux pour folie. .P.47
. même la conscience la plus rationnelle n'est pas à l'abri de rêves d'angoisse ressentis au plus profond de l'être, ou de représentations angoissantes et obsédantes. L'exégèse psychologique de ces images, qui ne se laissent ni renier ni taire, conduit logiquement dans les profondeurs de la phénoménologie historico-religieuse, car l'histoire des religions dans son sens le plus large (c'est-à-dire en incluant la mythologie, le folklore et la psychologie primitive) constitue la maison au trésor des formes archétypiques. Le médecin peut y puiser des parallèles secourables et des comparaisons éloquentes destinés à éclairer et à apaiser une conscience lourdement perturbée dans son orientation. Il est, en effet, de la plus haute nécessité de donner aux images fantasmatiques qui surgissent dans la conscience avec un tel caractère d'étrangeté ou qui lui semblent même menaçantes, un contexte qui les rapproche de la compréhension. L'expérience le montre, c'est grâce à des matériaux mythologiques comparatifs qu'on y arrive le mieux.
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. ce sont fréquemment des patients intelligents et cultivés, ayant perdu toute possibilité de retour à l'Eglise, qui entrent en contact avec des matériaux archétypiques, plaçant ainsi le médecin devant des problèmes dont une psychologie simplement personnaliste ne peut plus venir à bout. Dans les cas de ce genre, la seule connaissance de la structure psychique des névroses se révèle elle aussi totalement insuffisante car, dès que le processus atteint la sphère de l'inconscient collectif, c'est à des matériaux sains qu'on a affaire, je veux dire avec les fondements universels de la psyché. Nous sommes aidés dans la compréhension de cette couche profonde de la psyché, d'une part, par la connaissance de la psychologie primitive et de la mythologie et, d'autre part, à un degré tout particulier, par la connaissance des stades historiques qui ont immédiatement précédé la conscience moderne. D'un côté, c'est l'esprit de l'Eglise qui a façonné la conscience actuelle et, de l'autre, c'est la science. P.49
Ce sont en particulier des vestiges de l'esprit de l'Antiquité et du sentiment antique de la nature qui ne se sont pas laissé extirper et ont fini par trouver asile dans la philosophie de la nature du Moyen Age. . Alors que, dans l'Eglise, la différenciation grandissante du rite et du dogme éloignait la conscience de ses racines naturelles dans l'inconscient, l'alchimie et l'astrologie se réoccupaient inlassablement de ne pas laisser tomber en ruine le pont les reliant à la nature, c'est-à-dire à l'âme inconsciente. L'astrologie ramenait sans cesse la conscience à la connaissance d'Heimarmene (le Destin), c'est-à-dire qu'elle rappelait que le caractère et la destinée dépendaient de certains moments dans le temps ; pour sa part, l'alchimie donnait sans cesse l'occasion de projeter les archétypes ne se laissant pas insérer sans friction dans le processus chrétien. . pour de nombreux alchimistes, l'aspect allégorique était tellement au premier plan.. de n'avoir à faire qu'à des corps chimiques. .. quelques autres qui considéraient leur travail de laboratoire comme essentiellement centré sur le symbole et son effet psychique. .. Ils proclamaient leur point de vue dans des phrases comme « aurum nostrum non est aurum vulgi » (notre or n'est pas l'or du vulgaire). Leur travail avec la matière représentait certes un effort sérieux pour pénétrer la nature des transformations chimiques ; mais en même temps, il était aussi .. la reproduction d'un processus psychique, se déroulant parallèlement et qui pouvait être d'autant plus facilement projeté dans la chimie inconnue de la matière.. C'est tout le problème .. du processus de devenir de la personnalité, appelé processus d'individuation, qui s'exprime dans la symbolique alchimique.
Alors que l'imitation du Christ est la grande préoccupation de l'Eglise, l'alchimiste, sans le savoir clairement ou sans même le vouloir, succombe facilement, dans sa solitude .. aux présuppositions naturelles inconscientes de son esprit et de son être . Les auteurs qu'il étudie le nourrissent de symboles dont il croit comprendre le sens à sa façon, alors qu'en réalité ils effleurent et stimulent son inconscient. Ironisant sur eux-mêmes, les alchimistes ont créé la formule « obscurum per obscurius » (l'obscur par le plus obscur). P.51
Mais, .. ils ne faisaient que s'abandonner au processus intérieur dont l'Eglise avait précisément visé à les libérer en leur en fournissant des analogies dans ses dogmes, analogies qui, en opposition la plus stricte à l'alchimie, avaient par contre été coupées de tout lien avec la nature par le fait même qu'elles avaient été liées à la figure historique du Sauveur. L'unité des quatre, l'or philosophique, le lapis angularis (pierre angulaire), l'aqua divina (eau divine), c'était, dans l'Eglise, la croix aux quatre bras sur laquelle l'unigenitus, le fils unique, s'était sacrifié une fois dans l'histoire et en même temps pour toute l'éternité. Plutôt que de suivre l'Eglise, les alchimistes préféraient la recherche de la connaissance à la vérité que l'on trouve par la foi . En réalité, il leur est arrivé ce qui arrive à l'homme moderne qui préfère, ou est par nécessité obligé de préférer, l'expérience individuelle originale à la croyance dans les vues traditionnelles. Le dogme n'est ni une invention arbitraire, ni un miracle unique, quand bien même on le écrit souvent comme miraculeux dans le but évident de le détacher de son contexte naturel. Les idées centrales du christianisme s'enracinent dans la philosophie gnostique qui, conformément aux lois psychologiques, ne pouvait tout simplement pas ne pas se développer . Elle se fondait sur la perception des symboles du processus inconscient d'individuation, qui se déclenche toujours lorsque les représentations collectives suprêmes présidant à la vie humaine tombent en désuétude. En une telle période, il y a nécessairement un certain nombre d'individus qui sont saisis, possédés, à un degré élevé par les archétypes numineux qui se poussent vers la surface pour former les nouvelles dominantes. Cette possession se révèle pour ainsi dire sans exception par le fait que les « possédés » s'identifient aux contenus qui vivent en eux et que, ne comprenant pas le rôle qui leur est imposé comme un effet des nouveaux contenus qu'il faut encore reconnaître, ils incarnent exemplairement ces derniers dans leur vie, ce qui fait d'eux des prophètes et des réformateurs. Dans la mesure où le contenu archétypique du drame chrétien fut capable d'exprimer de façon satisfaisante l'inconscient inquiet et pressant du grand nombre, le consensus omnium (consentement de tous) s'éleva à la dignité de vérité contraignante pour tous, non pas, évidemment, par un acte de jugement, mais par la possession irrationnelle qui l'inspira et qui était autrement efficace. Jésus devint ainsi l'image- bouclier protégeant des puissances archétvpiques qui menaçaient de s'emparer de chacun. La bonne nouvelle annonça : « C'est arrivé, et cela ne vous arrivera plus dans la mesure où vous croirez à Jésus, le fils de Dieu ! » Or cela pouvait, peut et va arriver à quiconque voit la dominante chrétienne se désagréger en lui. C'est pourquoi il y a toujours eu des êtres qui, ne pouvant se satisfaire de la dominante de la vie consciente, se sont mis - sous le manteau et par des voies détournées, pour leur perte ou leur salut - en quête de l'expérience primordiale des racines éternelles, et qui, s'abandonnant à la fascination de l'inconscient en effervescence, se sont dirigés vers le désert où, comme Jésus, ils se sont heurtés au fils des Ténèbres, à l'esprit qui contrefait. Ainsi priait un alchimiste.. : « Horridas nostrae mentis purga tenebras, accende lumen sensibus ! » (Dissipe les ténèbres épouvantables de notre esprit, donne une lumière à nos sens.) Cette citation exprime sans doute l'expérience de la nigredo (le noir), le premier stade de l'oeuvre, qui était ressentie comme une « melancholia » en alchimie et qui, psychologiquement, correspond à la rencontre de l'ombre. P.53
C'est pourquoi, lorsque la psychothérapie moderne rencontre à nouveau les archétypes activés de l'inconscient collectif, elle répète pour son compte un phénomène qu'on a déjà pu observer dans les temps de grandes transformations religieuses, mais qui apparaît aussi chez l'individu pour lequel les idées dominantes ne signifient plus rien. ..
Le problème des contraires suscité par 1'ombre joue un rôle important, voire décisif, en alchimie puisque cette dernière conduit, à la phase ultime de l'oeuvre, à l'union des contraires sous la forme archétypique du hieros gamos (hiérogamie), c'est-à-dire du « mariage chimique ». Dans ce dernier, les opposés suprêmes, exprimés sous la forme du masculin et du féminin (comme dans le Yin et le Yang chinois), sont fondus en une unité qui ne contient plus de contraires et qui est, par conséquent, incorruptible. La condition nécessaire en est évidemment que l'artisan (artifex) ne s'identifie pas avec les figures de l'opus (oeuvre) mais qu'il les laisse subsister sous leur forme objective impersonnelle. Tant que l'alchimie oeuvra dans le laboratoire, elle se trouva dans un climat psychique favorable car l'alchimiste n'avait alors nulle occasion de s'identifier aux archétypes qui émergeaient, ces derniers étant tous projetés dans la matière. Cette situation présentait l'inconvénient d'obliger l'alchimiste à représenter la substance incorruptible comme un corps chimique, entreprise impossible qui amena finalement la ruine de l'alchimie de laboratoire et sa relève par la chimie. Cependant, la partie psychique de l'oeuvre ne disparut pas. . P.55

Petit séminaire du 08-09-99
*1 Jung précise et insiste sur l'observation de la psyché. Et il faut l'expérience pour comprendre. Pour Jung l'âme est un phénomène de vie psychocorporelle.
*2 Notion de processus qui se déclenche dans les images et notion de but, car l'inconscient est créateur (téléologique). Les buts : réparation des éléments détruits, ombre, anima-animus, etc. Il y a un ordre logique.
*3 Dans l'affrontement il y a une notion de conflit ; préférer « dialectique ».
*4 Si les gens continuent, on va éplucher des couches plus profondes et ce n'est pas toujours souhaitable. Il faut savoir évaluer ; de plus les gens le sentent.
*5 Actuellement il y a plutôt un dégagement du poids oppressant de la morale religieuse.
*6 'Ses' propres conceptions, dégagées de celles des parents.
Par contre la déconstruction amènerait la dépendance à l'analyste dans l'attente de la reconstruction à la place du transfert.
Quand il y a urgence, les images affluent et il y a dangers car risques d'inflation ou délire. Le travail psychothérapeutique est plus léger quand on analyse que le plan personnel.
*7 Si on tient le coup envers et contre tout, ça passe quand même (cf. après 15 ans).
*8 Le bord = la neutralité.
*9 A la question « Do you believe in God ? » Jung répondit « I don't believe, I know. »
C'est le rejet de la croyance pour l'expérience. L'expérience divine est intérieure ; c'est l'expérience du Soi. Cette expérience peut être consciente ou inconsciente (ex. les N.D.E.)
Jung s'occupe de l'expérience de Dieu dans l'homme ; le dieu extérieur est laissé aux théologiens.
*10 Le psychisme recherche toujours les polarités. Quand il y a un conflit, voir les rêves qui montre que le conflit se psychise, repérer la polarité, suivre le fil. C'est de l'évolution des deux aspects (conflit et rêves) que le troisième terme émerge, si on tient la tension des opposés.
*11 La vérité paradoxale réunit les deux termes du conflit qui sont réputés comme ne pouvant pas se conjoindre. Dans la physique quantique, Nicolescu explique ce processus sans fin de création d'un autre niveau de conscience. Dans notre monde, c'est encore la vérité dualiste, aristotélicienne qui est en vigueur.
*12 Comme les thèmes de l'Esprit Saint, de la colombe etc. La philogénèse montre que ce sont les hommes qui ont crée les religions à partir de leur psychisme.
*13 Il y a des qualités spécifiques du soi comme le but..
*14 Oui dans le sentiment
*15 Vivre pour nous même ce tiraillement et voir comment, pour nous, ça se résoud.
*16 La trinité catholique est homosexuelle (U.L.B.) :Père, Fils, Saint Esprit. La totalité inclut le féminin.


DEUXIEME PARTIE : SYMBOLES ONIRIQUES DU PROCESSUS D'INDIVIDUATION

I INTRODUCTION
1) Les matériaux
Les symboles oniriques du processus d'individuation sont des images de nature archétypique qui apparaissent en songe et décrivent le processus de centrage, la constitution d'un nouveau centre de la personnalité. .. j'appelle aussi ce centre le « soi », terme qu'il faut essentiellement comprendre comme désignant la totalité de la psyché. Le soi est non seulement le centre, mais aussi le périmètre qui inclut conscient et inconscient ; il est le centre de cette totalité comme le moi est le centre de la conscience.
Les symboles dont je vais traiter ici ne se rapportent pas aux multiples phases et transformations du processus d'individuation, mais aux images ayant directement et exclusivement trait à la prise de conscience du nouveau centre. Ces images entrent dans une catégorie particulière que j'ai dénommée la symbolique du mandala. (« Mandala » (sanscrit) signifie « cercle » et aussi « cercle magique ». Sa symbolique comprend toutes les figures disposées concentriquement, toutes les figures - rondes ou carrées - ayant un centre, ainsi que toutes les dispositions radiaires ou sphériques, pour n'en citer que les formes les plus importantes. ) P.61

2) La méthode
. j'ai toujours souligné la nécessité qu'il y a de renoncer à toute opinion préconçue lorsqu'on aborde l'analyse et l'interprétation des contenus de la psyché objective, c'est-à-dire de l'inconscient.. Les manifestations de la psyché subjective, c'est-à-dire de la conscience, ne sont prévisibles que pour une très faible part. Nous devons .. compter avec un pourcentage élevé d'arbitraire et de « hasard » dans les actions et réactions complexes de la conscience. De même, il n'y a aucune raison empirique, et encore moins théorique, pour nous inciter à supposer qu'il n'en va pas de même pour les manifestations de l'inconscient. Ces dernières sont tout aussi diverses, impré- visibles et arbitraires que les manifestations de la conscience et on doit, par conséquent, les soumettre à autant de points de vue et d'approches différents que les premières. En ce qui concerne les expressions conscientes, on se trouve dans une situation avantageuse puisqu'on est directement interpellé et qu'on est confronté à un contenu dont on peut reconnaître l'intention ; mais pour ce qui est des manifestations « inconscientes », il n'existe aucun langage direct et adapté, au sens où nous l'entendons : il n'y a qu'un phénomène psychique qui semble ne posséder que les rapports les p1us lâches avec les contenus conscients. . la psyché objective est étrangère même à la conscience dans et par laquelle elle s'exprime. C'est pourquoi on est contraint d'appliquer la méthode utilisée pour la lecture d'un texte fragmentaire ou contenant des mots inconnus : on analyse le contexte. P.63
. Le contexte psychologique des contenus oniriques se compose du tissu des associations dans lequel l'expression onirique se trouve naturellement incluse. Théoriquement, on ne peut rien savoir d'avance de ce tissu ; mais c'est parfois possible en pratique, si l'on dispose d'une grande expérience et d'un long exercice. Même dans ce cas, cependant, il ne faut jamais trop se fier aux règles au métier, le risque d'erreur et de suggestion étant par trop grand. Lorsqu'il s'agit de l'analyse de rêves isolés, en particulier, cette connaissance à priori et ces présuppositions basées sur des attentes d'ordre pratique et des probabilités générales sont absolument condamnables. Ce doit donc être une règle absolue de considérer de prime abord que tout rêve et que tout segment de rêve est inconnu, et de ne tenter une interprétation qu'après avoir soigneusement recueilli le contexte. On peut alors reporter dans le texte du rêve le sens trouvé grâce à l'établissement du contexte, et voir si cela permet une lecture courante ou si un sens satisfaisant apparaît. On ne doit en aucun cas s'attendre à ce que ce sens réponde à notre attente subjective, quelle qu'elle soit, car il est possible et même très fréquent que le rêve exprime quelque chose d'étonnamment différent de ce à quoi on s'attend. En fait, si le sens qu'on a trouvé au rêve correspond à ce qu'on attendait, on a de bonnes raisons de se méfier car le point de vue de l'inconscient est en général complémentaire ou compensatoire de celui de la conscience et, par suite, inattendûment « différent ». Je ne nie nullement la possibilité de rêves « parallèles », c'est-à-dire de rêves dont le sens coïncide avec l'attitude de la conscience ou même l'étaie. Mais, tout au moins si j'en crois mon expérience, ils sont relativement rares.
La méthode que j'adopte dans cette étude semble être tout à fait à l'opposé de l'attitude que je viens de définir et que je préconise face au rêve. Il semble que les rêves sont « interprétés » sans le moindre égard pour le contexte. .
Appliquée à des rêves isolés d'une personne m'étant quasiment inconnue, cette façon de procéder serait une grossière erreur technique. Cependant, il ne s'agit pas ici de rêves isolés, mais de séries intérieurement liées, au cours desquelles le sens se développe graduellement, en quelque sorte de lui-même. La série constitue en effet le contexte fourni par le rêveur lui-même. Tout se passe comme si nous disposions non pas d'un, mais de nombreux textes éclairant les termes inconnus. En outre, la troisième section traite d'un archétype bien défini que nous connaissons depuis longtemps grâce à d'autres sources, , qui facilite considérablement l'interprétation. . P.65 . L'expérience montre que la psyché objective est indépendante au plus haut degré. Si tel n'était pas le cas, elle ne saurait pas remplir sa fonction la plus caractéristique, à savoir la compensation de la conscience. Cette dernière se laisse dresser comme un perroquet, mais il n'en va certainement pas de même de l'inconscient. L'inconscient est une sphère du psychisme qui ne se laisse domestiquer qu'en apparence, et toujours pour le plus grand dommage de la conscience. Il est et demeure soustrait à tout arbitraire subjectif. Il est un domaine de la nature qui ne peut être ni amélioré, ni corrompu ; nous pouvons nous mettre à l'écoute de ses secrets, mais il échappe à nos manipulations. P.66

II LES REVES INITIAUX
1) rêve
Le sujet rêve qu'il est en société et qu'en prenant congé il se couvre d'un chapeau qui n'est pas le sien.
Le chapeau étant ce qui couvre le chef, il a en général la signification de quelque chose qui symbolise la tête. De mêmequ'en résumant on « met les idées sous un chapeau », le chapeau, telle une représentation supérieure, recouvre la personnalité toute entière et lui impartit sa propre signification. Le couronnement investit le souverain de la nature divine du soleil, la toque doctorale confère la dignité de savant, et un chapeau étranger impartit une nature étrangère. . Le chapeau qui ceint la tête du sujet est rond, comme le cercle solaire d'une couronne, et contient, par conséquent, la première allusion au mandala. . Comme conséquence générale à l' échange de chapeaux, nous pouvons nous attendre à l'apparition de l'inconscient. L'inconscient, avec ses figures, se tient déjà comme une ombre derrière le rêveur, se frayant un chemin dans la conscience.
2) rêve
Le sujet voyage en chemin de fer et, comme il se tient de toute sa carrure devant la fenêtre, il bouche la vue aux autres voyageurs. Il doit leur laisser la voie libre.
Le processus s'est mis en mouvement et le rêveur s'aperçoit qu'il prive de lumière ceux qui sont derrière lui, à savoir les composantes inconscientes de sa personnalité. .. « derrière nous » est la région de l'invisible, c'est-à~dire de l'inconscient. Si le rêveur libère la voie vers la fenêtre, c'est-à-dire vers la conscience, le contenu inconscient deviendra conscient
3) impression visuelle hypnagogique
Au bord de la mer. La mer envahit la terre, submergeant tout. Le rêveur est assis dans une île solitaire.
La mer est le symbole de l'inconscient collectif car, sous sa surface miroitante, elle cache des profondeurs insoupçonnées. Les personnages qui se trouvaient derrière le rêveur, les personnifications indistinctes de l'inconscient, ont fait irruption, tel un déluge, dans la terre ferme de la conscience. De telles invasions font une impression sinistre car elles sont irrationnelles et inexplicables à qui les éprouve. Elles impliquent une grave altération de sa personnalité car elles constituent immédiatement un secret personnel pénible qui l'aliène et l'isole de son entourage. C'est quelque chose « qu'on ne peut dire à personnc ». On craint d'être accusé d'anormalité mentale, . Cependant, il y a loin de l'irruption intuitivement perçue à la subjugation pathologique. La conséquence d'un isolement psychique dû à un secret est, en règle générale, l'animation de l'atmosphère psychique, qui se substitue au contact perdu avec l'entourage. Cela cause une activation de l'inconscient, ce qui produit quelque chose de comparable aux mirages et aux hallucinations que la solitude suscite chez les voyageurs dans le désert, chez les navigateurs et chez les saints. Le mécanisme de ces apparitions relève sans doute de l'explication énergétique. Nos relations normales avec les objets qui nous entourent sont entretenues au prix d'une certaine dépense d'énergie. Si ces relations viennent à être rompues, il se produit une « rétention » d'énergie qui crée, à son tour, un substitut équivalent. Le délire de persécution, par exemple, provient d'une relation empoisonnée par la méfiance ; de même, en remplacement de l'animation normale de l'entourage, naît une réalité illusoire dans laquelle des ombres inquiétantes et fantomatiques se meuvent au lieu des hommes. De là vient que les lieux solitaires et déserts ont toujours été hantés, pour l'homme primitif, de « démons » et autres apparitions du même genre.
4) rêve
Le sujet est entouré de nombreuse formes féminines indistinctes. Une voix dit en lui : « Il faut d'abord que je m'éloigne de Père. »
Ici, l'atmosphère psychique a été animée par ce que le Moyen Age aurait appelé des succubes... L'élément hallucinatoire se révèle dans le fait que la pensée est parlée à voix haute. Les mots « il faut d'abord que je m'éloigne » appellent une conclusion qui commencerait par « pour ensuite. ». On peut supposer que ce complément correspondrait à peu près à « pour pouvoir suivre l'inconscient, c'est-à-dire les aguichantes formes féminines ». Représentant de l'esprit traditionnel tel qu'il s'exprime dans les religions et dans les conceptions générales du monde, le père du sujet lui barre le chemin. Il lie le rêveur à la conscience et à ses valeurs. Le monde masculin traditionnel, avec son intellectualisme et son rationalisme, se manifeste comme une entrave - d'où l'on peut conclure que l'inconscient, avec lequel le sujet prend contact, se trouve en opposition marquée avec les tendances conscientes de ce dernier, et que le rêveur, en dépit de cette opposition, révèle une forte inclination à se ranger du côté de l'inconscient. C'est pourquoi ce dernier ne devrait pas être subordonné aux jugements rationnels de la conscience ; il devrait devenir une expérience sui generis. Ce n'est évidemment pas facile à faire accepter à l'intellect puisque cela implique un sacrificium intellectus (sacrifice de l'intellect) partiel sinon total. En Outre, l'homme moderne a beaucoup de peine à comprendre le problème ainsi soulevé parce qu'il ne peut voir tout d'abord dans l'inconscient qu'un appendice inessentiel et irréel du conscient, et non une sphère à part, spécifiquement autonome, de l'expérience. Ce conflit apparaîtra encore fréquemment dans le cours des rêves suivants, jusqu'à ce que la bonne formule de corrélation conscient- inconscient soit enfin trouvée et que la position intermédiaire correcte soit conférée à la personnalité. Un tel conflit ne peut être résolu par la seule compréhension, il faut le vivre. Chaque stade du processus doit être vécu. Il n'est pas d'interprétation ou d'autres artifices trompeurs qui parviennent à éliminer cette difficulté car l'unification du conscient et de l'inconscient ne peut se faire que pas à pas.
. la psyché n'est pas identique à notre intention, mais qu'elle est en majeure partie autonome et inconsciente. C'est pourquoi l'approche de l'inconscient déclenche, chez l'être cultivé, une peur panique . L'intellect ne voit aucune objection à « analyser » l'inconscient comme un objet passif, bien au contraire car cette activité répondrait à nos attentes rationnelles ; mais laisser l'inconscient suivre son cours et le vivre comme une réalité, cela dépasse le courage et les forces de l'Européen moyen. .
L'expérience de l'inconscient est un secret personnel qui n'est que difficilement communicable.. ; c'est pourquoi elle isole. Cependant, l'isolement entraîne une activation compensatoire de l'atmosphère psychique et cela suscite l'inquiétude. Les figures qui apparaissent dans le rêve sont féminines, ce qui indique le caractère féminin de l'inconscient. Ce sont des fées, des sirènes et des lamies qui ensorcellent le voyageur solitaire et l'induisent en erreur. On rencontre de même des vierges séductrices.. ; la Mélusine de Paracelse est également une figure de ce genre.
5) impression visuelle
Un serpent décrit un cercle autour du rêveur, qui est enraciné dans le sol comme un arbre.
Dessiner un cercle protecteur est un moyen magique vieux comme le monde utilisé par tous ceux qui ont un projet particulier et secret. Ils se protègent ainsi des « perils of the soul » (dangers de l'âme) qui menacent de fondre de l'extérieur sur quiconque s'isole par un secret. On a également utilisé depuis très longtemps ce moyen pour délimiter un espace sacré et inviolable, en traçant le sulcus primigenius (premier sillon). Par exemple, lors de la fondation des villes. Le fait que le rêveur soit enraciné au milieu du cercle constitue une compensation à sa propension presque insurmontable à fuir devant l'inconscient. Après cette vision, il éprouve un sentiment agréable de soulagement - et avec juste raison puisqu'il est parvenu à créer un temenos (un morceau de terrain, souvent un bosquet, mis à part et dédié un dieu.), un cercle tabou dans lequel il lui sera possible d'affronter l'inconscient. De ce fait, son isolement, auparavant inquiétant, est élevé au rang d'intention et se voit donner un sens et un but qui le débarrassent de son aspect terrifiant. P.76
6) impression visuelle
Une forme féminine voilée est assise sur un escalier.
Le motif de la femme inconnue ~ que nous désignons par le terme technique d' « anima » - apparaît ici pour la première fois. ..elle est une personnification de l'atmosphère psychique activée. Dorénavant, l'apparition de la femme inconnue se renouvellera.. La personnification implique toujours une activité autonome de l'inconscient. Lorsqu'une figure personnelle apparaît, cela signifie que l'inconscient commence à agir. L'activité de ces personnages a très fréquemment un caractère d'anticipation : elle anticipe quelque chose que le rêveur fera lui-même plus tard. Dans le cas présent, est question d'un escalier, ce qui indique une montée ou une descente.
Comme le processus qui se joue dans des rêves de ce genre a une analogie historique dans les rites d'initiation, il n'est peut-être pas superflu de relever que l'escalier planétaire à sept échelons joue un rôle important. du thème de l'ascension, c'est-à-dire de la sublimation. L'ascension était souvent indiquée par une échelle ; de là l'adjonction, aux offrandes funéraires égyptiennes, d'une petite échelle pour le ka des morts. (..l'échelle de Jacob) L'ascension des sept cercles planétaires signifie le retour à la divinité solaire, son lieu d'origine. Ainsi, le mystère d'Isis décrit par Apulée culmine dans ce que l'alchimie .. appelle la solificatio (solification), et où l'initié était couronné en tant qu'Hélios. P.78
7) impression visuelle
La femme voilée découvre son visage qui resplendit, lumineux comme le soleil.
La solificatio s'accomplit sur l'anima. Ce processus semble bien correspondre à l'illuminatio (illumination). Cette connaissance scientifique ne satisfait que la petite partie de la personnalité qui nous est contemporaine et non la psyché collective qui plonge ses racines dans les brumes la préhistoire et a toujours besoin d'un rite particulier pour être mise en contact avec la conscience contemporaine. I1 est donc évident qu'il se prépare un éclaircissement de l'inconscient qui aura bien davantage le caractère de l'illuminatio que celui de l' « explication » rationnelle. La solificatio est infiniment éloignée de la conscience et elle lui apparaît chimérique.
8) impression visuelle
Un arc-en-ciel doit être utilisé comme pont, mais il faut le passer non par-dessus, mais par-dessous. Quiconque s' y engage par-dessus tombe et se tue.
Seuls les dieux franchissent avec succès les ponts formés par les arcs-en-ciel ; lorsqu'ils le tentent, les mortels font une chute fatale car l'arc-en-ciel n'est qu'une belle apparence qui se tend au travers du ciel, et non une voie praticable par les êtres rivés à leurs corps. Ceux-ci doivent passer « par-dessous ». Mais sous les ponts coule l'eau, qui suit sa pente.
9) rêve
Une verte campagne où paissent de nombreux moutons. C'est le « pays des moutons ».
Ce morceau singulier ,impénétrable au premier abord, doit provenir d'impressions d'enfance et, en particulier, d'impressions religieuses.. « sur des prés d'herbe fraîche il me parque » (Ps.23) ou les allégories du berger et de ses moutons chères au christianisme primitif. .. P.81
10) impression visuelle
La femme inconnue se tient dans le pays des moutons et montre le chemin.
L'anima, qui a déjà anticipé la solificatio, apparaît ici comme le psychopompe qui montre la voie. Le chemin commence dans le pays de l'enfance, c'est-à-dire à un moment où la conscience rationnelle contemporaine ne s'était pas encore séparée de la psyché historique, de l'inconscient collectif. La séparation est, il est vrai, indispensable, mais elle conduit à un tel éloignement de la psyché préhistorique crépusculaire qu'il en résulte une perte d'instinct. La conséquence en est l'atrophie des instincts et, par suite, la désorientation face aux situations universellement humaines. La séparation a également comme conséquence que le « pays de l'enfance » demeurera définitivement infantile et deviendra une source permanente de tendances et d'impulsions infantiles. Ces intrusions sont évidemment fort mal reçues par la conscience qui les refoule donc en toute conséquence. Cependant, cette conséquence dans le refoulement ne sert qu'à amener un éloignement encore plus grand de la source, augmentant ainsi l'absence d'instinct jusqu'à ce qu'elle devienne absence d'âme. Par suite, ou bien la conscience sera totalement submergée par l'infantilisme, ou bien elle devra constamment, et vainement, s'en défendre par une sénilité cynique ou une résignation amère. C'est pourquoi il faut se rendre compte que, malgré ses indéniables succès, l'attitude rationnelle de la conscience contemporaine est à bien des égards humains infantile, donc inadaptée et, par conséquent, hostile à la vie. La vie s'est desséchée et a été entravée ; c'est pourquoi elle réclame la découverte de la source. Mais la source ne pourra être trouvée si la conscience ne condescend pas à retourner dans le « pays de l'enfance » pour y recevoir, comme par le passé, l'enseignement de l'inconscient. Est infantile non seulement celui qui persiste trop longtemps dans l'enfance, mais aussi celui qui, s'en séparant, prétend que ce qu'il ne voit plus n'existe pas. Cependant, quiconque s'en retourne au pays de l'enfance craint de devenir puéril, car il ignore que tout ce qui est originellement psychique a un double visage, dont l'un est tourné vers l'avant et l'autre vers l'arrière. Ce double visage est ambigu et, par conséquent, symbolique, comme toute réalité vivante.
Nous nous tenons sur un sommet de la conscience et pensons puérilement que la suite du chemin conduit nécessairement vers des hauteurs encore plus élevées. C'est là le pont chimérique de l'arc-en-ciel. En réalité pour atteindre le sommet suivant, il faut tout d'abord redescendre dans cette région où les chemins commencent seulement à se séparer. P.83
11) rêve
Une voix dit : « Tu es encore un enfant, »
Ce rêve impose l'aveu qu'une conscience, pour différenciée qu'elle soit, n'en a pas fini pour autant avec l'enfance et qu'un retour au monde de l'enfance est, par conséquent, nécessaire. (*1)
12) rêve
Une excursion dangereuse avec père et mère, en montant et en descendant de nombreuses échelles.
Une conscience infantile est toujours liée au père et à la mère et n'est jamais libre d'elle-même. Un retour à l'enfance, c'est toujours un retour au père et à la mère, c'est-à-dire au lourd fardeau du non-moi psychique représenté par le père et la mère et dont l'histoire est longue et d'une importance capitale. La régression implique la désintégration de la personnalité dans ses déterminantes historiques et héréditaires, à l'emprise desquelles on ne peut échapper qu'à grand-peine. Notre préhistoire psychique est à proprement parler l'esprit de la pesanteur, qui ne saurait se passer d'escaliers et d'échelles, puisqu'au contraire de l'intellect sans corps et sans poids il ne peut s'envoler à volonté. La désintégration (*2) dans la diversité des déterminantes historiques est semblable une errance à l'aveuglette, à une désorientation totale, au cours de laquelle ce qui est juste peut apparaître comme une erreur inquiétante.
., le thème des escaliers et des échelles signale le processus de transformation psychique avec ses péripéties. ..
On ne peut naturellement pas se libérer de l'enfance sans y consacrer beaucoup d'efforts . cette libération ne peut être accomplie par une connaissance purement intellectuelle ; seul est efficace le souvenir qui fait en même temps revivre l'expérience passée. Le fil rapide des ans, le flot tumultueux les impressions du monde fraîchement découvert laisse derrière lui une masse d'expériences en suspens. 0n ne s'en libère pas ; on ne fait que s'en éloigner. . lorsque, plus tard, nous nous remémorons nos souvenirs d'enfance, nous y trouvons des éléments encore vivants de notre personnalité qui nous saisissent . Ces fragments sont encore à l'état où l'enfant les avait laissés ; ils sont, par conséquent, puissants et immédiats. Ce n'est que lorsqu'ils seront réunis à la conscience de l'adulte qu'ils pourront perdre leur aspect infantile et être corrigés. Il faut toujours liquider en premier lieu cet inconscient personnel en l'amenant à la conscience, faute de quoi l'accès à l'inconscient collectif (*3) demeure fermé. Avec ses nombreuses échelles qu'il faut monter et descendre, le voyage avec le père et la mère correspond à cette prise de conscience de contenus infantiles non encore intégrés.
13) rêve
Le père, inquiet, s'écrie : « C'est le septième ! »
. Le « septième » (*4) correspond au degré le plus élevé et serai ainsi, du point de vue de l'initiation, le but qu'on appelle de tous ses voeux. Cependant, pour l'esprit traditionnel, la solificatio (*5) est une représentation aventureuse, mystique, confinant donc à la folie.quoi d'étonnant alors à ce que le père soit inquiet et anxieux comme une poule qui aurait couvé un canard et que les tendances aquatiques de sa progéniture mettrait au désespoir. Si cette interprétation est exacte, c'est-à-dire si le « septième » représente bien le stade le plus élevé de l'illumination, on pourrait en conclure que le processus d'intégration de l'inconscient personnel est en principe terminé. Au stade suivant, l'inconscient collectif devrait commencer à s'ouvrir (*6), ce qui expliquerait largement l'inquiétude du père, représentant de l'esprit traditionnel.
Cependant, le retour au crépuscule originel de l'inconscient collectif n'implique pas qu'il faille pour autant abandonner entièrement la précieuse acquisition de nos pères qu'est la différenciation intellectuelle (*7) de la conscience. Il s'agit plutôt que l'homme prenne la place de l'intellect - non pas l'homme que le rêveur s'imagine être, mais quelqu'un de beaucoup plus élaboré et complet. Cependant, ce processus exige que le rêveur assimile dans la sphère de sa personnalité toutes sortes de choses qui lui paraissent encore pénibles ou tout à fait impossibles. Le père qui s'écrie avec tant d'inquiétude : « C'est le septième ! » est une composante psychique du rêveur, et cette angoisse est par conséquent celle du rêveur lui-même. L'interprétation doit donc envisager la possibilité que le « septième » ne désigne pas seulement une sorte de culmination, mais aussi quelque chose de défavorable. Nous retrouvons ce thème dans le conte du Petit Poucet et de l'ogre.. le plus jeune de sept frères .. i1n'en est pas moins celui qui conduit ses frères à la cabane de l'ogre, démontrant ainsi sa double nature dangereuse : il est tout à la fois porteur de bonne et de mauvaise fortune ; en d'autres termes, il est aussi l'ogre lui-même. Depuis des temps reculés, les « sept » ont représenté les sept dieux des planètes .. ils forment .. une « compagnie de dieux » . Hermès-Mercurius posséda dès lors une double nature puisqu'il était à la fois un dieu chtonien de révélation et l'esprit du vif-argent ; c'est pourquoi on le représenta sous les traits d'un hermaphrodite. En tant que planète mercure, il est le plus proche du soleil, ce qui signifie qu'il a aussi la relation la plus étroite avec l'or. Mais, en tant que vif-argent, il dissout l'or et éteint son éclat solaire. . il était tantôt un esprit serviable et secourable, . tantôt un lutin remuant, insaisissable, taquin et trompeur, faisant le désespoir des alchimistes et partageant ses attributs divers avec le diable ; citons entre autres, pour ne mentionner que les plus importants d'entre eux, le dragon, le lion, l'aigle, le corbeau. Dans la hiérarchie alchimique des dieux, il est le plus bas en tant que prima materia (matière originelle) et le plus élevé en tant que lapis philosophorum (pierre philosophale). Le spiritus mercurialis (esprit mercuriel) est le guide des alchimistes (Hermès psychopompe) et leur séducteur : il est leur bonne fortune et leur perdition. .
. Notre conscient est loin de tout comprendre, mais l'inconscient se souvient toujours des choses sacrées immémoriales, aussi étranges qu'elles puissent être, et nous les rappelle à la première occasion. (*8) . P.91
14) rêve
Le rêveur est en Amérique et recherche un employé ayant une barbe en pointe. On dit que tout te monde un tel employé.
L'Amérique est un pays où l'on voit les choses de manière directe et pratique .. On y essaierait de maintenir l'intellect à son rang d'employé. Bien sûr, cela sonne comme un crime de lèse-majesté et pourrait par suite devenir inquiétant ; c'est pourquoi il est rassurant de savoir que tout le monde en fait autant. La barbe en pointe est l'attribut du vieux Méphisto (*9)que Faust «employa ».
Le rêveur lui-même avait reconnu le personnage de Méphistophélès dans l' « homme à la barbe en pointe ». La versatilité intellectuelle de même que l'esprit d'invention et le penchant pour la science sont des attributs du Mercurius astrologique. L'homme à la barbe en pointe symbolise donc l'intellect qui est présenté par le rêve comme un véritable familiaris (esprit familier), un esprit serviable bien qu'un peu dangereux. L'intellect est ainsi dégradé de la position suprême qu'il occupait un temps et se voit relégué au second rang et en même temps, marqué comme démoniaque. Non pas qu'il soit devenu démoniaque à ce moment seulement : il l'avait toujours été, mais le rêveur n'avait pas remarqué, jusqu'alors, combien il était possédé par son intellect, qu'il reconnaissait tacitement comme l'instance suprême. Il a maintenant la possibilité d'examiner d'un peu plus près cette fonction, jusque-là la dominante incontestée de sa vie psychique. Méphistophélès est l'aspect diabolique de toute fonction psychique qui c'est échappée de la hiérarchie de la psyché totale et jouit de l'indépendance et du pouvoir abso1u. Mais cet aspect ne peut être perçu que lorsque la fonction devient une entité séparée et qu'elle est objectivée ou personnifiée, comme c'est le cas dans ce rêve.
. Dans la compagnie des vieux philosophes à barbes blanches, il y a un jeune homme portant une barbe noire taillée en pointe.(*10) cf.Silberer
Le Mercurius, sous sa forme de vif-argent, convient particulièrement bien pour caractériser l'intellect «liquide », c'est-à-dire mobile. C'est pourquoi, en alchimie, le Mercurius est parfois un «esprit » (spiritus) et parfois une «eau », l'aqua permanens (l'eau permanente) qui n'est rien d'autre que l'argentum vivum (le vif-argent). P.95
15) rêve
La mère verse de l'eau d'une cuvette dans une autre. (Ce n'est qu'au vingt-huitième rêve que le sujet se souvint que cette cuvette était celle de sa soeur.) Cette opération est accomplie avec grande solennité car elle est aussi de la plus haute importance pour l'entourage. Puis le rêveur est renié par son père.
. thème de l'échange. Une chose est mise à la place d'une autre. On en a terminé avec le « père » ; c'est maintenant l'action de la « mère » qui commence. De même que le père représente la conscience collective, l'esprit traditionnel, la mère, elle, représente l'inconscient collectif, la source de l'eau de vie. .. L'inconscient modifie la localisation des forces vitales, ce qui est l'indice d'un changement de oint de vue. L'association ultérieure du rêveur nous permet de préciser qui devient alors l'origine de la source de vie : c'est la « soeur ». Le fils est subordonné à la mère, alors qu'il est sur un pied d'égalité avec la soeur. La dégradation de l'intellect (*11)libère ainsi le rêveur de la domination de l'inconscient et, par là de l'infantilisme. La soeur est certes encore une relique du passé, mais nous savons de façon définitive par certains rêves ultérieurs qu'elle est porteuse de l'image de l'anima. C'est pourquoi nous sommes autorisés à supposer que le transfert de l'eau de vie à la soeur signifie, en fait, le remplacement de la mère par l'anima. (C'est là en vérité un processus vita1 tout à fait norma1, mais qui a généralement lieu de façon totalement inconsciente. L'anima est un archétype qui est toujours présent. La mère est la première à porter l'image de l'anima, qui lui confère un caractère fascinant aux yeux de son fils. Cette image est ensuite transférée, via la soeur et d'autres figures semblables, à la femme aimée. )
L'anima devient ainsi un facteur dispensateur de vie, une réalité psychique, incompatiblement opposée au monde du père. Qui donc pourrait décider, sans mettre en danger sa santé mentale, de confier la conduite de sa vie aux directives provenant de l'inconscient ? . Quiconque peut se l'imaginer comprendra sans difficulté quelle offense monstrueuse une telle volte-face inflige à l'esprit traditionnel . Il est logique qu'à la suite de cela le père renie son fils, ce qui ne signifie rien d'autre que l'excommunication.. Quiconque reconnaît la psyché dans sa réalité et l'élève, à tout le moins, à la dignité de facteur éthique co-déterminant offense l'esprit traditionnel qui, depuis des siècles, réglemente la vie psychique de l'extérieur au moyen d'institutions ainsi que par la raison. Non pas que l'instinct irrationnel se rebelle contre l'ordre solidement établi ; en vertu de sa propre loi interne, il est lui-même la structure la plus solide et, de plus, la cause première créatrice de tout ordre contraignant. Mais, précisément parce que ce fondement est créateur, tout ordre qui y prend naissance - même sous sa forme la plus « divine » - n'est que transition, stade passager. Contre toute apparence extérieure, l'établissement de l'ordre et la dissolution de ce qui a été établi échappent en définitive à l'arbitraire humain, Le secret c'est que seul est véritablement vivant ce qui peut aussi se supprimer soi-même. Il est heureux que ces choses soient difficilement compréhensibles et qu'elles jouissent de ce fait d'une dissimulation salutaire car les esprits faibles n'en sont que trop facilement captivés et troublés. Le dogme, qu'il soit de nature confessionnelle, philosophique ou scientifique, offre une protection efficace contre ces dangers et, par suite, vue sous l'angle social, l'excommunication est une conséquence nécessaire et utile.
L'eau que la mère, l'inconscient, verse dans la cuvette de l'anima est un remarquable symbole de la vitalité de l'être psychique. Les vieux alchimistes.. l'appelaient aqua nostra (notre eau), mercurius vivus (mercure vivant), argentum vivum (vif-argent), vinum ardens (vin ardent), aqua vitae (eau de vie), succus lunariae (suc lunaire), . ils entendaient caractériser, l'être vivant auquel la substance n'était pas étrangère. L'expression succus lunariae indique.. son origine nocturne, et aqua nostra, tout comme mercurius vivus, le caractère terrestre de la source. L'acetum fontis (acide de la source) est une eau corrosive puissante qui, d'une part, dissout toutes les choses créées et, d'autre part, conduit à la plus durable de toutes les réactions : le mystérieux lapis (la pierre). (*12).
L'opinion selon laquelle hors de l'Eglise il n'y a point de salut. se fonde sur le sentiment qu'une institution est une voie assurée et praticable avec un but certain, visible ou désignable et que, de ce fait, on ne saurait trouver ni voie, ni but en dehors d'elle. On ne doit pas sous-estimer la signification bouleversante de ce sentiment d'abandon dans le chaos, même si l'on sait qu'il est la condition sine qua non de tout renouvellement de l'esprit et de la personnalité. P.102
16) rêve
Un as de trèfle. A côté apparaît un sept.
L'as en tant que représentant le « 1 » est la carte !a plus basse, mais il possède aussi .. la valeur la plus élevée. L'as de trèfle (*13), avec sa forme de croix, renvoie au symbole chrétien. Les trois feuilles font en même temps allusion à la trinité du Dieu unique. Ce qu'il y a de plus bas et de plus haut est le début et la fin, l'alpha et l'oméga.
Le sept apparaît après et non avant l'as de trèfle. . comme signifiant : d'abord le concept chrétien de Dieu et ensuite les sept (stades). Les sept stades symbolisent la transformation ; celle-ci commence avec le symbole de la trinité et de la croix et, si l'on en croit les précédentes alIusions archaïsantes des rêves 7 et 13, elle culminerait au septième stade avec la solificatio. Cette solution n'est cependant pas suggérée ici. Nous connaissons toutefois par le Moyen Age une autre transition que la régression vers l'hélios antique. Il s'agit du passage à la rose exprimé dans la formule « per crucem ad rosam » .. qui fut condensée dans la « Rose-Croix ». Dans cette transition, l'essence du soleil descend du Sol (Soleil) céleste dans la fleur, réplique terrestre du visage du soleil. Le caractère solaire a aussi survécu dans le symbole de la « fleur d'or » de l'alchimie chinoise. La « fleur bleue » des Romantiques pourrait bien être un dernier souvenir sentimental de la « rose » ; . Le rayonnement doré du soleil dut lui aussi se résigner à descendre ; il trouva son analogie dans l'éclat de l'or terrestre qui, en tant qu'aurum nostrum (notre or), était très éloigné de la matérialité grossière du métal, tout au moins pour les esprits raffinés. Pour ces derniers, l'or avait indubitablement un caractère symbolique et on le distinguait, par suite, au moyen d'attributs .. C'est probablement à cause de sa trop claire analogie solaire que l'or se vit refuser la dignité philosophique suprême, qui fut attribuée au lapis philosophorum (pierre philosophale). Car ce qui transforme est supérieur à ce qui est transformé, et le pouvoir de transformer est précisément une des qualités magiques de la pierre miraculeuse.(*14) Le Rosarium dit : « Car notre pierre, c'est-à-dire le vif~argent occidental, qui s'est placé au-dessus de l'or et l'a vaincu, est ce qui tue et fait vivre. »(*15) . P.105
17) rêve
Le rêveur fait une longue promenade et trouve une fleur bleue en chemin.
Se promener, c'est parcourir des chemins sans but :c'est tout à la fois une quête et une métamorphose. . la fleur bleue s'épanouissant sans but au bord du chemin, une enfant accidentelle de la nature .. souvenir d'une époque lyrique et romantique, .. lorsque la conception scientifique du monde ne s'était pas encore douloureusement séparée de l'expérience réelle que l'on a de ce monde, . La fleur(*16) est en réalité comme un signe amical, une émanation numineuse de l'inconscient qui montre à celui qui a été privé de l'appartenance à tout ce qui, pour l'homme, signifie le salut et la voie de la sécurité, le lieu et le moment dans l'histoire où il peut rencontrer des amis et des frères spirituels et où il peut trouver le germe qui voudrait se développer en lui aussi. Mais le rêveur n'a encore aucune idée du vieil or solaire qui lie la fleur innocente à l'art choquant de l'alchimie et à l'idée sacrilège et païenne de la solificatio. Car la « fleur d'or de l'alchimie » peut aussi être parfois une fleur bleue, la « fleur saphirique de l'hermaphrodite ». P.107
18) rêve
Un homme offre des pièces d'or au rêveur dans sa main ouverte. Indigné, le rêveur les jette à terre et, immédiatement après, regrette profondément son geste. Ensuite, un spectacle de variétés a lieu sur une place fermée.
La fleur bleue commence déjà à révéler ses implications. L' « or » s'offre au rêveur et est refusé avec indignation. .Cependant, à peine a-t-elle eu lieu qu'apparaît le remords d'avoir rejeté le précieux secret et d'avoir ainsi mal répondu à la question du sphinx (*17). Il arriva la même chose au héros du Golem de Meyrink lorsque le spectre lui offrit une poignée de grains et qu'il la rejeta. La matérialité grossière du métal jaune, avec son odieux arrière-goût de fondement de la monnaie, et l'insignifiance des grains rendent le rejet bien compréhensible. C'est précisément pourquoi il est si difficile de trouver le lapis : il est exilis, vil, insignifiant, il « se trouve jeté à la rue », il est ce qu'il y a de plus commun, que l'on trouve partout, « in planitie, in montibus et aquis » (dans la plaine, dans les montagnes et dans l'eau). Le lapis partage cet aspect « ordinaire » avec le joyau du Prométhée et Epiméthée de Spitteler. C'est pourquoi tous ceux dont l'intelligence est orientée vers les valeurs de ce monde sont incapables de reconnaître ce joyau. Mais « la pierre qu'avaient rejetée les bâtisseurs, c'est elle qui est devenue pierre de faîte » (Marc, 12 : 10) et l'intuition de cette possibilité suscite un violent remords chez le rêveur.
Cela fait partie de la banalité de son aspect extérieur que l'or soit monnayé, c'est-à-dire formé, frappé et évalué. . Par la forme et le nom, l'être psychique est découpé en unités monnayées et évaluées. Mais cela n'est possible que parce qu'il est aussi une pluralité innée, une accumulation d'unités héréditaires non intégrées. L'homme naturel n'est pas un « soi », mais une particule de la masse et une masse lui-même ; i1 est collectif au point de n'être plus bien sûr de son moi. C'est pourquoi, depuis des temps immémoriaux, il a eu besoin des mystères de métamorphose qui le transforment en un « quelque chose » et l'arrachent ainsi à la psyché collective, quasiment animale, qui n'est que pluralité.
Mais si la pluralité insignifiante de l'homme nature1 est rejetée, il lui devient impossible d'atteindre l'intégration, de devenir un Soi. Et cela, c'est la mort spirituelle. La vie qui se produit simplement en et pour elle-même n'est pas la vraie vie ; elle n'est vraie que lorsqu'elle est connue. Seule une personnalité unifiée peut faire l'expérience de la vie, et non cet événement décomposé en aspects parcellaires qui, lui aussi, s'appelle « homme ». La dangereuse pluralité à laquelle le rêve 4 (*18)faisait déjà allusion est compensée par la vision 5 où le serpent décrit un cercle magique protecteur et délimite ainsi un espace tabou, un temenos. P.110.

Petit séminaire du 1-12-99
*1 Dans un rêve « « l'enfant » peut représenter le coté infantile ou le coté évolutif, en tant que potentiel ou figure du Soi.
Ex. de retour à l'enfance : Jung et le jeu.
*2 L'excursion dangereuse est la négociation des images parentales qui empêchent d'être nous-mêmes.
Dans la désintégration l'analysant ne croit plus en rien ; l'analyste doit sentir que le Soi mène le processus et qu'il est soutenu.
*3 Toutefois les images collectives réparent aussi le plan personnel et le soutiennent. Le psychisme actuel semble plus archaïque et a besoin des images mythiques. Le monde actuel est violent, moins structuré ; les repères collectifs, qui étaient contenus dans les systèmes religieux, sont perdus et les jeunes sont insécurisés.
*4 Le 7 est un cycle achevé ; cf. le schéma de l'évolution de Charles Baudouin : au septième on est individué.
*5 La tête devient ronde, solaire, identifiée au solaire, éblouissant ; c'est le chakra couronne.
*6 théorique.
*7 Afin que l'intellect devienne par différenciation une pensée.
*8 C'est là où l'analyste doit comprendre.
*9 Méphisto, puissance maléfique, amène la régression ; il y a aussi un bien qui s'établit si on en meure pas. C'est un contenu archétypique donc il ne faut pas trop charger la personne.
*10 C'est l'ombre des philosophes.
*11 Peut amener chez l'intellectuel somatisations et déprime.
*12 Le fondement psychique, d'où symbole quaternaire.
*13 Le 3 est fréquemment un symbole du dynamisme de l'inconscient. Le processus sort du 2, est dynamisé et le 4 n'est pas loin.
*14 C'est le symbole du Soi qui est majeur.
*15 Dualité de l'archétype.
*16 La fleur est liée au féminin ; la fleur bleue est symbole du Soi féminin.
*17 Figure mythique de l'interrogation .
*18 Cette pluralité est féminine. Si le féminin avait été reconnu dans l'image de la fleur bleue le rêveur aurait peut-être pu accepter les pièces. Le féminin est aussi ce qui est exilis.

19) Impression visuelle
Une tête de mort. Il veut la repousser du pied mais ne le peut pas. Peu à peu, le crâne se transforme en une boule rouge, puis en une tête de femme qui émet la lumière.

Les monologues de la tête de mort de Faust et d'Hamlet rappellent l'absurdité bouleversante de l'existence humaine dès que « la pâleur des pensées » est seule à la revêtir. Ce sont des opinions et des jugements traditionnels qui ont poussé le rêveur à rejeter une offre peu attrayante et prêtant à confusion. Mais lorsqu'il cherche à se défendre contre la sinistre vision de la tête de mort, cette dernière se transforme en une boule rouge que nous pouvons comprendre comme une allusion au soleil levant puis qu'elle se change tout de suite après en une tête de femme resplendissante .. Une énantiodromie a manifestement eu lieu : après avoir été rejeté, l'inconscient ne s'affirme que plus fortement encore. Il produit tout d'abord le symbole antique du caractère unitaire et divin du soi : le soleil ; puis il passe au thème de la femme inconnue qui personnifie l'inconscient. Ce thème inclut naturellement non seulement l'archétype de l'anima, mais aussi la relation avec la femme réelle, qui est d'une part une personnalité humaine et, d'autre part, un réceptacle de l'être psychique..
Dans la philosophie néo-platonicienne, l'âme a des affinités très nettes avec la sphère. La substance de l'âme est étendue autour des sphères concentriques des quatre éléments au-dessus du ciel de feu. (.. voir aussi la forme ronde de l'homme originel platonitien.. l'anima mundi (âme du monde) alchimique est sphérique, comme « l'âme des corps » ; il en va de même de l'or..)
20) Impression visuelle
Un globe ; la femme inconnue se tient dessus et adore le soleil.
. Le rejet exprimé dans le rêve 18 implique manifestement la destruction de tout le développement qui a eu lieu jusque-là ; c'est pourquoi les symboles du début réapparaissent, mais amplifiés. De telles énantiodromies sont caractéristiques des séries de rêves en général. Sans l'intervention de la conscience, l'inconscient continuerait à produire vague après vague, sans résultat, comme le fait le trésor auquel il faut neuf ans, neuf mois et neuf nuits pour atteindre la surface et qui, s'il n'est pas découvert durant la dernière nuit, retombe dans les profondeurs pour recommencer le même jeu à partir du début.
Le globe dérive probablement de l'idée de la boule rouge. Alors que cette dernière était le soleil, le globe, lui, est plutôt l'image de la terre sur laquelle se tient l'anima adorant le soleil. L'anima et le soleil sont ainsi distingués l'un de l'autre, ce qui indique que le soleil désigne un principe différent de l'anima. En effet, cette dernière est une personnification de l'inconscient, tandis que le soleil est un symbole de la source de vie et de la totalité ultime de l'homme. Mais le soleil est un symbole antique qui est encore très proche de nous. .. les chrétiens des premiers siècles éprouvaient quelque difficulté à séparer le solei1 levant du Christ ( cf. l'argument de st Augustin : Dieu n'est pas le soleil mais celui qui l'a fait..) L'anima du rêveur semble être encore une adoratrice du soleil, c'est-à-dire qu'elle est essentiellement antique ; cela tient à ce que la conscience, avec son attitude rationnelle ne s'est encore que peu ou même pas du tout occupée d'elle, rendant par conséquent impossible sa modernisation .. Il semble même que la différenciation de l'intellect, ait incité l'anima à régresser dans l'antiquité. La Rennaissance nous fournit suffisamment d'exemples de ce phénomènes.. Poliphile rencontre son anima, Dame Polia, à la cour de la reine Vénus, une anima vierge le toute influence ou de tout caractère chrétien, mais dotée de toutes les « vertus » de l'Antiquité. .. Avec cette anima nous plongeons donc en pleine Antiquité. . comme une tentative d'échapper, par le rejet, à cette régression inquiétante et invraisemblable dans l'Antiquité. .. fait .. suspecter une régression à des niveaux païens.
.Le rêveur n'a consciemment pas la moindre idée de toutes ces choses. Mais, dans son inconscient, il est plongé dans ces intrications qui se sont aussi exprimées historiquement ; il se comporte donc dans ses rêves comme s'il connaissait parfaitement ces singuliers déroulements de l'histoire de l'esprit humain. En réalité, il est un porte-parole inconscient du développement psychique autonome, au même titre que l'alchimiste du Moyen Age ou que le néo-platonicien de l'Antiquité. Il serait donc possible.. d'écrire tout aussi bien l'histoire en partant de son inconscient qu'en s'appuyant sur les textes existant objectivement.
21) Impression visuelle
Il est entouré de nymphes. Une voix dit : « Nous avons toujours été là, seulement tu ne nous avais pas remarquées »
La régression remonte ici encore plus loin, jusqu'à une image qui est incontestablement antique. En même temps, la situation du rêve 4 est reprise et, de ce fait, celle du rêve 18 également, où le rejet conduisit à l'énantiodromie préventive de la vision 19. Cependant, l'image est maintenant amplifiée par la reconnaissance hallucinatoire de ce que cet état de fait a toujours existé, mais avait passé inaperçu jusqu'alors. Avec cette constatation, la psyché inconsciente est acceptée comme entité coexistante et unie à la conscience. Chez le rêveur, le phénomène de la « voix » a toujours le caractère indiscutable et définitif du « Il l'a dit lui-même. » qui signifie que la voix exprime une vérité ou une condition qui ne peut plus être mise sérieusement en doute. Le fait que le contact a été établi avec un passé lointain, c'est-à-dire avec les couches profondes de la psyché, est accepté par la personnalité inconsciente du rêveur et se communique à sa conscience comme un sentiment de sécurité relative.
Dans la vision 20, l'anima est représentée comme une adoratrice du soleil. Elle y est pour ainsi dire sortie de la sphère ou de la forme sphérique. Mais la première forme sphérique est le crâne. Selon une ancienne tradition, la tête, ou le cerveau, est le siège de l'anima intellectualis (âme intellectuelle). C'est pourquoi le vase alchimique doit être rond comme la tête, de façon que ce qui sorte du vase soit aussi « rond », c'est-à-dire simple et parfait comme l'anima mundi (âme du monde). . Le caractère régressif de la vision se révèle aussi dans le fait que les nombreuses formes féminines apparaissent à nouveau .. Cette fois, cependant elles sont de caractère antique, ce qui, comme le culte du soleil.. indique une régression historique. La désagrégation de l'anima en plusieurs figures équivaut à une dissolution dans l'indéfini, c'est-à-dire dans l'inconscient - d'où nous pouvons supposer qu'une dissolution relative de la conscience a lieu parallèlement à la régression historique (processus que l'on peut observer sous sa forme extrême dans la schizophrénie). La dissolution de la conscience ou, selon l'expression de Janet, l'« abaissement du niveau mental », se rapproche d'un état d'esprit primitif. On trouve un parallèle à cette scène.. cf. Paracelse.. comme étant le stade initial du processus d'individuation.
22) Impression visuelle
Le rêveur est dans la forêt vierge. Un éléphant est quelque peu menaçant ; un anthropoïde, un ours ou un homme des cavernes apparaît ensuite, tenant une massue et menaçant d'attaquer le rêveur. Tout à coup l' « homme à la barbe en pointe » apparaît et fixe l'agresseur de telle façon que celui-ci en est cloué sur place. Le rêveur éprouve cependant une grande angoisse. La voix dit : « Tout doit être régi par la lumière ».
La multiplicité des nyrnphes s'est désagrégée en composantes encore plus primitives ; cela signifie que l'atmosphère psychique s'est considérablement animée, d'où on doit conclure que l'isolement du sujet vis-à-vis de ses contemporains a crû dans la même proportion. On peut facilement faire remonter l'accroissement de l'isolement à la vision 21, où l'union avec l'inconscient a été réalisée et acceptée comme un fait. Du point de vue de la conscience, tout ceci est extrêmement irrationnel et constitue un secret anxieusement caché puisqu'on ne pourrait exposer la justification de son existence à aucun être réputé raisonnable. Quiconque tenterait de le faire serait considéré comme complètement fou. L'écoulement de énergie dans le monde extérieur est donc sérieusement restreint et il en résulte un surplus d'énergie dans l'inconscient ; c'est ce qui explique l'augmentation anormale de l'autonomie des figures inconscientes, culminant dans l'agression et une terreur réelle. Ce qui était auparavant le divertissant spectacle de variétés des personnages inconscients commence à devenir fort inquiétant. Grâce à des embellissements esthétiques, nous pouvons encore accepter assez facilement les nymphes inspirées de l'Antiquité car nous ne soupçonnons pas, derrière ces gracieuses figures, le mystère dionysiaque antique, le jeu des satyres et son implication tragique : le déchirement sanglant du dieu devenu bête. Il a fallu un Nietzsche pour révéler dans toute sa fragilité la conception scolaire que l'Europe avait de l'Antiquité ! .Dionysos représente l'abîme de la dissolution passionnée de toutes les particularités humaines au sein de ce que l'âme originelle a de divin et d'animal - expérience aussi terrible que riche de bénédictions. L'humanité, bien enfermée derrière les murs de sa civilisation, croit avoir échappé à cette expérience, jusqu'à ce qu'elle réussisse à déchaîner une nouvelle ivresse de sang, remplissant d'étonnement tous les gens bien pensants qui ne savent plus qu'accuser la haute finance, l'industrie de l'armement, les juifs et les francs-maçons.
Au dernier moment, l'ami à la barbe en pointe apparaît sur la scène comme un secourable deus ex machina et conjure la menace d'une destruction par le formidable anthropoïde. .On peut soupçonner quiconque décrie l'intellect de n'avoir pas encore vécu d'expérience susceptible de lui montrer à quoi cet intellect est bon et pourquoi, en un effort inouï, l'humanité s'est forgé cette arme. C'est témoigner d'un singulier éloignement de la vie que de ne pas le remarquer. Certes, l'intellect est le diable, mais celui-ci est l' « étrange fils du chaos » duquel on peut espérer au premier chef le don de commercer efficacement avec sa mère. L'expérience dionysiaque donne suffisamment à faire au diable en quête de travail car la confrontation avec l'inconscient résultant de cette expérience égale très largement les travaux d'Hercule. Elle soulève, à mon avis, un monde de problèmes que l'intellect ne saurait résoudre même en plusieurs siècles.. C'est sans doute la raison , pour laquelle l'âme est si fréquemment tombée dans l'oubli et pour de si longues périodes, et c'est aussi , probablement pourquoi l'intellect se sert si souvent mots magiques.. comme « occulte » et « mystique », grâce auxquels il fait croire même à des gens intelligents qu'il a dit quelque chose.
La voix déclare finalement que « tout doit être régi par la lumière », ce qui se rapporte probablement la lumière de la conscience éclairée, à la lumière de l'illuminatio (illumination) authentique honnêtement acquise. On ne doit plus nier l'existence des profondeurs obscures de l'inconscient par ignorance.. ce qui n'est qu'un mauvais déguisement d'une peur très commune ; on ne doit pas non plus s'en débarrasser au moyen de rationalisations pseudo-scientifiques. Il faut au contraire admettre qu'il existe, dans la psyché, des choses dont nous ignorons tout ou presque, et qui possèdent au moins le même degré de réalité que les choses du monde physique, que nous ne comprenons pas non plus . Aucune recherche affirmant que son sujet n'avait pas de caractère propre ou n'était qu'un « rien que » n'a jamais apporté la moindre contribution à la connaissance.
Avec l'intervention active de l'intellect commence une nouvelle phase du processus inconscient : la confrontation de la conscience avec les figures de la femme inconnue (« anima »), de l'homme inconnu (« ombre ») et du vieux sage (« personnalité mana »), et avec les symboles du soi. .. P.123

III LA SYMBOLIQUE DU MANDALA
1) A propos du Mandala
. J'ai choisi le terme de mandala parce qu'il désigne le cercle rituel ou magique utilisé comme yantra, comme instrument de contemplation, dans le lamaïsme, en particulier, mais aussi dans le yoga tantrique. Les mandalas orientaux sont des figures établies par la P.125 tradition dans leur utilisation cultuelle ; ils ne sont pas seulement dessinés ou peints mais peuvent aussi être représentés plastiquement à l'occasion de certaines fêtes.
. un rimpoche lamaïste.. l'expliquait comme étant un dmigs-pa (prononcer « migpa », une image mentale ne pouvant être construite que par l'imagination d'un lama ayant terminé son instruction. Selon lui, aucun mandala ne ressemblait à aucun autre ; ils étaient tous individuellement différents. .. A son avis, le véritable mandala était toujours une image intérieure, graduellement construite par l'imagination (active), dans des moments où l'équilibre psychique était troublé ou lorsqu'une pensée ne pouvait être trouvée et devait être cherchée parce qu'elle n'était pas contenue dans la doctrine sacrée. .. Il ne faut cependant accepter qu'avec bien des réserves la prétendue formation libre et individuelle du mandala puisque non seulement un certain style très particulier, mais aussi une structure traditionnelle prédominent dans tous les mandalas lamaïques. Il s'agit toujours, par exemple, d'un système quaternaire, d'une quadratura circuli (quadripartition du cercle) . la Roue du Monde consiste en un système ternaire puisque les trois principes du monde se trouvent en son centre : le coq, représentant la concupiscence, le serpent, la haine ou l'envie, et le porc, l'ignorance ou l'inconscience. Nous rencontrons donc ici le dilemme de trois ou quatre, qui joue aussi un rôle dans le bouddhisme. Nous retrouvons ce problème dans la suite de notre série de rêves.
I1 me semble hors de doute que ces symboles orientaux ont leur origine dans des rêves et des visions. Ils font partie des symboles religieux les plus anciens de l'humanité. De plus, ils jouissent d'une distribution universelle.. Dans cette section, je voudrais simplement montrer, sur la base d'un matériel empirique, comment les mandalas prennent naissance.
Dans leur utilisation cultuelle, les mandalas sont de la plus grande importance car leur centre contient en général une figure de la plus haute valeur religieuse ;.. Shiva.. Shakti ou Bouddha, Amitabha, Avalokiteshvara,.. ou tout simplement le dorje, symbole de toutes les forces divines réunies. Qu'elles soient créatrices ou destructrices. Le texte de la « fleur d'or ».. indique encore certaines propriétés spécifiquement « alchimiques » de ce centre, qui vont dans le sens des qualités du lapis et de l'élixir vitae (élixir de vie) donc d'un breuvage qui donne l'immortalité.. ils représentent un centre psychique de la personnalité, lequel n'est pas identique au moi. .. On ne saurait être trop prudent avec ces choses, car l'instinct d'imitation, d'une part, et, d'autre part une avidité véritablement morbide de s'emparer de plumes étrangères et de se parer de ce plumage exotique, ne poussent que trop d'êtres à se saisir de ce genre d'idées « magiques », pour en user extérieurement, comme d'une pommade. On fait absolument n'importe quoi, même ce qu'il y a de plus absurde, pour échapper à son âme. 0n pratique le yoga indien de toute observance, on suit des régimes alimentaires, on apprend la théosophie par cour, on répète machinalement les textes mystiques de toute la littérature mondiale - tout cela parce qu'on ne s'accorde pas avec soi-même et qu'on ne croit pas le moins du monde qu'il puisse provenir quoi que ce soit d'utile de son âme propre. Ainsi, petit à petit, l'âme devient ce Nazareth dont rien de bon ne peut venir, et c'est pourquoi on recherche son bien aux quatre coins du monde : plus cela vient de loin, plus c'est extravagant, et mieux ça vaut. .
L'homme vaut la peine qu'il se soucie de lui-même, et il a dans son âme propre quelque chose qui peut croître. Cela vaut la peine d'observer patiemment ce qui se passe en silence dans l'âme, et le plus important et le meilleur se passe lorsqu'il n'est pas réglementé de l'extérieur et d'en haut. J'avoue volontiers avoir un tel respect de ce qui se déroule dans l'âme humaine que je craindrais de troubler et d'altérer l'action silencieuse de la nature par des interventions maladroites. . P.134
2) Les mandalas dans les rêves
Rappelons tout d'abord .. les évocations de mandala qui sont apparues dans les rêves initiaux ..
1. Le serpent qui décrit un cercle autour du rêveur (5).
2. La fleur bleue (17).
3. L'homme offrant des pièces d'or dans sa main. La place fermée pour un spectacle de variétés (18) .
4. La boule rouge (19).
5. Le globe (20).
Le mandala suivant apparaît dans le premier rêve de la nouvelle série:
6. rêve :
Une femme inconnue poursuit le rêveur. Il court toujours en cercle.
Le serpent du premier rêve de mandala était anticipateur ; il est du reste fréquent qu'une figure personnifiant l'inconscient sous un certain aspect anticipe une action ou une expérience que le sujet fera ou subira lui-même plus tard. Le serpent annonce un mouvement circulaire dans lequel le sujet lui-même sera ultérieurement entraîné ; ceci veut dire qu'il se passe quelque chose dans l'inconscient qui est perçu comme un mouvement circulaire, et que ce phénomène exerce une telle poussée dans la conscience que le sujet lui-même en est saisi. La femme inconnue, l'anima, représente l'inconscient qui tourmente le rêveur jusqu'à ce qu'il tourne en rond. Ceci se réfère clairement à un centre potentiel qui n'est pas identique au moi et autour duquel tourne le moi.
7. RÊVE :
L'anima reproche au rêveur de se soucier trop peu d'elle. Il y a là une pendule indiquant qu'il est moins cinq.
La situation est peu changée ; l'inconscient pousse le rêveur dans ses retranchements comme le ferait une femme exigeante d'où la pendule dont l'aiguille décrit un cercle. Pour tout individu vivant en fonction de l'heure, « moins cinq » implique un certain état de tension car, lorsque les cinq minutes seront écoulées, il faudra faire ceci ou cela. Il peut même y avoir urgence. (Le symbole du mouvement circulaire - cf. fig. 13 - est toujours lié à un certain sentiment de tension, comme nous le verrons plus loin.)
8. RÊVE
Sur un bateau. Le rêveur s'intéresse à une nouvelle méthode pour faire le point. Il est tantôt trop loin, tantôt trop près : le point exact est au milieu. Il y a une carte sur laquelle sont dessinés un cercle et son centre.
La tâche assignée ici est manifestement la détermination du centre, du point exact ; ce dernier est le centre d'un cercle. Alors qu'il inscrivait son rêve, le sujet se rappela qu'il avait rêvé peu auparavant qu'il tirait sur une cible ; il tirait tantôt trop haut, tantôt trop bas. Le but exact était au milieu. Les deux rêves lui firent l'impression d'être très significatifs. La cible est un cercle avec un centre. On fait le point en mer en fonction de la rotation apparente des étoiles autour de la terre. Le rêve décrit donc une activité dont le but est de construire ou de déterminer un centre objectif - un centre extérieur au sujet.
9. RÊVE :
Une horloge à balancier, qui fonctionne perpétuellement, sans que les poids descendent.
donc sans relâche et, comme il est évident qu'il n'y a aucune perte causée par le frottement, c'est un perpetuum mobile, un mouvement circulaire perpétuel. Nous rencontrons donc ici un attribut « métaphysique ». .. j'emploie ce terme dans un sens psychologique, donc figurativement. J'entends par là que je considère la qualité de l'éternité comme une expression de l'inconscient, et non pas comme une hypostase. L'affirmation émise par le rêve est naturellement choquante pour le jugement scientifique au rêveur, mais c'est précisément ce qui dote le mandala d'une signification particulière. Il est fréquent que des choses très significatives soient rejetées parce qu'elles paraissent contredire la raison et la soumettre ainsi à une épreuve trop ardue. Le mouvement sans perte due au frottement indique qu'il s'agit d'une horloge cosmique .. ce qui, dans tous les cas, fait entrer en jeu une qualité qui soulève la question de savoir si le phénomène psychique s'exprimant dans le mandala est soumis aux catégories du temps et de l'espace. . En effet, cet autre centre de la personnalité se situe sur un autre plan que le moi, puisque, au contraire de ce dernier, il possède la qualité de l' « éternité », c'est-à-dire d'une relative atemporalité.
10. RÊVE :
Le rêveur est à la Peterhofstatt à Zurich avec le médecin, l'homme à la barbe en pointe et la « femme-poupée ». Cette dernière est une femme inconnue qui ne parle pas et à laquelle on ne parle pas. On ignore auquel des trois elle appartient.
.. La Peterhofstatt est une place fermée, un temenos au sens le plus propre du terme, un espace faisant partie de l'église. Les quatre personnages se tiennent dans cet espace. Le cercle de l'horloge est divisé en quartiers, comme l'horizon. Le rêveur représente son moi, l'homme à la barbe pointue l'intellect « employé » (Méphisto), la femme poupée l'anima. La poupée est un objet d'enfant et c'est » par conséquent, une image remarquable pour exprimer le caractère de non-moi de l'anima, dont la qualité d'objet est aussi marquée par le fait qu'on ne lui parle pas. Cette négation signale .. une absence de relation entre la conscience et l'inconscient ; il en est de même de l'incertitude relative à l'appartenance de l' « inconnue ». Le médecin fait également partie du non- moi ; il contient probablement une discrète allusion à moi-même, quand bien même je n'avais alors aucun contact avec le rêveur. Par contre, l'homme à la barbe en pointe relève du moi. Cette situation rappelle immédiatement les relations décrites dans le schéma des fonctions. Si nous nous représentons les fonctions de la conscience comme disposées dans un cercle la fonction la plus différenciée est en général porteuse du moi ; une fonction auxiliaire lui est tout aussi régulièrement attachée. D'autre part la fonction inférieure, dite « mineure » est inconsciente et, par suite, projetée dans un non-moi. Une fonction auxiliaire lui est également attachée. Il ne serait donc pas impossible que les quatre personnes représentent les quatre fonctions en tant que composantes de la personnalité totale (c'est-à-dire inconscient inclus). Or, cette totalité est composée du moi et du non-moi. C'est pourquoi le centre du cercle exprimant la totalité ne correspondrait pas au moi, mais au soi, épitomé de la personnalité totale (le centre avec le cercle est également une allégorie bien connue de la nature de Dieu). Dans la philosophie des Upanishads, le soi est tout d'abord l'atman personnel, lequel possède cependant en même temps une qualité cosmique et métaphysique, en tant qu'atman supra-personnel.
Nous retrouvons des conceptions analogues dans la Gnose. Citons l'idée de l'Anthropos, du Pleroma, de la Monade et de l'étincelle lumineuse.. « Il est celui-là rnême [le Monogenes - le Fils unique] qui demeure dans la Monade, qui est dans le Setheus et qui vint de l'endroit que nul ne peut situer. C'est de lui que vint la Monade, à la manière d'un bateau chargé de toutes !es bonnes choses, à la manière d'un champ rempli ou planté de toutes les espèces d'arbres, et à la manière d'une cité emplie par toutes les races de l'humanité. C'est ainsi que se présente la Monade, tout ceci étant en elle : il y a douze Monades formant une couronne sur sa tête. Et il y a douze portes à son voile qui l'entoure à la façon d'une défense (tour). Celle-ci est la Cité-Mère du Fils unique. »
.Setheus est un nom de Dieu qui désigne le créateur. Le Monogenes est le fils de Dieu ; la comparaison de la Monade avec un champ et avec une ville correspond à l'idée du temenos. La Monade est aussi couronnée (voir le « chapeau ».) En tant que métropole, la Monade est féminine, comme le padma, ou lotus.. et la rose et la fleur d'or.. Dans L' Apocalypse de Jean, nous trouvons l'Agneau au centre de la Jérusalem céleste. .. Une invocation dit : « Tu es la maison et l'habitant de la maison. » Le Monogenes est debout sur une tetrapeza, une table ou un podium à quatre piliers correspondant au quaterne des quatre évangélistes.
L'idée du lapis ne manque pas de rapports avec ces conceptions. Ainsi, le lapis dit dans le traité d'Hermès : « Il ne peut rien se produire au monde de meilleur et de plus digne de vénération que l'union de moi-même et de mon fils. » Le Monogenes est aussi appelé « lumière obscure ». Le Rosarium fait dire à Hermès : « Moi [la pierre] j'engendre la lumière, mais les ténèbres sont aussi de ma nature . » L'alchimie connaît de même le sol niger, le soleil noir. P.144
Le « roi » se réfère au lapis. Le lapis est le « Maître »,.. : « Ainsi, le philosophe n'est pas le maître le la pierre mais plutôt son serviteur. » De même, la production finale du lapis sous la forme de l'hermaphrodite couronné est appelée l'aenigma regis (énigme du roi). .
Tout se passe comme si l'idée était apparue chez les alchimistes que le fils - qui, selon une conception antique (et chrétienne) demeure éternellement dans le Père et se révèle comme le don de Dieu à l'humanité - était quelque chose que l'homme pouvait produire à partir de sa propre nature, avec l'aide de Dieu (Deo concedente), il est vrai. Le caractère hérétique de cette pensée est évident.
Le caractère féminin de la fonction inférieure provient de sa contamination par l'inconscient. L'inconscient ayant un signe féminin, il est personnifié par l'anima (chez l'homme ; il est masculin chez la femme).
11.RÊVE :
Le rêveur, le médecin, un pilote et la femme inconnue voyagent en avion. .Tout à coup, une boule de croquet fracasse le miroir, instrument de navigation indispensable, et l'avion est précipité vers le sol. Là aussi on ignore à qui appartient l'inconnue.
Le médecin, le pilote et l'inconnue sont caractérisés comme relevant du non-moi : tous trois sont étrangers. Le rêveur n'est donc plus en possession que de la fonction différenciée, qui porte le moi ; cela signifie que l'inconscient a gagné beaucoup de terrain. La boule de croquet appartient à un jeu dans lequel la boule est poussée sous des arceaux. La vision 8 de la première série indiquait qu'il ne fallait pas passer (voler ?) par dessus l'arc-en-ciel, mais qu'on devait passer par-dessous. Quiconque passe dessus s'écroule au sol. Il semblerait que le vol a conduit trop haut. Le croquet se joue sur la terre et non dans les airs. 0n doit se garder de s'élever au-dessus de la terre à coup d'intuitions « spirituelles » en fuyant ainsi devant la dure réalité, comme cela arrive si fréquemment lorsqu'on a de brillantes intuitions. On n'est jamais à la hauteur de ces intuitions et il ne faut donc pas s'identifier à elles. Seuls les dieux franchissent les arcs-en-ciel ; les mortels, eux, déambulent sur la terre et sont soumis à ses lois. Par rapport aux possibilités de l'intuition humaine, la terrestrialité de l'homme est certes une déplorable imperfection. Mais cette imperfection fait partie de sa nature innée, de sa réalité. L'homme n'est pas fait seulement de ses meilleures intuitions, de ses idées et de ses aspirations les plus élevées, mais aussi des odieuses « données » comme l'hérédité et la longue et indélébile série de souvenirs qui lui crient : « Tu as fait cela, tu l'es donc aussi ! » L'homme peut bien avoir perdu le vieil appendice caudal des sauriens mais, à la place, il a maintenant une chaîne accrochée à sa psyché et le liant à la terre ~ une chaîne rien moins qu'homérique (En alchimie la chaîne homérique est la ligné de grands sages commençant par Hermès Trismégiste, qui relie la terre au ciel. ..) de « données » d'un poids tel qu'il vaut mieux leur rester lié, même au risque de ne devenir ni un héros, ni un saint. (L'histoire nous autorise à ne pas attacher de valeur absolue à ces normes collectives.) Etre lié à la terre ne signifie pas qu'on ne peut pas grandir : c'en est au contraire la condition sine qua non. Nul arbre noble et de haute futaie n'a jamais renoncé à ses racines obscures car il pousse non seulement vers le haut, mais aussi vers le bas. Certes, il est capital de savoir où l'on va, mais il me semble tout aussi important de savoir qui y va, et ce « qui » implique toujours un « d'où ». La possession durable des hauteurs s'accompagne de grandeur, mais chacun peut se surestimer. Ce qui est difficile, c'est de trouver le juste milieu. Pour y réussir, il est indispensable d'être conscient des deux aspects de la personnalité humaine, de leurs buts et de leurs origines. On ne doit jamais séparer ces deux aspects par présomption ou par lâcheté.

Petit séminaire du 13-01-2000
*1) Quand la féminin apparaît chez l'homme, c'est l'éros, la pulsion de vie. Voir dans quel état elle se représente et suivre son évolution. La sphère a fréquemment une connotation féminine.
*2) Ancien mythe de la femme solaire repris dans les images de la Vierge Marie avec ses rayons. La femme solaire est énergétique.
*3) D'où il faut d'abord construire le moi ; c'est lui qui fait le lien au soi et la prise de conscience permet l'intégration. Les rêves récurrents depuis l'enfance disent quelque chose d'important qui sans cela retomberait dans l'inconscient et pourrait être ou serait dangereux. Ils se réfèrent souvent à des traumatismes précoces graves cf. rêve récurent (bottes marchant dans le couloir)de cet homme violé à 7 ans par les Allemands.
*4) Ce n'est pas une régression ; elle se régénère de l'énergie solaire
*5) C'est toujours la voix du soi . Dans l'exemple des voix qui ricanent, c'est l'ombre rationnelle qui ne peut entendre le soi.
*6) C'est la pensée féminine, autre forme de pensée.
*7) L'anima n'est pas encore reliée au moi et se représente un féminin multiple ; après c'est une femme unique qui évolue et change dans les rêves.
*8) L'intellect permet un dialogue avec la mère, donc on n'est plus dans la fusion.
*9) Jung identifie fréquemment l'anima et l'inconscient. Mais c'est une femme, donc le féminin, qui le poursuit.


12 RÊVE :
Le rêveur se trouve avec son père, sa mère et sa soeur dans une situation très dangereuse, sur la plate-forme d'un tram.
Le rêveur forme une fois de plus une quaternité avec les autres personnages du rêve. La chute l'a ramené en enfance, période où l'homme n'est pas en possession de sa totalité .. Sa famille représente cette totalité dont les composantes sont encore projetées.. et personnifiées par eux. Cependant, cet état est dangereux pour l'adulte, car il est régressif : il dénote une division de la personnalité que le primitif ressent comme une « perte d'âme » menaçante. Lors de cette division, les composantes de la personnalité qui avaient été intégrées au prix de grands efforts sont de nouveau attirées à l'extérieur. L'individu perd sa culpabilité et l'échange contre l'innocence infantile : c'est à nouveau le méchant père.. la mère sans tendresses.. ; il est pris dans ces liens causals indéniables comme une mouche dans une toile d'araignée et ne remarque pas qu'il a perdu a liberté morale. Cependant, quels aient été les péchés commis par les parents et les grands-parents contre l'enfant, ils doivent être considérés par l'homme véritablement adulte comme une donnée de sa propre personnalité avec laquelle il doit compter. Seul un sot s'intéresse à la culpabilité des autres, à laquelle il ne peut rien changer. L'homme intelligent ne puise ses enseignements que dans sa propre culpabilité. Il se demande : Qui suis-je donc pour que tout cela m'arrive ? Et iI plonge son regard dans ses propres profondeurs pour y chercher la réponse.
.. Dans un rêve, le type de véhicule utilisé illustre le genre de mouvement ou le mode selon lequel on avance dans le temps ~ en d'autres termes, comment on vit sa vie psychique : individuellement ou collectivement, par ses propres moyens ou par des moyens empruntés, spontanément ou mécaniquement. Dans l'avion, le sujet était conduit par un pilote qui lui était inconnu, c'est-à-dire qu'il était emporté par des intuitions émanant de l'inconscient.. Dans ce rêve-ci, il est dans un véhicule collectif, un tram, que chacun peut prendre ~ cela signifie qu'il se déplace ou se comporte comme n'importe qui. Mais il n'en est pas moins de nouveau un des éléments d'une quaternité, ce qui veut dire qu'il s'est trouvé dans les deux véhicules à cause de ses aspirations inconscientes à la totalité.
13. RÊVE :
Un trésor gît dans la mer. Pour l'atteindre, il faut plonger par une étroite ouverture. C'est dangereux mais, en bas, on trouvera un compagnon. Le rêveur ose le saut dans l'obscurité et découvre, dans les profondeurs, un beau jardin disposé symétriquement, avec une fontaine au milieu.
Le « trésor difficile à atteindre » auquel seul le brave peut parvenir est caché dans la mer de l'inconscient. .. le trésor est en même temps le « compagnon », c'est-à-dire quelqu'un qui traverse la vie à nos côtés ~ cette expression représentant probablement une ana1ogie au moi solitaire qui trouve un « toi » dans le soi, car le soi apparaît d'abord comme un non-moi étranger. Nous nous trouvons ici en présence du thème du compagnon de route magique . le trésor dans la mer, le compagnon fidèle et le jardin avec sa fontaine ne sont qu'une seule et même chose : le soi. Car, en effet, le jardin est un autre temenos, alors que la fontaine est la source de l' « eau vive » . En partant de l'architecture du début du christianisme, l'image du temenos avec la source s'est développée pour devenir, dans l'architecture islamique, la cour de la mosquée avec la maison rituelle pour les ablutions au milieu. Nous trouvons quelque chose de comparable dans les c1oîtres occidentaux avec une fontaine dans le jardin. . « L'habitant de la maison » est le « compagnon ». Le centre et le cercle, représentés ici par la source et le jardin, sont des analogies du lapis qui est, entre autres, un être vivant. Hermès lui fait dire : « Protège-moi et je te protégerai. Donne-moi mon droit afin que je t'aide. » Ici, le lapis n'est donc rien moins qu'un bon ami et un aide, qui aide celui qui l'aide, ce qui indique une relation compensatrice. ..
La chute sur la terre conduit donc jusque dans les profondeurs de la mer, c'est-à-dire de l'inconscient, où le rêveur trouve la protection du temenos contre la désagrégation de la personnalité causée par sa régression au stade infantile.
Comme EI-Khidr, Ia source de vie est un bon compagnon, mais non sans danger, ainsi que le vieux Moïse l'apprit à ses dépens, d'après le Coran. Cette source est en effet le symbole de la force vitale qui se renouvelle éternellement et de la pendule qui ne s'arrête jamais. . « Qui est près de moi est près du feu . » De même que ce Christ ésotérique est une source de feu .. (feu toujours vivant)- de même.. l'aqua nostra est ignis (feu). La source représente non seulement le cours de la vie, mais aussi sa chaleur, son ardeur, le secret de la passion dont les synonymes ont toujours rapport au feu. L'aqua nostra qui dissout tout est un ingrédient indispensabIe à la production du lapis. Mais la source vient d'en bas et c'est pourquoi le chemin mène dans les profondeurs. Ce n'est que là qu'on peut trouver la source ardente de la vie. Cet « en bas » constitue l'histoire naturelle de l'homme, son lien causal avec le monde des instincts. Si ce lien n'existe pas, ou plus, il ne peut y avoir ni lapis ni soi.
14. RÊVE :
Le rêveur va dans une pharmacie avec son père. On peut y acheter des choses précieuses à bas prix, avant tout une eau particulière. Son père lui parle du pays d'où vient l'eau. Puis le rêveur franchit le Rubicon en train.
.L' « eau particulière » est pour ainsi dire littéralement l'aqua nostra non vulgi.. On comprend facilement que ce soit son père qui conduise le rêveur à la source de vie puisqu'il est la source naturelle de sa vie. Le père représente pour ainsi dire le pays ou le sol d'où jaillit la source de la vie du sujet. Mais, au figuré, il est l' « esprit qui enseigne », qui initie au sens de la vie et explique ses secrets selon l'enseignement des Anciens. Il transmet la sagesse traditionnelle. .. le pédagogue paternel ne remplit plus sa fonction que dans les rêves de son fils, dans lesquels il apparaît sous les traits du « vieux sage », image archétypique du père.
L'eau de vie s'obtient à vil prix : chacun la possède, mais sans en connaître la valeur. .. - elle est méprisée par les sots parce qu'ils supposent que tout ce qui est bien se trouve toujours à l'extérieur et ailleurs, et que la source qu'ils ont dans leur âme n'est qu'un « rien que » ». Comme le lapis, elle est de peu de prix et, par conséquent, de même que le joyau dans le Prométhée de Spitteler, elle est rejetée par tous.. jetée à la rue, où Ahasver ramasse le bijou et le met dans sa poche. Et le trésor est à nouveau enfoui dans l'inconscient,
Cependant, le rêveur a remarqué quelque chose et franchit le Rubicon avec une grande détermination. Il a compris que ce flux et ce feu de la vie ne devaient pas être sous-estimés, et qu'ils étaient indispensables à l'accomplissement de sa totalité. Mais, ayant passé le Rubicon, on ne saurait faire retour en arrière.
15. REVE :
Quatre personnages descendent une rivière : le rêveur, son père, un certain ami et la femme inconnue.
Dans la mesure où l' « ami » représente une personne bien déterminée, très connue du rêveur, il fait partie du monde conscient du moi, au même titre que le père. Ainsi, quelque chose de très important s'est produit : dans le rêve 11, l'inconscient dominait à trois contre un ; maintenant, le rapport est inversé : c'est le rêveur qui est à trois contre un (la femme inconnue). L'inconscient est donc dépotentialisé. Il faut en chercher la raison dans le fait qu'en « plongeant » le rêveur a relié le bas et le haut, c'est-à-dire qu'il a décidé de ne plus vivre comme un être abstrait et incorporel, mais d'accepter le corps et le monde de l'instinct, la réalité du problème de la vie et de l'amour, et d'agir en conséquence . C'est là le Rubicon qui a été franchi. L'individuation, le devenir soi, n'est pas seulement un problème spirituel : c'est le problème de la vie en général.
16. RÊVE :
Bien des gens sont présents. Tous font le tour d'un carré en allant vers la gauche. Le rêveur n'est pas au milieu, mais sur l'un des côtés. On dit qu'on veut reconstruire le gibbon.
Le carré apparaît ici pour la première fois. Il dérive selon toute probabilité du cercle par le truchement des quatre personnes (ceci se confirmera par la suite). . La quadrature du cercle est un symbole de l'opus alchemicum.. en ce sens qu'elle décompose l'unité originelle chaotique pour la réduire aux quatre éléments, qu'elle recombine ensuite en une unité supérieure. L'unité est représentée par un cercle et les quatre éléments par un carré. La production de l'Un à partir des Quatre est le résultat d'un processus de distillation ou de sublimation qui prend une forme dite « circulaire » : le distillé est soumis à diverses distillations de telle sorte que l' « âme » ou l' « esprit » soit extrait sous la forme la plus pure. Le résultat est généralement appelé quintessence, bien que ce ne soit en aucun cas le seul nom donné à l' « Un » toujours ardemment désiré et jamais obtenu. Les alchimistes disent qu'il a « mille noms », comme la materia prima (matière originelle). . « ..De l'Un grossier et impur naît un Un extrêmement pur et subtil ». L'âme et l'esprit doivent être séparés du corps, ce qui équivaut à la mort .
L'esprit (ou l'esprit et l'âme) est le ternarius (ternaire) qui doit tout d'abord être séparé de son corps et, après la purification de ce dernier, infusé à nouveau en lui. Le corps est évidemment le quatrième. .le cercle renaît du triangle inscrit dans le carré.
Cette figure circulaire constitue avec l'Ouroboros ~ le dragon qui se dévore lui-même en se mordant la queue ~ le mandala alchimique de base.
Le mandala oriental,.. contient généralement le plan quadratique d'un stupa .. sensé être un bâtiment. Dans ces derniers, la figure du carré est liée à l'idée de la maison ou du temple, ou d'un espace intérieur entouré de murs. Rituellement, on doit toujours faire le tour des stupas en allant vers la droite .. La gauche (sinister) représente le côté inconscient. Par conséquent, un mouvement vers la gauche équivaut à un déplacement dans la direction de l'inconscient, alors que le mouvement vers la droite .. tend à la conscience. Dans la mesure où,.. ces contenus inconscients en sont peu à peu.. arrivés, à assumer des formes conscientes déterminées exprimant l'inconscient, ils doivent être acceptés et conservés par la conscience. Le yoga.. imprime des formes fixes dans la conscience. Cette pratique est « juste » tant que le symbole exprime encore valablement la situation inconsciente. .
La circumambulatio vers la gauche autour du carré indique probablement que la quadrature du cercle est une étape sur le chemin de l'inconscient, qu'elle est par conséquent un passage, un instrument, permettant d'atteindre un but situé au-delà et encore informulé. C'est un des chemins vers le centre du non-moi .P.167
De même que les stupas renferment fréquemment des reliques du Bouddha dans leur dernière enceinte, de même, à l'intérieur du carré lamaïque ainsi que dans le carré de la terre chinois, se trouve le saint des saints ou l'agent magique : la source d'énergie cosmique, le dieu Shiva, le Bouddha, un bodhisattva.. Dans les mandalas occidentaux du Moyen Age chrétien, la divinité trône aussi au centre, fréquemment sous la forme du rédempteur triomphant entouré des quatre figures symboliques des évangélistes. Le symbole de notre rêve contraste très violemment avec ces représentations métaphysiques élevées puisque c'est le « gibbon », indubitablement un singe qui doit être reconstruit au centre. Nous retrouvons ici le singe qui est apparu pour la première fois dans la vision 22. Il y suscitait la panique et donnait lieu à l'intervention secourable de l'intellect. Maintenant, il doit être « reconstruit », ce qui ne peut que signifier.. que l'anthropoïde, l'homme a tant que fait archaïque, doit être reconstitué. Le chemin vers la gauche ne conduit donc manifestement pas vers les hauteurs du royaume des dieux et des idées éternelles, mais dans les profondeurs, dans l'histoire naturelle, dans le fondement animal instinctif de l'être humain. Pour nous exprimer dans le langage de l' Antiquité, nous pouvons dire que nous avons affaire ici à un mystère dionysiaque.
Le carré correspond au temenos où est donné un spectacle, dans notre cas un jeu de singes au lieu d'un jeu de satyres. L'intérieur de la « fleur d'or » est un « lieu de germination » où est produit le « corps de diamant ». Son synonyme, le « pays des ancêtres », indique peut-être que cette création est le résultat de l'intégration des stades ancestraux. P.169
Les esprits ancestraux jouent un rôle prépondérant dans les rites primitifs de renouvellement. .Du point de vue psychologique, l'identification avec les ancêtres humains et animaux a le sens d'une intégration de l'inconscient, d'un véritable bain de jouvence dans la source de vie où l'on redevient poisson, c'est-à-dire inconscient comme dans le sommeil, l'ivresse et la mort - d'où le sommeil d'incubation, l'orgie dionysiaque et la mort rituelle dans l'initiation. . On peut .. traduire ces conceptions dans le concrétisme de la théorie freudienne : le temenos devient alors le giron maternel, et le rite une régression à l'inceste. Ce sont là, cependant, des malentendus névrotiques d'hommes qui sont demeurés en partie infantiles et ne savent pas qu'il s'agit là de choses qui furent de tous temps pratiques d'adultes dont il est impossible d'expliquer les activités comme de simples régressions au stade infantile. Sans quoi les conquêtes les plus élevées et les plus importantes de l'humanité ne seraient plus, en définitive, que des perversions de désirs d'enfants..
. examiner d'un peu plus près encore le thème onirique du singe qui doit être reconstruit dans le carré. .. l'alchimie identifie sa substance transformante à l'argenturn vivum ou Mercurius. Chimiquement..ce terme s'applique au vif argent mais, du point de vue philosophique, il désigne le spiritus vitae (esprit de vie) voire l'âme du monde, de sorte que le Mercurius revêt aussi la signification d'Hermès, dieu de révélation. .. Hermès est associé à l'idée de rond et de carré.. il est aussi appelé « quadrangulaire ». Il est en général lié au nombre quatre. tournons notre attention vers la figure hellénistique d'Hermès Trismégiste qui, d'une part, est le parrain du Mercurius médiéval et qui, d'autre part, dérive du dieu ancien égyptien Thoth. L'attribut de Thoth était le papillon et le dieu était parfois aussi représenté directement sous la forme d'un singe. .Cependant, comme le Mercurius a quelque chose en commun avec le diable.. le singe réapparaît une fois de plus auprès du Mercurius en tant que simia dei (singe de dieu). Cela fait partie de l'essence de la substance transformante qu'elle soit extrêmement commune, voire méprisable (ce qui s'est exprimé dans la série d'attributs qu'elle partage avec le diable, comme le serpent, le dragon, le corbeau, le lion, le basilic et l'aigle) d'une part et, d'autre part, qu'elle exprime aussi quelque chose de grande valeur, voire le divin lui-même. Car la transformation va précisément du plus bas au plus haut, de ce qui est bestialement et archaïquement infantile à l'homo maximus mystique.
. Le rite (de renouvellement) est une tentative de supprimer la séparation entre la conscience et l'inconscient, la véritable source de vie, et d'amener une réunification de l'individu avec la terre maternelle de sa disposition instinctive héritée. .P.176 . l'inconscient cherche, dans les rêves, à les rapprocher de la conscience. . l'autonomie et l'autarcie de la conscience sont des qualités sans lesquelles cette dernière ne se serait pas constituée ; toutefois, elles impliquent en même temps le danger de l'isolement et du dépérissement, en ce sens qu'en amenant une rupture avec l'inconscient ils engendrent une insupportable aliénation de l'instinct. L'absence d'instinct est la source d'erreurs et de confusions sans fin.
Enfin, le fait que le rêveur ne soit pas au « centre » mais sur l'un des côtés est une indication très claire de ce qui va arriver à son moi : ce dernier ne pourra plus revendiquer la position centrale et devra probablement se satisfaire de la situation d'un satellite ou, à tout le moins, de celle d'une planète tournant autour du soleil. Il est évident que l'importante place au centre est réservée au gibbon qui va être reconstruit. Le gibbon appartient au groupe des anthropoïdes et, du fait de sa parenté avec l'homme, est un symbole tout indiqué pour exprimer la partie de la psyché qui descend jusqu'aux niveaux subhumains. De plus .associé à Thoth-Hermès. (il est) un symbole tout aussi approprié pour exprimer la partie de l'inconscient qui transcende le niveau de la conscience.
. la conscience ne peut revendiquer qu'une position relativement intermédiaire et doit s'accommoder du fait qu'elle est en quelque sorte débordée et environnée de tous côtés par la psyché inconsciente. Des contenus inconscients relient la conscience - vers l'arrière - à des conditionnements physiologiques, d'une part, et à des données archétypiques, d'autre part. Mais la conscience s'étend aussi - vers l'avant- anticipant grâce à des intuitions conditionnées en partie par des archétypes et en partie par des perceptions subliminales liées à la relativité du temps et de l'espace dans l'inconscient. .
17 RÊVE : P.180
. but du rêve : tenter de combiner les idées religieuses chrétiennes et dionysiaques. Cette opération doit manifestement être menée à bien sans que les unes excluent les autres, sans qu'aucune valeur ne soit détruite. Cette tendance est d'une grande importance car c'est dans l'espace sacré que doit avoir lieu la reconstruction du « gibbon ». . l'inconscient .. cherche simplement à rattacher au monde religieux le Dionysos perdu qui manque d'une façon ou d'une autre à l'homme moderne..
L'épisode dionysiaque concerne l'émotivité ou l'affectivité de l'homme, lesquelles n'ont pas trouvé de forme religieuse appropriée dans le culte et l'éthique essentiellement apolIiniens du christianisme. .. l'ivresse divine a disparu de l'espace sacré. L'affliction, le sérieux, l'austérité, et une joie spirituelle bien mesurée subsistèrent mais l'ivresse, la forme de possession la plus directe et la plus dangereuse, se détourna des dieux et enveloppa le monde des hommes de son exubérance et de son pathos. Les religions païennes tenaient compte de ce danger en donnant une place dans leur culte à l'extase de l'ivresse. Héraclite s'en rendait sans doute compte quand il disait : : C'est l'enfer qu'ils fêtent en se déchaînant ainsi. » .
18. RÊVE :
Un espace carré. Des cérémonies compliquées y ont lieu qui ont pour but la transformation d'animaux en hommes. .0n doit se laisser mordre au mollet par ces animaux. Si l'on s'enfuit, tout est perdu. ..Quatre serpents rampent aux quatre coins. Puis l'assemblée sort. Deux prêtres sacrificateurs portent un gigantesque reptile ; ils en touchent le front d'une masse animale ou vivante encore informe. Il en naît immédiatement une tête humaine, transfigurée. Une voix crie : « Ce sont les tentatives du devenir. »
La masse vivante animale représente sans doute la totalité de l'inconscient inné qu'il s'agit d'unir à la conscience. .L'idée de la transformation et du renouvellement au moyen d'un serpent est un archétype bien attesté. C'est le serpent guérisseur représentant le dieu. . Le développement de la symbolique du serpent le plus significatif, en ce qui concerne le renouvellement de personnalité se rencontre dans le Kundalini yoga.
Dans cette même optique, l'expérience que le berger fit du serpent dans le Zarathoustra.. serait un présage de mort.
La « masse vivante informe » rappelle directement les représentations du « chaos » alchimique, la massa ou materia informis ou confusa qui contient les germes de vie divins depuis la création. .
Afin que cette métamorphose ait lieu, il est indispensable qu'on procède à la circumambulatio, c'est- à- dire à la concentration exclusive sur le centre, lieu de la transformation créatrice. Durant ce processus, on est « mordu » par des animaux ; en d'antres termes, on doit s'exposer aux impulsions animales de l'inconscient sans s'identifier à elles et sans les « fuir », car la fuite devant l'inconscient rendrait i11usoire le but de toute l'opération. Il faut rester, ce qui signifie ici que le processus amorcé par l'observation de soi- même doit être vécu dans toutes ses péripéties et adjoint à la conscience grâce à une compréhension aussi poussée que possible. Evidemment, cela implique souvent une tension presque insupportable en raison de l'absence totale de commune mesure entre la vie consciente et le processus inconscient, lequel ne peut être vécu qu'au plus profond de l'âme et ne doit atteindre en aucun point la surface visible de la vie. Le principe de la vie consciente est « il n'y a rien dans l'intellect qui n'ait d'abord existé à l'état de sensation ». Mais le principe de l'inconscient est l'autonomie de la psyché elle-même, cette dernière ne reflétant pas le monde dans le jeu de ses images mais elle-même, quand bien même elle utilise les possibilités illustratives que lui offre le monde des sens pour rendre claires ses images. Les données des sens ne sont donc pas cause efficiente ; elles sont choisies empruntées de façon autonome avec, comme résultat, que la rationalité du cosmos s'en trouve constamment lésée de la manière la plus gênante. Cependant, le monde sensible a une action tout aussi destructrice sur les processus intrapsychiques lorsqu'il fait irruption dans ceux-ci comme cause efficiente. Si, d'une part, la raison ne doit pas être offensée et si, d'autre part, le jeu créateur des images ne doit pas être opprimé avec maladresse et violence, il est nécessaire d'utiliser un procédé de synthèse prudent et circonspect susceptible de venir à bout du paradoxe de l'union des inconciliables.
La concentration de l'attention sur le centre exigée par ce rêve, de même que la mise en garde contre la « fuite », ont des parallèles très clairs dans l'opus alchymicum : les s alchimistes insistent sans cesse sur la nécessité de se concentrer et de méditer sur l'oeuvre. Par contre, la tendance à la fuite n'est pas attribuée à l'opérateur mais bien plutôt à la substance transformante. Le Mercurius est fuyant ; (cerf fugitif ). .. la « fuite » paraît maintenant clairement comme une caractéristique du rêveur, ce qui signifie qu'elle n'est plus projetée dans la substance inconnue. La fuite devient ainsi une question morale. .
A peine le conscient et l'inconscient entrent-ils en contact que les contraires qu'ils renferment se fuient. :c'est pourquoi, dès le début du rêve, les serpents qui s'enfuient dans des directions opposées doivent être supprimés ; cela signifie que le conflit entre le conscient et l'inconscient est immédiatement et résolument suspendu et que la conscience est astreinte à la circumambulatio et, par suite, à supporter la tension. Le cercle protecteur ainsi tracé empêche l'inconscient de faire irruption à l'extérieur, ce qui équivaudrait à une psychose. . Le rêve montre que l'opération difficile consistant à penser en paradoxes a réussi. Les serpents ne s'enfuient plus mais se rangent aux quatre coins, et le processus de transformation ou d'intégration réussit. La « transfiguration » et l'illumination, à savoir la prise de conscience du centre, sont atteintes, tout au moins dans l'anticipation du rêve. Cette conquête potentielle signifie - si elle peut être maintenue, c'est-à-dire si le conscient ne reperd pas contact avec le centre - le renouvellement de la personnalité. P.195.
La disposition des serpents aux quatre coins indique la présence d'une ordonnance dans l'inconscient. C'est comme s'il y préexistait un plan fondamental .Dans le cas présent, il semble qu'il s'agisse de capturer et d'ordonner les instincts animaux de manière à conjurer le danger de chute dans l'inconscience. Peut-être est-ce là le fondement empirique de la croix qui vainc les puissances des ténèbres.
Avec ce rêve, l'inconscient a réussi une avance puissante en parvenant à pousser ses contenus dangereusement près de la conscience. .L'expérience montre qu'il en résulte un conflit sérieux dans la conscience, celle-ci n'étant pas toujours désireuse ou en mesure d'accomplir l'effort moral nécessaire pour supporter sérieusement un paradoxe. . Le rêve dit clairement qu'à l'endroit où, selon une ancienne tradition, habite la divinité, le singe doit apparaître. Dans la symbolique orientale, le carré .. a le caractère de la yoni, de la féminité. L'inconscient d'un homme est également féminin et est personnifié par l'anima. Celle-ci représente aussi la fonction dite « inférieure » et, par conséquent, a fréquemment un caractère moral douteux ; de fait elle représente souvent directement le mal. Elle est en général la quatrième personne. Elle est le giron maternel obscur et redouté qui est, de ce fait, de caractère ambivalent. La divinité chrétienne est une en trois personnes, Le quatrième personnage du drame céleste est indubitablement le diable. .La féminité doit cependant bien être quelque part et c'est pourquoi il faut s'attendre à la trouver dans l'obscurité.. Quoique l'homme et la femme s'unissent, i1s n'en représentent pas moins des contraires inconciliables qui dégénèrent en hostilité mortelle lorsqu'ils sont activés. Ainsi, ce couple d'opposés originel représente symboliquement, à l'occasion, tous les couples de contraires imaginables.
Dans la psychologie des fonctions, il y a tout d'abord deux fonctions conscientes et par conséquent masculines : la fonction différenciée et sa fonction auxiliaire ; elles sont représentées dans les rêves par le père et le fils, par exemple, alors que les fonctions inconscientes apparaissent comme la mère et la fille. Comme l'opposition entre les deux fonctions auxiliaires n'est de loin pas aussi prononcée que celle qui règne entre les fonctions différenciée et inférieure, la troisième fonction - à savoir la fonction auxiliaire inconsciente - peut aussi être élevée à la conscience et devenir ainsi masculine. Toutefois, elle apporte avec elle des traces de sa contamination par la fonction inférieure et constitue ainsi une sorte de lien avec les ténèbres de l'inconscient. .
La quatrième fonction est contaminée par l'inconscient et l'entraîne tout entier avec elle lorsqu'elle est rendue consciente. On se trouve alors confronté avec l'inconscient et mis devant la nécessité d'essayer de réaliser une synthèse des contraires. Mais un violent conflit éclate tout d'abord, semblable à celui dans lequel tomberait tout être raisonnable pour lequel il deviendrait évident qu'il doit avaler les superstitions les plus absurdes. Tout en lui se hérisserait et il se défendrait avec l'énergie du désespoir contre ce qui lui paraîtrait être une absurdité criminelle.

Petit séminaire du 09-02-2000

19. RÊVE :
Guerres sauvages entre deux peuples.
Ce rêve représente le conflit. La conscience défend sa position et cherche à contenir l'inconscient. Cette réaction amène, en premier lieu, l'expulsion de la quatrième fonction mais, comme la troisième fonction est contaminée par la quatrième, cette troisième menace aussi de disparaître ; cela rétablirait la situation antérieure .. c'est-à-dire la situation dans laquelle deux fonctions seulement étaient conscientes.
20. RÊVE
Deux garçons se trouvent dans une caverne ; un troisième tombe à l'intérieur comme par un tuyau.
La caverne représente les ténèbres et l'isolement de l'inconscient. Les deux garçons correspondent à deux fonctions se trouvant dans l'inconscient. .. la troisième devrait représenter la fonction auxiliaire, ce qui indiquerait que la conscience s'est entièrement repliée sur la fonction différenciée. La partie est ainsi à un contre trois, ce qui donne un gros avantage à l'inconscient. 0n doit donc s'attendre à une nouvelle avance de sa part.
21. RÊVE :
Une grosse boule transparente contenant de nombreuses petites boules. Une plante verte pousse par son sommet.
La boule est une totalité qui embrasse tous les contenus ; grâce à elle, la vie immobilisée par un combat stérile redevient possible. Dans le yoga Kundalini, le « giron vert » est un nom pour Ishvara émergeant de sa condition latente. P.201
22. RÊVE
Dans un hôtel américain. Le rêveur monte en ascenseur jusqu'à peu près au troisième ou au quatrième étage. Un ami .. dit que le rêveur n'aurait pas dû laisser la femme inconnue et obscure attendre si longtemps en bas puisqu'il l'avait confiée à sa garde. . «Le salut ne vient pas du refus de participer ou de la fuite. Il ne vient pas non plus d'un simple laisser-aller. Le salut vient d'un abandon total dans lequel le regard doit être fixé sur le centre. » .dessin : une roue ou une couronne avec huit rayons. .. le rêveur poursuit sa montée en ascenseur jusqu'au septième ou au huitième étage.. un homme roux.. révolution en Suisse.. « Etrangler complètement la gauche. » A l'argument disant que la gauche est déjà faible de toute manière, on répond que c'est précisément pourquoi on veut l'étrangler complètement. .. soldats portant des uniformes démodés .
La tendance au rétablissement de la tota1ité .. entre à nouveau en conflit avec la conscience qui a, elle, une orientation différente.Ce qui monte ici, c'est le contenu inconscient, c'est-à-dire le mandala caractérisé par la quaternité. .. de nombreuses personnes doivent .. attendre que la quatrième fonction puisse être acceptée. Un bon ami lui fait alors remarquer qu'il n'aurait pas dû laisser la femme obscure, c'est- à - dire l'anima qui représente la fonction tabou, attendre « en bas », en d'autres termes dans l'inconscient. .
Le conseil donné sur le billet . une fois qu'il a été formulé et qu'il a été plus ou moins accepté par le rêveur, l'ascension peut reprendre. 0n doit sans doute admettre que le problème de la quatrième fonction a été accepté, au moins dans ses grandes lignes, car le rêveur atteint maintenant le septième ou le huitième étage.
.. le dernier pas vers la totalité semble aussi jouer un rôle dans le deuxième Faust. . Une « forme sévère » est apportée par des « sirènes » donc par des formes féminines qui représentent en quelque sorte l'inconscient sous la forme de la mer et de ses vagues. Le mot « sévère » .. formes architectoniques ou géométriques.. illustrent une idée bien définie, sans fioritures romantiques (sentimentales). Son « éclat » rayonne de la carapace d'une tortue animal primitif et à sang froid comme le serpent qui symbolise l'aspect instinctif de l'inconscient. La « forme » est en quelque sorte identique aux dieux nains invisibles et créateurs. en tant que parents de l'inconscient, ils protègent la navigation, c'est-à-dire l'aventure dans les ténèbres et l'incertain. .. sous la forme des Dactyles, ils sont aussi les dieux de l'invention, petits et apparemment insignifiants comme les pulsions de l'inconscient, mais doués de la même puissance. En tant que nains, ces derniers sont des dieux chthoniens ; ils ont donc en général l'aspect difforme correspondant à leur nature. Ils forment par conséquent la grotesque contrepartie des divinités célestes qu'ils tournent en dérision (cf. le « singe de Dieu »). .. on soulignait auparavant le fait qu'ils avaient leur origine dans les profondeurs et les ténèbres, il apparaît maintenant que les Cabires se rencontrent en fait sur l'Olympe. C'est qu'ils aspirent éternellement à passer des profondeurs vers les hauteurs, ce qui explique pourquoi on peut toujours les rencontrer en bas et en haut. La « forme sévère » est manifestement un contenu inconscient qui tend toujours vers la lumière. Elle cherche et est elle-même ce que j'ai appelé ailleurs le « trésor difficile à atteindre ». .. P. 207
La « toison d'or ».. est l'un des innombrables synonymes de la conquête de l'inaccessible. ..
L'inconscient est toujours le cheveu sur la soupe, le défaut craintivement caché de la perfection, le démenti pénible de toutes les prétentions idéalistes, le reliquat terrestre qui adhère à notre nature humaine et trouble douloureusement la clarté de cristal à laquelle nous aspirons. Selon la conception alchimique, la rouille, comme le vert-de-gris, est la maladie du métal. Mais cette lèpre est en même temps la vera prima materia, la base de la préparation de l'or philosophique.
La remarque paradoxale de Thalès, selon laquelle c'est la rouille seule qui donne sa vraie valeur à la pièce, est une espèce de paraphrase alchimique qui ne veut dire qu'une chose.. à savoir qu'il n'y a pas de lumière sans ombre et pas de totalité psychique sans imperfection. Pour son accomplissement, la vie n'a pas besoin de perfection mais de plénitude. Celle-ci inclut l' « écharde dans la chair », l'expérience douloureuse de l'imperfection sans laquelle il n'y a ni progression, ni ascension.
Le problème de trois et quatre, de sept et huit.. est une des énigmes de l'alchimie. « Un devient deux, deux devient trois et du troisième vient l'Un comme quatrième .».. le vision nlontrant comment Ie Christ fit sortir une femme de son flanc sur 1111e montagne et comn]ent il 8e n]élangea à elle n. 4 (( gon]me d' Arable » ; elle est utilisée ici Colnme 110111 secret de la substance transformante du fait tIc ses propriétés adhésives. Aj gomme « rouge » est !a « résine du sage » - autre synonyme de la sub- tance transformante. En tante que force vitale (v tte substance est comparée, par Uil autre interprète, à Ia <( coIIe du monde » (gl [ui est le médiateur entre l'esprit et le corps et l'union es deux . I e vieux traité Consiliuln coniugii plique que l' « homme philosophique » est composé
23. RÊVE :
Dans l'espace carré. En face du rêveur est assise la femme inconnue dont il est censé faire le portrait. Toutefois, il ne dessine pas un visage mais des trèfles à trois feuilles ou des croix déformées peintes de quatre couleurs différentes : rouge, jaune, vert et bleu.
.De nombreux dessins suivent .. qui s'occupent tous de la structure singulière du « centre » et répondent au besoin du rêveur de découvrir une configuration exprimant adéquatement la nature de ce centre. ..
la roue est un des symboles les plus usités pour exprimer le processus de circulation, la circulatio. On entend par là, d'une part, l'ascensus et le descensus sous la forme, par exemple, de l'ascension et de la chute d'oiseaux pour symboliser la précipitation de vapeurs , et, d'autre part, la révolution de l'univers servant de modèle à l'oeuvre et, par suite, le cycle de l'année dans laquelle l'oeuvre a lieu. . l'ascensus et le descensus sont, entre autres, la descente de Dieu jusqu'à l'homme et l'ascension de l'homme jusqu'à Dieu de plus, la roue exprime des vertus importantes pour l'oeuvre : .. constance, obéissance, modération, égalité et humilité. Jacob Boehme.. opère lui aussi avec les roues d'EzéchieI. Il dit en effet : « Nous voyons ainsi que la vie spirituelle est tournée vers l'intérieur en dedans d'elle-même, et que la vie naturelle est tournée vers l'extérieur et se fait face.. » .. « La roue de la nature tourne de l'extérieur vers l'intérieur, sur elle-même ; car Dieu demeure à l'intérieur en lui-même. ; car Dieu est entier partout et demeure ainsi en lui-même. La roue extérieure est le zodiaque avec les étoiles, et après lui viennent les sept planètes », etc. .. la roue est aussi l' « impression » (l'informatio), de la volonté éternelle. Elle est la mère nature ou « l'âme de cette mère par laquelle elle crée sans cesse. Les étoiles et la roue des planètes sont disposées sur le modèle de la constellation éternelle, qui est un esprit et l'âme de la sagesse divine, ou la nature éternelle, de laquelle les esprits éternels sont devenus des créatures ». La « propriété » de la roue est la vie sous la forme de « quatre chefs qui dirigent la génération de la mère ; ce sont les quatre éléments, à qui la constellation diffuse volonté et désir, de sorte que cet être tout entier ne constitue qu'une seule chose, organisée comme l'âme de l'homme ». De même que ce dernier est corps et âme, de même en est-il de cet « être total », car l'homme est créé à l'image de cet « être total ». De même, la nature dans ses quatre éléments est aussi un « être total » avec une âme. Cette « roue sulfureuse » est ainsi l'origine du bien et du ma1, ou plutôt conduit en et hors d'eux.
.. « La forme de la génération est celle d'une roue ; ainsi agit le Mercurius dans le Soufre. » La « Génération » est l' « enfant d'or » .. qui est l'archétype de l'enfant divin .. dont l' « Architecte » est le Mercurius. Le Mercurius lui-même est la « roue de feu de l'essence » sous la forme d'un serpent. L'âme (non éclairée) est également un « Mercurius ardent » de ce genre. Vulcain embrase la « roue de feu de l'essence » dans l'âme quand elle « rompt » avec Dieu ; c'est de là que naissent le désir et le péché qui sont la « colère de Dieu ». L'âme est alors un « ver », comme le « serpent ardent », une « larve » et un « monstre ».
.la roue apparaît ici comme une présentation de la totalité, laquelle est l'essence même de la symbolique du mandala et inclut, par suite, le mysterium iniquitatis (mystère de l'iniquité).
Tout ceci montre que l'idée du « centre » que l'inconscient a sans cesse poussée vers la conscience commence à y prendre pied et à exercer sur elle une fascination caractéristique. Le dessin suivant est.. celui d'une fleur bleue, mais cette fois divisée en huit ; le rêveur dessine ensuite quatre montagnes autour d'un lac formé par un cratère, puis un arbre sec s'élevant à l'intérieur d'une bague rouge posée sur le sol, arbre autour duquel un serpent vert monte dans un mouvement de spirale vers la gauche.
. la quadrature du cercle était une des méthodes visant à la création du lapis ; l'utilisation de l'imaginatio en était une autre .
Le vas bene clausum (vase bien clos), cette règle de prudence fréquemment citée en alchimie, équivaut au cercle protecteur. Dans les deux cas, ce qui est à l'intérieur doit être protégé contre l'intrusion et l'immixion de ce qui est à l'extérieur, de même qu'il doit être empêché de s'échapper. L'imaginatio doit être comprise ici comme étant véritablement et littéralement le pouvoir de créer des images .. en opposition au terme de phantasia qui ne désigne qu'une « idée qui vous vient à l'esprit » dans le sens d'une pensée sans substance. P.219
. L'imaginatio est l'évocation active d'images (intérieures) secundum naturam (conformément à la nature) ; une activité idéatrice ou représentatrice au sens propre, qui ne tisse pas des fantaisies au hasard et sans fondement, « dans le vide » - en d'autres termes, qui ne joue pas avec ses objets mais cherche à saisir les faits intérieurs et à en donner un portrait fidèle à leur nature. Cette activité est décrite comme étant un opus, un oeuvre. . appeler la façon dont le rêveur traite les objets de son expérience intérieure autrement que du nom de travail véritable.
Le rêve.. ne contient aucun signe indiquant que la gauche aurait été « étranglée ». Le rêveur se trouve au contraire une fois de plus dans le temenos, confronté avec l'inconnue qui personnifie la quatrième fonction, dite « inférieure ». Son dessin a été anticipé dans le rêve et, ce que ce dernier représente sous ne forme personnifiée, le rêveur le reproduit comme un idéogramme abstrait. Ce signification de la personnification est le symbole de quelque chose qui pourrait aussi être représenté sous une tout autre forme. Cette « autre forme » renvoie à l'as de trèfle. analogie avec la croix irrégulière. .. Trinité chrétienne, mais nuancée, colorée, ou ombrée par les quatre (couleurs). P.221
. « Le vautour s'écrie d'une voix forte : Je suis le blanc noir, et le rouge jaune. ».. on souligne que le lapis unit toutes les couleurs en lui-même. .. la quaternité représentée ici par les couleurs est une sorte de stade préliminaire. « Dans l'or, les quatre éléments sont réunis en proportions égales. » . P.223
24. RÊVE
Deux personnes parlent de cristaux et en particulier d'un diamant.
.. lapis « convoité », au « trésor difficile à atteindre ».
25. RÊVE :
Il s'agit de construire un point central et de rendre la figure symétrique par réflexion en ce point.
L'idée de la « construction » se réfère au caractère synthétique de l'opus et .. à l'édification.. laborieuse qui accapare les forces actives du rêveur. La « symétrisation » est une réponse au conflit .. « étrangler complètement la gauche ». Chacun des côtés doit correspondre parfaitement à l'autre comme son reflet, et ce reflet doit tomber au « point central ».
Comme la « droite » représente la conscience, son univers et ses principes, la « réflexion » doit entraîner une révolution de l'image du monde vers la gauche, produisant ainsi une image correspondante inversée. .La gauche, semble, par conséquent, se trouver sur un pied d'égalité avec la droite ; en d'autres termes, l'inconscient, avec son ordre en majeure partie incompréhensible, devient le complément symétrique de la conscience et de ses contenus. le « centre » comme le point d'intersection de deux mondes correspondants mais inversés par ré- flexion.
L'idée de la « symétrisation » indiquerait donc un point culminant du processus de reconnaissance de l'inconscient et d'incorporation de ce dernier dans une image générale du monde. .
26. RÊVE :
Il fait nuit ; le ciel est étoilé. Une voix dit : « Maintenant, cela va commencer. » Le rêveur demande : « Qu'est-ce qui va commencer ? » à quoi la voix répond : « Le mouvement circulaire peut commencer. » Une étoile filante tombe en décrivant une courbe singulière vers la gauche. La scène change. .. boite de nuit mal famée. .. patron, qui paraît être un profiteur sans scrupules, et quelques filles tombées au plus bas. Une dispute commence à propos de la droite et de la gauche. Puis le rêveur s'en va et parcourt, en taxi, le périmètre d'un carré. Ensuite, il est à nouveau dans le bar. Le patron dit : « Ce que les gens ont dit de la droite et de la gauche n'a pas satisfait mon sentiment. Y a-t-il réellement une partie droite et une partie gauche de ça société humaine ? » Le rêveur répond : « L'existence de la gauche ne contredit pas celle de la droite. Elles sont toutes deux en chacun de nous. La gauche est le reflet de la droite, Chaque fois que je la sens ainsi, comme un reflet, je suis en accord avec moi-même. Il n'y a pas de partie droite et de partie gauche de la société humaine, mais des gens symétriques et des gens bancals. Les bancals sont ceux qui ne peuvent satisfaire qu'un côté en eux, la gauche ou la droite. Ils sont encore à l'état d'enfants. » Le patron dit, songeur : « Voilà qui est déjà beaucoup mieux. » Et il retourne à ses occupations.
.
La dispute à propos de la droite et de la gauche .. est le conflit qui éclate dans le rêveur lui-même quand il doit reconnaître la symétrie. Il ne le peut pas parce que l'autre côté a l'air si douteux qu'il préfère ne pas le considérer de trop près. C'est pourquoi la circumbulatio magique a lieu (le trajet autour du carré) afin qu'il demeure à l'intérieur, ne prenne pas la fuite mais apprenne au contraire à supporter son reflet. ..
27. IMPRESSION VISUELLE :
Un cercle avec un arbre vert en son centre. Des sauvages se livrent un combat acharné dans le cercle. Ils ne voient pas l'arbre.
Le conflit entre la droite et la gauche n'est manifestement pas terminé. Il se poursuit parce que les sauvages sont encore « à l'état d'enfance » et qu'étant de ce fait « bancals », ils ne connaissent que la gauche ou la droite, et non un troisième qui domine le conflit.
28. IMPRESSION VISUELLE :
Un cercle, à l'intérieur duquel des marches montent jusqu'à un bassin dans lequel il y a un jet d'eau.
Quand une situation n'est pas satisfaisante parce qu'un aspect essentiel du contenu inconscient y fait défaut, le processus inconscient reprend des symboles déjà utilisés.
29. IMPRESSION VISUELLE :
Un bouquet de roses, puis le signe - qui devrait cependant être *.
Le bouquet de roses est comme un jet d'eau qui s'épanouit. Le sens du premier signe (arbre ?) n'est pas clair, tandis que le signe corrigé représente la fleur à huit pétales. Ce rêve nous montre manifestement la correction d'une erreur qui nuisait d'une manière ou d'une autre à la totalité de la rose. Sa reconstitution doit donc une fois de plus rapprocher de la conscience le problème du mandala, à avoir l'appréciation et l'interprétation correcte du « centre ».
30. RÊVE :
Le rêveur est assis à une table ronde avec la femme inconnue et obscure.
Chaque fois qu'un processus a atteint un point culminant en ce qui concerne sa clarté ou les possibilités qu'il offre de tirer des conclusions de grandes portées il faut compter avec l'éventualité d'une régression. ..
La table ronde fait à nouveau allusion au cercle de la totalité, à laquelle appartient l'anima en tant que représentante de la quatrième fonction, en particulier dans sa variante « obscure » qui se manifeste toujours quand quelque chose devrait être concrétisé, c'est-à-dire traduit dans la réalité, ou lorsque ce quelque chose menace de se traduire de lui-même dans la réalité. « Obscure » signifie chthonienne, c'est-à-dire , terrestre et réelle. C'est là aussi la source de l'angoisse qui cause la régression. P.231
31RÊVE :
Le rêveur est assis à une table ronde avec un certain personnage pétri de qualités négatives. Un verre rempli d'une masse gélatineuse est posé sur la table.
. le rêveur a accepté l' « obscur » comme sa propre « obscurité », engendrant ainsi une véritable « ombre » lui appartenant en propre. De ce fait, l'anima est libérée de l'infériorité morale qui était projetée sur elle et peut remplir la fonction qui est la sienne : la créativité. .. probablement représentée par le verre au contenu singulier . comparé à la « masse vivante » indifférenciée du rêve 18. Il s'agissait alors de la transformation progressive de l'animalité primitive en quelque chose d'humain. . tout se passe comme si la spirale du développement intérieur était arrivée au même point, bien qu'à un niveau supérieur.
Le verre correspond à l'unum vas (vas unique) .. et son contenu au mélange vivant.. d'où doit provenir le corps vivant et doué d'esprit du lapis . l'enfant conducteur de char, l'homuncule qui est jeté contre le trône de Galatée et Euphorion (tous trois symbolisant la dissolution du «centre » dans l'inconscient). le lapis n'est pas qu'une « pierre » ; il.. consiste en corps, âme et esprit ; .. il croît de chair et de sang. « Le vent l'a porté dans son ventre » .. « le vent est l'air, l'air est la vie et la vie est l'âme ».
Le rêve traite probablement de la question de rendre le centre vivant (réel) ; il s'agit en quelque sorte de la naissance de ce centre. Le fait que celle-ci ait leu à partir d'une masse informe trouve son parallèle dans la représentation alchimique de la prima materia comme une massa informis chaotique imprégnée des germes de vie. .. on lui attribue les qualités de la gomme d'Arabie et de la glu, ou encore on la qualifie de viscosa et d'unctuosa.
32. RÊVE :
Le rêveur reçoit une lettre d'une femme inconnue. Elle écrit qu'elle ressent des douleurs dans l'utérus. Un dessin est annexé à la lettre.. Il y a de nombreux singes dans la forêt vierge. Ensuite s'ouvre une échappée sur des glaciers blancs.
L'anima rapporte que des processus douloureux ont lieu dans le centre générateur de vie, lequel n'est plus ici le verre contenant la masse vivante, mais un point central désigné comme étant l' « utérus » et qu'on atteint .. au moyen d'une circumambulatio. .. l'utérus.. synonyme du récipient alchimique.. signification de base du mandala oriental. La ligne ondulée conduisant au vase est analogue au serpent guérisseur d'Esculape ainsi qu'au symbole tantrique de Shiva bindu, du dieu créateur latent, sans étendue dans l'espace et qui, sous la forme du point ou lingam, est entouré trois fois et demie par le serpent Kundalini. Avec la forêt vierge, nous rencontrons à nouveau le thème du singe. un panorama de glaciers blancs rappelant au rêveur un songe plus ancien .. où il contemplait la voie lactée et tenait une conversation sur l'immortalité. Le symbole « glaciers » est donc le pont reliant à nouveau à l'aspect cosmique qui avait donné lieu à la régression. Toutefois, et c'est pour ainsi dire toujours le cas, le contenu ne réapparaît pas purement et simplement sous la forme qu'il avait lors de sa première manifestation ~ il apporte avec lui une nouvelle complication. il s'agit du souvenir de la conversation sur l'immortalité. Ce thème avait déjà été esquissé avec la pendule-perpetuum mobile. L'immortalité est une pendule qui ne s'arrête pas, un mandala qui tourne éternellement, comme le ciel. .
En fait, l'inconscient produit une abondance déroutante de définitions de cette chose obscure que nous désignons du nom de mandala ou de « soi ». . du point de vue psychologique . Tout ce qui peut être groupé sous le concept général de mandala exprime l'essence d'une certaine attitude. Les attitudes connues de la conscience ont des buts et des intentions assignables, mais l'attitude à l'égard du soi est la seule qui n'ait ni but assignable, ni intention visible. . je définis le « soi » comme étant la totalité de la psyché consciente et inconsciente. Toutefois, cette totalité dépasse notre vision ; c'est véritablement un lapis invisibilitatis . La totalité n'est empirique que dans ses parties et seulement dans la mesure où celles-ci sont des contenus de la conscience ; cependant, en tant que totalité, elle transcende nécessairement la conscience. Le « soi ».. est . idée qui devient sans cesse plus claire avec l'expérience.sans perdre pour autant quoi que ce soit de sa transcendance. .l'inconscient étant le psychique inconnu, il est, pour cette même raison, illimité parce qu'indéterminé. . Cette qualité est numineuse et, par conséquent, effrayante. les nournènes sont des entia psychiques qui s'imposent à la conscience. lorsqu'on cherche à échapper à ces noumènes et qu'on rejette avec indignation cet or alchimique que nous offre l'inconscient, tout va mal et on peut même développer des symptômes défiant toute raison ; par contre, au moment où l'on se tourne vers la pierre d'achoppement et où l'on en fait.. la pierre angulaire, les symptômes disparaissent et tout va « inexplicablement » bien. l'inconscient est un mal nécessaire avec lequel il faut compter et .. il pourrait.. être plus intelligent de l'accompagner dans quelques-uns de ses singuliers vagabondages symboliques.
. l'entéléchie du soi devient si insistante au cours des ans que la conscience doit encore faire des prouesses bien plus considérables pour se maintenir au niveau de l'inconscient.
Ce que nous pouvons dire.. du symbole du mandala, c'est qu'il représente une donnée psychique autonome caractérisée par une phénoménologie qui se répète toujours et reste identique partout. Il semble bien être une sorte d'atome central dont la structure interne et la signification dernière nous sont inconnues. . reflet réel (c'est-à-dire agissant) d'une attitude de la conscience qui ne peut déclarer ni son but ni son intention et qui, du fait de ce renoncement, projette son activité toute entière dans le centre du mandala. La force contraignante nécessaire à cette projection réside toujours dans une situation de laquelle l'individu ne sait comment se sortir autrement. . la thèse qui ne verrait dans le mandala qu'une réflexion psychologique est contredite, d'une part, par le caractère autonome du symbole. d'autre part, par le caractère autonome de l'inconscient en général . Il n'existe aucune preuve appuyant l'affirmation selon laquelle l'activité de la psyché serait purement réactive ou réflexe. . elle ignore la faculté créatrice de l'âme.. en face de laquelle toutes les prétendues « causes » n'apparaissent plus que comme de simples occasions. P.241
33.RÊVE :
Un combat entre des sauvages, au cours duquel des atrocités bestiales sont commises.
.. la nouvelle complication (1' « immortalité ») a suscité un conflit acharné .
34. RÊVE :
Une conversation avec un ami. Le rêveur lui dit : « Je dois persévérer devant le Christ sanglant, et continuer à travailler à mon salut. »
. le rêve indique une souffrance extraordinaire.. causée par l'irruption d'un monde spirituel étranger que le sujet trouve très difficile à accepter ; d'où l'analogie avec la tragédie du Christ : « Mon royaume n'est pas de ce monde. » Mais le rêve nous indique aussi qu'il est désormais devenu vital que le rêveur poursuive sa tâche. La référence au Christ.. signification plus profonde.. : nous avons affaire ici au processus d'individuation.
. l'efficacité du dogme ne repose aucunement sur la réalité historique unique du Christ, mais sur le caractère symbolique de cette réalité.. Il y a ainsi un Christ « préchrétien » et un Christ « non chrétien », dans la mesure où le Christ est un fait psychologique autonome. .
35. RÊVE :
Un comédien jette son chapeau contre un mur où il se plaque en formant le dessin ci-contre ..
. le comédien fait allusion à un fait précis de la vie personnelle du rêveur. .. une certaine idée de lui-même qui l'empêchait de se prendre au sérieux. .. devenue incompatible avec l'attitude sérieuse qu'il a maintenant adoptée. Il doit abandonner le comédien car c'était lui qui rejetait le soi. Le chapeau se réfère au premier rêve de la première série, où le rêveur se couvrait d'un chapeau étranger. .. le chapeau contre le mur.. se révèle.. un mandala. Le chapeau «étranger » était donc le soi qui, à cette époque, alors que le rêveur jouait encore un rôle fictif, lui semblait étranger. P.243
36. RÊVE :
Le rêveur va en taxi à la « Rathausplatz », laquelle s'appelle cependant « Marienhof »
. ce rêve.. montre le caractère féminin du temenos ; le hortus conclusus (jardin clos) est souvent utilisé comme image de la Vierge Marie la rosa mystica est un de ses attributs.
37. RÊVE :
Autour d'un centre obscur, il y a des courbes tracées par de la lumière. Puis, le rêveur se promène dans une caverne obscure où se déroule un combat entre le bien et le mal. Il s' y trouve aussi un prince qui sait tout. Ce dernier lui fait cadeau d'une bague sertie d'un diamant et la lui passe au quatrième doigt de la main gauche.
. La lumière se réfère toujours à la conscience, qui en est donc encore à suivre la périphérie. Le centre est toujours obscur. Il est la caverne obscure ; y pénétrer signifie évidemment redéclencher le conflit. Mais ce centre est comme le prince qui est au-dessus de tout, sait tout et possède la pierre précieuse. .. fiançailles du rêveur au soi.. la gauche étant l'inconscient, on peut conclure que la situation est encore en majeure partie plongée dans l'inconscience. Le prince paraît être le représentant de l'aenigma regis (énigme du roi) La caverne obscure correspond au vase qui contient les contraires en conflit. Le soi se manifeste dans les opposés et dans le conflit qui les oppose ; c'est une coïncidence des contraires. C'est pourquoi la voie conduisant au soi commence par un conflit.
38. RÊVE :
Une table ronde entourée de quatre chaises. La table et les chaises sont vides.
. le mandala n'est pas encore « utilisé ».
39. IMPRESSION VISUELLE :
Le rêveur tombe dans les profondeurs. Au fond se trouve un ours dont les yeux brillent alternativement de quatre couleurs : rouge, jaune, vert et bleu. En fait, l'ours a quatre yeux qui se transforment en quatre lumières. Il disparaît et le rêveur passe par un long couloir obscur. De la lumière brille tout au bout.. C'est là que se trouve un trésor sur lequel est posée la bague au diamant. On dit qu'elle le conduira très loin vers l'Orient.
.. le rêveur est toujours préoccupé par le centre obscur. L'ours représente l'élément chthonien qui pourrait s'emparer de lui. (Tout comme le dragon et le lion, l'ours représente l'aspect dangereux de la prima materia) Mais il apparaît ensuite que l'animal ne fait qu'introduire les quatre couleurs, lesquelles conduisent .. au lapis.. La voie vers l'Orient fait probablement allusion à l'inconscient et à son caractère d'antipode. . la pierre du Graal vient de l'Orient et doit y retourner. En alchimie, l'ours correspond à la nigredo (noir) de la prima materia (fig. 90), de laquelle provient le chatoiement de la cauda pavonis (queue de paon).
40.RÊVE :
Sous la conduite de la femme inconnue, le rêveur doit découvrir le pôle au risque de sa vie.
Le pôle est le point autour duquel tout tourne ; c'est donc encore un symbole du soi.
Le Mercurius est l'âme du monde, dont le pôle est le cour. L'idée de l'anima mundi coïncide avec le concept de l'inconscient collectif, dont le centre est le soi. Le symbole de l'océan est un synonyme de plus de l'inconscient.
41.IMPRESSION VISUELLE :
Des boules jaunes qui tournent en rond vers la gauche.
Représentation de la rotation autour du centre..
42. RÊVE :
Un vieux maître lui montre une tache éclairée en rouge sur le sol.
Le philosophus lui montre le centre. Le rougeoiement pourrait signifier le lever du soleil, comme c'est le cas, en alchimie, de la rubedo (rouge) qui, dans précède immédiatement l'achèvement de l'oeuvre.
43.RÊVE :
Une lumière jaune comme le soleil est visible dans le brouillard, mais elle est trouble. Huit rayons partent du centre. C'est le point de pénétration : la lumière devrait percer, mais elle n'y parvient pas encore tout à fait.
. identité du point de pénétration avec le pôle. .. La lumière est encore trouble, .. indique sans doute une compréhension insuffisante. La « pénétration » fait allusion à la nécessité de faire un effort de décision. Le jaune coïncide souvent avec la rubedo. L'« or » .jaune ou jaune-rougeâtre.
44. RÊVE :
Le rêveur est dans un espace carré où il doit se tenir immobile. C' est une prison pour lilliputiens ou pour enfants ( ?). Une méchante femme les surveille. Les enfants se mettent en mouvement et commencent à circuler à la périphérie. Le rêveur voudrait fuir mais ne le peut pas. Un des enfants se transforme en animal et le mord au mollet.
Le manque de clarté exige un nouvel effort de concentration ; ..comme il se trouve encore au stade de l'enfance et reste.. « bancal », le rêveur est enfermé dans le temenos sous la garde d'une méchante mère-anima. L'animal apparaît .. le rêveur est mordu, c'est-à-dire qu'i1 doit s'exposer et payer de sa personne. La circumambulatio signifie comme toujours la concentration sur le centre. Le rêveur trouve cet état de tension presque insupportable. .. Les enfants rappellent le thème des nains, .. des éléments « cabiriques » . des forces formatives inconscientes ou fait peut-être en même temps allusion à la situation encore infantile du rêveur.
45. RÊVE :
Une place d'exercice. Il y a des troupes ; elles ne se préparent plus pour la guerre mais forment une étoile à huit rayons qui tourne vers la gauche.
L'essentiel, ici, est.. que le conflit paraît surmonté. .. L'étoile n'est pas au ciel ; mais une configuration formée sur la terre par des êtres humains.
46. RÊVE :
Le rêveur est prisonnier dans l'espace carré. Des lions et une méchante sorcière apparaissent.
La prison chthonienne ne libère pas le rêveur parce qu'il n'est pas encore prêt à accomplir quelque chose qu'il devrait faire (.. une importante affaire personnelle..) Les lions, comme tous les animaux sauvages, indiquent des affects latents. .. C'est un animal « ardent », un emblème du diable, qui représente le danger d'être englouti dans et par l'inconscient.
47. RÊVE :
Le vieux sage lui montre un endroit sur la terre lui est marqué d'une façon particulière.
.. sans doute de l'endroit sur la terre où le rêveur doit se tenir s'il entend réaliser son soi.
48. RÊVE :
Une connaissance reçoit un prix pour avoir exhumé un tour de potier.
Le tour de potier tourne sur la terre et produit des vases de terre (« terrestres ») ..des « corps humains ». Etant rond, le tour se réfère au soi et à l'activité créatrice dans laquelle il se manifeste. Le tour de potier symbolise également la circulation.
49. RÊVE :
Une figure en forme d'étoile tourne. Aux points cardinaux du cercle se trouvent des images qui représentent les saisons.
. L'espace et le temps sont les éléments les plus généraux et les plus nécessaires de toute définition. .. Une situation bien définie dans le temps et dans l'espace fait partie de la réalité humaine. Les saisons se réfèrent à la quadripartition du cercle, ..le cycle annuel. L'année est un symbole de l'homme originel. . la rotation indique que le symbole du cercle ne doit pas être considéré comme statique mais comme dynamique.
50. RÊVE :
Un homme inconnu donne une pierre précieuse au rêveur. Mais des Apaches l'attaquent. Il s'enfuit (cauchemar) et parvient à se sauver. La femme inconnue lui dit, après coup, qu'il ne saura toujours en être ainsi : un jour, il ne pourra plus fuir mais devra tenir bon.
Lorsqu'un moment déterminé s'ajoute à un lieu bien défini, on approche à grands pas de la réalité. .. explique le cadeau de la pierre précieuse, mais aussi la peur de la décision qui enlève.. la force de la prendre.
51.RÊVE :
I1 règne une grande tension. De nombreuses personnes circulent autour d'un grand rectangle central et de quatre petits rectangles placés sur ses côtés. La circulation se fait vers la gauche autour du grand rectangle et vers la droite autour des petits rectangles. Au centre se trouve l'étoile à huit branches. Au milieu de chacun des quatre petits rectangles, il y a un gobelet contenant une eau rouge, jaune, verte et incolore. L'eau tourne vers la gauche. L'angoissante question se pose de savoir si l'eau suffira.
Les couleurs font à nouveau allusion au stade préliminaire. La question « angoissante » est de savoir s'il y a assez d'eau de vie - aqua nostra, énergie, libido - pour atteindre l'étoile centrale. Au centre, la circulation se fait encore en direction de la gauche ;il s'agit ainsi d'un mouvement de la conscience vers l'inconscient. Le centre n'est donc pas encore suffisamment éclairé. La circulation vers la droite autour des petits rectangles, qui représentent la quaternité, semble suggérer que les quatre fonctions sont en train de devenir conscientes. .. souvent caractérisées par les quatre couleurs de l'arc-en-ciel. .. le bleu fasse défaut et que la forme fondamentale du carré soit soudain abandonnée. L'horizontale s'est étendue aux dépens de la verticale. Il s'agit donc d'un mandala « perturbé ». . La prédominance des horizontales sur les verticales indique une prévalence de la conscience du moi, d'où une perte de hauteur et de profondeur.
52. RÊVE :
Une salle de danse rectangulaire. Tout le monde se déplace à la périphérie, de droite à gauche. Soudain retentit un commandement : « Aux noyaux ! » Mais le rêveur doit d'abord aller dans la pièce à côté pour casser quelques noix. Puis les gens descendent à l'eau le long d'échelles de cordes.
Le montent serait venu de pénétrer jusqu'au «noyau », mais le rêveur doit d'abord aller dans .. « une pièce à côté » .. dans une des quatre fonctions, pour y casser quelques noix, c'est-à-dire pour s'y occuper encore de quelques problèmes. .. le processus se poursuit dans les profondeurs, vers l' « eau ». La verticale s'en trouve donc prolongée ; ainsi, à partir du rectangle incorrect, se reconstitue le carré exprimant la symétrie totale du conscient et de l'inconscient avec tout ce que la « symétrisation » du conscient et le l'inconscient implique sur le plan psychologique.
53. RÊVE :
Le rêveur se trouve dans une pièce carrée vide qui tourne. Une voix crie : « Ne le laissez pas sortir. Il ne veut pas payer l'impôt. »
.. le rêveur témoigne d'une réalisation de soi insuffisante dans l' affaire personnelle déjà mentionnée, dans le cas présent, une des conditions essentielles de l'individuation. le carré est rétabli. La cause de la perturbation résidait dans la sous-estimation des exigences de l'inconscient (la verticale), ce qui avait entraîné un aplatissement de la personnalité (rectangle couché).
54. RÊVE :
J'entre dans une maison de caractère particulier et solennel : la « Maison du Recueillement ». .. de nombreuses bougies .. disposées .. formant quatre pointes dirigées vers le haut. Dehors,.. un vieil homme. .. dit .. : « Dès qu'ils en ressortent, ils sont purs. » .. j'entre moi-même.. je peux me concentrer complètement. Une voix dit alors : « Ce que tu fais est dangereux. La religion n'est pas l'impôt que tu dois payer pour pouvoir te passer de l' image de la femme, car cette image est indispensable. Malheur à ceux qui utilisent la religion comme substitut d' un autre aspect de la vie de l'âme ; ils sont dans l'erreur et seront maudits. La religion n'est pas un substitut ; elle doit au contraire venir s'ajouter aux autres activités de l'âme comme perfection dernière. C'est de la plénitude de la vie que tu dois engendrer ta religion ; alors seulement tu seras bienheureux ! » . j'entends une musique lointaine.. rappelle le thème de la Magie du Feu de Wagner. Lorsque je sors de !a maison, je vois une montagne en feu et je sens : « Un feu qui ne peut être éteint est un feu sacré »
. un nouveau point culminant de compréhension et de pénétration La « voix » a généralement un caractère absolument autoritaire et n'apparaît d'habitude que dans des moments décisifs.
La maison correspond probablement au carré.. lieu de « recueillement ». Les quatre pointes qui brillent à l'arrière-plan font à nouveau allusion à la quaternité. . la purification se réfère à la fonction transformatrice de l'espace tabou. La production de la totalité, entravée par la « fuite devant l'impôt », exige.. l' « image de la femme » car, en tant qu'anima, celle-ci représente la quatrième fonction .. « inférieure ».. féminine parce que contaminée par l'inconscient. Le sens dans .. l'acquittement de l'impôt dépend de la nature de la fonction inférieure et de sa fonction auxiliaire, ainsi que du type d'attitude du sujet. .. prestation de caractère concret aussi bien que symbolique. Mais la conscience n'est pas qualifiée pour décider qu'elle forme est la bonne.
. la religion coïncide avec la totalité ; elle apparaît même comme l'expression de l'intégration du soi dans la « plénitude de la vie ».
. l'homme, en tant qu'être total, projette une ombre. le quatrième a été séparé des trois et banni dans l'empire du feu éternel. .
Le thème de la montagne ardente se retrouve dans le Livre d'Hénoch.. Yavhé au mont Sinaï..
55. RÊVE :
Une coupe d'argent contenant quatre noix ouvertes aux points cardinaux.
.. liquidation du problème.. n'est cependant pas complète. Le but atteint pour le moment est représenté dans un dessin du rêveur.. le caractère antithétique des fonctions n'est pas encore reconnu puisque, dans le dessin, les couleurs rouge et bleu, verte et jaune sont disposées côte à côte au lieu de s'opposer les unes aux autres. .. la « réalisation » rencontre de fortes résistances intérieures.. Le fait que les noix doivent encore être cassées dans la réalité, d'une part, et qu'elles soient interchangeables, c'est-à-dire indifférenciées, d'autre part, montre bien que le rêveur n'a qu'une compréhension inadéquate de la polarité.
56. RÊVE :
Quatre enfants portent une grosse bague sombre. Ils se déplacent en cercle. L'inconnue obscure apparaît et dit qu'elle reviendra car c'est maintenant la fête du solstice.
.. Le « solstice » indique le tournant, le point critique. En alchimie, l'oeuvre est achevé en automne. Ce sont les enfants, les dieux nains, qui apportent la bague - .. le symbole de la totalité est encore sous l'empire de forces créatrices infantiles. .. Elle se référerait à une coopération des forces « infantiles », c'est-à-dire inconscientes, représentées sous la forme de Cabires ou de lutins (homuncules).
57. IMPRESSION VISUELLE :
La bague sombre ; au milieu, un oeuf.
58. IMPRESSION VISUELLE :
Un aigle noir sort de l'oeuf et, du bec, se saisit de la bague qui s'est maintenant changée en or. Ensuite, le rêveur est sur un bateau et l'oiseau vole devant.
L'aigle représente la hauteur. (Auparavant, l'accent portait sur la profondeur..) I1 s'empare de tout le mandala et, par conséquent, aussi de la direction du rêveur qui, porté par un bateau, vogue à la suite de l'oiseau. Les oiseaux sont les pensées et leur essor ; ce sont.. des imaginations ou des idées intuitives qui sont représentées de la sorte .. Le bateau est le véhicule qui porte le rêveur sur la mer et les profondeurs de l'inconscient. En tant que construction humaine, il revêt la signification d'un système ou d'une méthode (ou encore d'une voie : cf. Hinayana et Mahayana, le « Petit » et le « Grand Véhicule ». L'envolée des pensées va en avant et l'élaboration méthodique suit. L'homme ne peut pas franchir le pont de l'arc-en-ciel comme un dieu ; il doit passer dessous en utilisant les moyens de réflexion dont il dispose. L'aigle (synonymes : le phénix, le vautour, le corbeau) est un symbole alchimique bien connu. Le lapis.. (composé de deux parties.. souvent hermaphrodite en tant que fusion de Sol et de Luna), est lui-même fréquemment représenté avec des ailes. dénotant l'intuition ou la potentialité spirituelle (ailée !). Tous ces symboles décrivent.. ce fait qui transcende la conscience et que nous appelons « soi ».
En alchimie, l'oeuf représente le chaos tel que le conçoit l'adepte, la prima materia dans laquelle l'âme du monde est captive. De l'oeuf .. s'envole l'aigle ou le phénix, l'âme libérée - identique, en dernière analyse, à l'Anthropos qui était emprisonné dans l'étreinte de Physis.

3 . LA VISION DE L'HORLOGE DU MONDE

59. LA « GRANDE VISION. »
Un cercle vertical et un cercle horizontal qui ont un centre commun. C'est l'horloge du monde. Elle est portée par l'oiseau noir. Le cercle vertical est un disque bleu avec un bord blanc divisé en 4x8= 32 parties.. Le cercle horizontal est composé de quatre couleurs. . quatre petits hommes avec des pendules, et autour est posée la bague jadis sombre maintenant dorée . L'horloge a trois rythmes ou pulsations.
. C'est un mandala à trois dimensions qui a atteint à la corporalité et, ainsi, à la réalisation. .. L'homme ne devient véritablement que ce qu'il fait dans la réalité.
.impression d'harmonie suprême..
..Une des idées de base semble être l'intersection de deux systèmes hétérogènes ayant un centre commun. .. hypothèse que le « centre » et sa circonférence représentent la totalité de l'être psychique, donc le soi, la vision nous dit que deux systèmes hétérogènes se coupent dans le soi et que, sur le plan fonctionnel, ces systèmes sont dans un rapport déterminé par une loi et réglé par trois « rythmes ». Le soi est par définition le centre et la circonférence des systèmes conscient et inconscient. .
Nous ne pouvons guère nous tromper en supposant que ce mandala tend à l'union des opposés la plus complète possible, y compris, par conséquent, à celle de la trinité masculine avec la quaternité féminine, en analogie avec l'hermaphrodite alchimique.
L'expérience montre que la quaternité qu'on trouve au centre du mandala devient souvent 3, 16, 32 et plus à la périphérie. Le nombre 32 joue un rôle important dans la cabale. . (attribué) à la Sagesse.. trente-deux « canaux Occultes » .. « la voie la plus haute qui embrasse tout » Il est un sentier que l'oiseau de proie ignore et que l'oil du vautour n'aperçoit pas. »
.
L'horoscope lui-même est un mandala (une horIoge) avec un centre obscur ; c'est une circumambulatio vers la gauche qui comporte des « maisons » et des phases planétaires. .. le Christ .. est tout à la fois le pôle fixe et la vie. Le Fils de l'Homme est une anticipation de l'idée de soi . Il existe aussi un rapport avec le symbolisme d'Horus : d'une part, nous avons le Christ trônant, avec les quatre symboles des évangélistes.. d'autre part, Horus le Père avec ses quatre fils, ou Osiris avec les quatre fils d'Horus. Horus est également le soleil levant.
.. parallèle.. dans les écrits du prieur du monastère cistercien de Châlis, Guillaume de Digulleville,. une vision du paradis. Celui-ci consiste en sept grandes sphères dont chacune en renferme sept petites. P.275
Toutes les sphères sont animées d'un mouvement de rotation appelé « siècle ». .L'ange.. lui explique :. il ne s'agit point du temps de là bas, mais de l'éternité. » .. en même temps des espaces sphériques dans lesquels habitent les bienheureux. .. Dans le ciel le plus haut, qui est d'or pur, est assis le roi sur un trône rond qui brille avec plus d'éclat que le soleil. Une couronne de pierres précieuses l'entoure. A côté de lui, sur un trône rond de cristal brun, est assise la reine qui intercède pour les pécheurs.
« En regardant vers le ciel d'or, le pèlerin aperçut un cercle merveilleux qui paraissait avoir trois pieds large. Il sortait du ciel d'or en un point et y rentrait , d'autre part et il en faisait tout le tour. » Ce cercle a la couleur du saphir ; il est donc bleu. .. qui se meut.. sur un grand cercle, comme un disque roulant.
. apparaissent .. trois esprits vêtus de pourpre, ceints de couronnes et de ceintures dorées et qui entrent dans le ciel ,doré. cet instant est une fête ..
.. Le petit cercle qui pénètre dans le ciel doré est large de trois pieds. trois personnages.. entrent soudain dans le ciel. Ils signifient l'instant dans l'éternité, comme le cercle du calendrier. Mais pourquoi le « calendrier » a-t-il précisément trois pieds de diamètre et pourquoi s'agit-il justement de trois personnages ? - Voilà qui demeure inexpliqué. On pense naturellement aux trois rythmes de notre vision, qui sont déclenchés par le mouvement de l'aiguille sur le cadran bleu et sont incorporés au système.
. Guillaume.. n'a au fond jamais exactement compris la nature de la Trinité et il prie l'ange de lui donner une explication. L'ange répond : « Or, il y a trois couleurs principales : le vert, le rouge et l'or. Ces trois couleurs se voient réunies en maints ouvrages de soie moirée et dans les plumes de maints oiseaux, tel le paon. .. L'or, la couleur royale, est attribuée à Dieu le Père ; le rouge à Dieu le Fils parce qu'il a versé son sang ; et le vert, « la couleur qui verdoye et qui réconforte » au Saint Esprit. .
.. « Ils sont trois, où est resté le quatrième ? » Pourquoi le bleu manque-t-il ? Cette couleur manquait aussi dans le mandala « perturbé » de notre rêveur. Il est remarquable que le « calendrier » qui coupe le cercle doré soit bleu, de même que le cercle vertical dans le rnandala à trois dimensions. Nous sommes en droit de supposer que le bleu, représentant la verticale, signifie la hauteur et la profondeur (le ciel bleu en haut, la mer bleue en bas) et que le raccourcissement de la verticale transforme le carré en un rectangle horizontal, causant quelque chose comme une inflation la conscience. La verticale correspondrait ainsi à l'inconscient. Notons, par ailleurs, que l'inconscient a, chez l'homme, un caractère féminin et que le bleu est la couleur traditionnelle du manteau céleste de la Vierge.
.. du fait de son caractère féminin, le bleu manque pour Guillaume dans la tétrade des couleurs.. Cependant, l'anima, comme la femme, représente la hauteur et la profondeur de l'homme. Sans le cercle vertical bleu, le mandala doré reste bidimensionnel, sans corps - une image purement abstraite. Ce n'est que l'interférence de l'espace et du temps dans l'ici et le maintenant qui crée la réalité. La totalité n'est réalisé que dans l'instant. P.281
Le poète.. doit avoir pressenti la vérité hérétique lorsqu'il a donné au Roi une Reine, assise sur un trône de cristal brun terre. Car qu'est donc le Ciel sans Dame la Terre ? et comment l'homme parviendrait-il à son accomplissement si la Reine n'intercédait pas en faveur de son âme noire ? Elle comprend l'obscurité car elle a emporté son trône, la terre elle-même, au ciel .. Elle ajoute le bleu qui manquait à l'or, au rouge, au vert et constitue ainsi le tout harmonieux.

4. LES SYMBOLES DU SOI
. C'est grâce au caractère complet des matériaux objectifs ainsi qu'au soin et qu'au discernement du rêveur que nous sommes en mesure de suivre pas à pas l'ouvre de synthèse de inconscient.
.je ne voudrais pas donner l'impression que je m'imagine avoir dit quoi que ce soit de définitif sur ce sujet extrêmement compliqué. ..(processus) de l'individuation. .. développement normal..
Ce qui est particulièrement remarquable dans le cas présenté ici c'est la conséquence dans le développement du symbole central. On peut difficilement se défendre de l'impression que le processus inconscient se meut en spirale autour d'un centre, en s'en rapprochant lentement, tandis que les caractéristiques du centre se dessinent avec de plus en plus de clarté. Peut-être pourrait-on dire aussi, en renversant les choses, que le centre - inconnaissable en soi - agit comme un aimant sur les matériaux et les processus disparates de l'inconscient et qu'il les capture peu à peu comme dans un réseau cristallin. C'est pourquoi le centre est souvent représenté (dans d'autres cas) comme une araignée sur sa toile, en particulier lorsque la conscience est encore dominée par la peur des processus inconscients. Mais si, .. le processus n'est pas entravé, le symbole central, se renouvelant sans cesse, se fraie avec persistance et esprit de suite un passage à travers le chaos apparent des enchevêtrements dramatiques de la psyché personnelle, ainsi que l'épitaphe du grand Bernoulli le dit de la spirale : « Eadem mutata resurgo » (Je réapparais changée et pourtant la même). P.285
C'est ce qui explique que les représentations spirales du centre soient fréquentes, comme, par exemple, celle du serpent enroulé autour du point créateur, de l'oeuf.
En vérité, tout se passe comme si les enchevêtrements personnels et les péripéties dramatiques subjectives qui font la vie et toute son intensité, n'étaient que des hésitations, des replis craintifs, presque comme les complications mesquines et des échappatoires, devant le caractère définitif de ce processus de cristallisation singulier ou alarmant. On a souvent l'impression que la psyché personnelle galope autour de ce point central comme un animal effarouché, à la fois fascinée et angoissée, fuyant sans cesse mais se rapprochant toujours.
. le centre est absolument inconnaissable et ne peut, par conséquent, être exprimé que symboliquement par sa propre phénoménologie, comme c'est d'ailleurs le cas pour n'importe quel objet de l'expérience vécue. Parmi les caractéristiques particulières du « centre », j'ai depuis toujours été frappé par le phénomène de la quaternité. Le fait qu'il existe fréquemment une concurrence entre les nombres trois et quatre nous prouve qu'il ne s'agit pas simplement de quelque chose du genre des quatre points cardinaux, par exemple. ( observé surtout chez des hommes..) On trouve aussi, mais plus rarement une concurrence entre quatre et cinq, bien que les mandalas à cinq rayons doivent être considérés comme anormaux du fait de leur manque de symétrie. ( Constaté principalement chez des femmes...) . le principal élément chimique constitutif de l'organisme humain soit le carbone, .. caractérisé par quatre valences. .. le diamant consiste en carbone cristallisé. Le carbone est noir (charbon, graphite), le diamant est « de la plus belle eau ». . le phénomène de quatre .. (est)..une production spontanée de la psyché objective.
. il existe un élément psychique qui s'exprime par la quaternité. . Si j'ai appelé le centre « soi », je ne l'ai fait qu'après une considération approfondie et une évaluation scrupuleuse des données empiriques et historiques. P.287
Une interprétation matérialiste pourrait sans difficulté prétendre que le centre n'est « rien que » le point à partir duquel la psyché devient inconnaissable parce qu'elle se fond avec le corps. Et une interprétation spiritualiste pourrait affirmer que ce « soi » n'est « rien d'autre que » l' « esprit » qui anime l'âme et le corps et fait irruption dans le temps et l'espace en ce point créateur. Je me refuse expressément à de telles spéculations.. et me contente d'établir les faits empiriques.
.des processus fondamentaux concernant le centre de la psyché objective - à des « images du but », en quelque sorte, que le processus psychique « final » paraît se fixer de lui-même, indépendamment de toute suggestion extérieure. Vu de l'extérieur, il existe naturellement toujours un certain besoin psychique, une sorte de « faim », mais qui prend pour but des mets préférés et bien connus, et jamais de plat inconnu de la conscience ou absurde. Le but qui s'offre à ce besoin psychique, l'image qui promet de « guérir », de produire la totalité, est tout d'abord, et au plus haut degré, étrangère à la conscience, de sorte qu'elle n'y trouve accès qu'au prix des plus grandes difficultés. La situation est naturellement toute différente pour ceux qui vivent à une époque et dans un milieu où de telles images du but ont une valeur dogmatique. Lorsque c'est le cas, ces images sont présentées eo ipso à la conscience et l'inconscient se voit montrer un mystérieux reflet dans lequel il se reconnaît et en vertu duquel il se rallie à la conscience.
En ce qui concerne la question de l'origine du mandala, on a peut avoir tout d'abord l'impression .. que ce motif prend peu à peu naissance au cours de la série de rêves. Mais, en réalité, il n'a fait qu'apparaître sous une forme de plus en plus claire et de plus en plus différenciée ~ il était présent dès le début et se manifesta même dès le premier rêve... nous avons affaire à un type existant a priori, à un archétype inhérent à l'inconscient collectif et échappant, de ce fait, à la naissance et à la mort de l'individu. L'archétype est une présence pour ainsi dire « éternelle », et il s'agit seulement de savoir si la conscience le perçoit ou non. .. hypothèse plus vraisemblable .. lorsqu'on suppose que l'accroissement de la clarté et de la fréquence du motif au cour8 de la série de rêves correspond à la perception de plus en plus précise d'un type existant a priori, plutôt que lorsqu'on suppose que le mandala n'est créé qu'au cours de la série. .
Dans la mesure où le motif du mandala est un archétype, il devrait aussi être un phénomène collectif, c'est-à-dire qu'il devrait théoriquement apparaître dans chaque individu. En pratique, toutefois, on ne le rencontre sous une forme claire que dans un nombre relativement limité de cas, ce qui ne l'empêche nullement de jouer le rôle d'un pôle secret autour duquel tout tourne en fin de compte. En définitive, toute vie est la réalisation d'un tout, c'est-à- dire d'un soi, raison pour laquelle cette réalisation peut être appelée « individuation ». Car toute vie est liée à des porteurs et à des réalisateurs individuels et est absolument inconcevable sans eux. Mais chaque porteur reçoit aussi une destinée et une spécificité qui lui sont propres, et ce n'est que leur réalisation qui confère un sens à l' existence. Il est un fait que le « sens » pourrait souvent tout aussi bien être nommé « non-sens », mais il y a une certaine incommensurabilité entre le mystère de l'existence et l'esprit humain. « Sens » et « non sens » sont des interprétations forgées par l'homme et dont le but est de nous donner une orientation suffisamment valable. .
.. le médecin qui ne tient pas compte des valeurs sentimentales de l'homme commet une erreur regrettable et si, au nom d'une attitude dite scientifique, il tente de « rectifier » l'activité secrète et difficilement compréhensible de la nature, il ne fait que mettre sa plate ratiocination à la place des processus curateurs de la nature. . « L'ouvre le plus parfait et le plus naturel est de produire ce qui est semblable à lui-même. » P.292


TROISIEME PARTIE : LES CONCEPTIONS DU SALUT EN ALCHIMIE

I. LES CONCEPTS DE BASE DE L'ALCHIMIE

1. INTRODUCTION
.l'alchimie a péri par sa propre obscurité. Sa méthode d'explication : « obscurum per obscurius, ignotum per ignotius » (l'obscur par le plus obscur, l'inconnu par le plus inconnu) était incompatible avec l'esprit de recherche de l'ère des lumières. Sa décomposition intérieure avait déjà commencé un siècle plus tôt, à l'époque de Jakob Boehme, lorsqu'un grand nombre .. abandonnèrent leurs a1ambics et leurs creusets pour se consacrer entièrement à la philosophie (hermétique). C'est alors que le chimiste et le philosophe se séparèrent. La chimie devint une science de la nature, cependant que la philosophie hermétique .. se perdait dans des allégories et des spéculations .. qui ne reposaient que sur le souvenir d'un temps meilleur. . où l'esprit de l'alchimiste était aux prises avec le problème de la matière, lorsque la conscience, dans son exploration, se heurtait au monde obscur de l'inconnu dans lequel elle croyait percevoir des formes et des lois, qui, en fait, n'appartenaient pas à la matière mais à la psyché. Tout ce qui est inconnu ou vide est automatiquement rempli par une projection psychologique ; tout se passe comme si les propres arrière-plans psychiques du chercheur étaient réfléchis par l'obscurité. Ce qu'il voit dans la matière, ce qu'il croit y reconnaître, ce sont avant tout les données de son propre inconscient qu'il projette en elle. En d'autres termes, il découvre dans la matière, comme appartenant apparemment à celle-ci, certaines propriétés et certaines significations potentielles de la nature psychique desquelles il est totalement inconscient. .
2. LE PROCESSUS ALCHIMIQUE ET SES PHASES
L'alchimie, comme chacun sait, décrit un processus de transformation chimique et donne d'innombrables directives pour sa réalisation. . On distingue quatre phases qui ont caractérisées par leurs couleurs originales, déjà mentionnées par Héraclite : melanosis (passage au noir), leukosis (passage au blanc), xanthosis (passage au jaune) et iosis (passage au rouge). .. quadripartition de la philosophie. Plus tard .. le nombre des couleurs fut ramené à trois : le xanthosis, appelé aussi citrinitas .. disparut . A sa place on vit apparaître parfois, dans des cas exceptionnels, après le melanosis ou nigredo (le noir), le viriditas (le vert). la tetrameria originelle était l'exact équivalent de la quaternité des éléments .. bien qu'il y eût quatre éléments ( terre, eau, feu et air) et quatre propriétés (chaud, froid, sec et humide), il n'y avait que trois couleurs : noir, blanc et rouge. . le changement dans la classification des phases ne doit pas être dû à des causes extérieures, mais bien plutôt à la signification symbolique de la quaternité et de la trinité ; en d'autres termes, il est dû à des causes intérieures, psychiques.
La nigredo ou noirceur est l'état initial, qui est ou présent dès le début en tant que qualité de la prima materia (matière primordiale), du chaos ou de la massa confusa (masse confuse), ou produit par la décomposition (solutio, separatio, divisio, putefactio) des éléments. Si l'on admet au départ que cet état est produit par 1a décomposition des éléments, comme cela arrive parfois, on réaIise une union des opposés sous la forme d'une union mâle-femelle (nommée coniugium, matrimonium, coniunctio, coitus - union, mariaage, assemblage, accouplement) suivie par la mort du produit de l'union (mortificatio, calcinatio putrefactio) et par une nigredo correspondante. A la nigredo succède le lavage (ablutio, baptisma) qui conduit directement à l'albedo (passage au blanc), ou bien alors l'âme (anima) libérée par la mort est à nouveau unie au corps mort et détermine sa résurrection, ou enfin l'ensemble des couleurs (omnes colores ou cauda pavonis, la queue du paon) conduit à une couleur unique, le blanc, qui contient toutes les couleurs. A ce stade, le premier résultat essentiel du processus est atteint, on le nomme albedo, tinctura alba (teinture blanche), terra alba foliata (terre blanche foliée), lapis albus (pierre blanche), etc. .. C'est l'état de l'argent ou de la lune, qui doit être encore élevé à l'état du soleil. L'albedo est en quelque sorte l'aube, alors que le rubedo (le rouge) est le lever du soleil. La transition jusqu'au rubedo est formée par le citrinitas (passage au jaune) .. supprimé plus tard. Le rubedo suit dès lors immédiatement l'albedo, par suite de l'élévation de la chaleur du feu à sa plus haute intensité. Le rouge et le blanc sont roi et reine, qui, à ce stade, peuvent aussi célébrer leurs « nuptiae chymicae » (noces chimiques).
3. CONCEPTIONS ET SYMBOLES DU BUT
La classification des phases par les différents auteurs dépend essentiellement de leur conception du but : .. teinture blanche ou rouge .. eau permanente, ou 1a pierre philosophale.. représentation hermaphrodite, .. or buvable, élixir de vie.. or philosophique, verre doré, verre malléable.. .Les conceptions du but sont aussi vagues et variées que les différents processus. Le lapis philosophorum .. est souvent la prima materia ou le moyen de produire de l'or, ou encore, un être entièrement mystique, que l'on nomme parfois Deus terrestris (Dieu terrestre), Salvator (Sauveur) ou filius macrocosmi (fils du macrocosme) et qui n'est comparable qu'à l' Anthropos gnostique, l'homme primordial divin.
A côté de la notion de prima materia, celle de l'eau (aqua permanens) et celle du feu (ignis noster - notre feu) jouent un rôle important. Bien que .. paire d'opposés typique, ils ne sont qu'un et un seul .. Tout comme la materia prima, l'eau a un millier de noms ; on la dit même matière originelle de la pierre . .
. Il y a en fait une substance dans laquelle tout est contenu, et c'est le sulphur philosophorum [soufre des philosophes], [qui] est eau et âme, huile Mecurius et Sol, le feu de la nature, l'aigle, la larme, la première hyle des sages, la materia prima du corps parfait. Et, quel que soit le nom que les philosophes aient donné à leur pierre, ils ont toujours entendu et désigné cette substance unique, c'est-à-dire cette eau de laquelle tout
[ provient] et dans laquelle tout est [contenu] ; qui régit tout, dans laquelle des erreurs sont faites et dans laquelle l'erreur elle-même est corrigée. . eau mercurielle . Pour moi, deux espèces suffisent : mâle et femelle ou frère et soeur. .P.307

. le feu joue le même rôle que l'eau. Une autre et non moins importante conception est celle du vase hermétique . Il doit être complètement rond en imitation du cosmos sphérique , de façon que l'influence des étoiles puisse contribuer au succès de l'opération. Il est une sorte de matrice ou d'utérus d'où doit naître le filius philosophorum (fils des philosophes), la pierre miraculeuse. .. il est aussi recommandé .. qu'il ait la forme de l'oeuf . le vase représente plus une idée mystique, un véritable symbole.
Josephus Quercetanus .. établit une suite de douze opérations : 1.Calcinatio (calcination) . 2. Solutio ( disso1ution) . 3. Elementorum separatio (séparation des éléments) . 4. Coniunctio (conjonction) . 5. Putrefactio (putréfaction) . 6. Coagulatio (coagulation) . 7. Cibatio (cibation) . 8. Sublimatio (sublimation) . 9. Fermentatio (fermentation) . 10. Exaltatio (élévation). 11. Augmentatio (accroissement) . 12. Proiectio (projection) .
..
Nous ne devons pas non plus sous-estimer le sentiment de satisfaction né de l'entreprise, de l'aventure, de la recherche (quaerere) et de la découverte (invenire). I1 dure tant que les méthodes utilisées paraissent sensées. P.313

II. - LA NATURE PSYCHIQUE DE L'OEUVRE ALCHIMIQUE

1. LA PROJECTION DE CONTENUS PSYCHIQUES
..
. Le vrai secret n'agit pas secrètement ; toutefois, il parle un langage secret : i1 s'exprime par une variété d'images qui toutes indiquent sa vraie nature. Je ne parle pas du secret gardé personnellement par quelqu'un, et dont le possesseur connaît le contenu, mais d'une chose ou d'un phénomène qui est « secret », c'est-à-dire connu uniquement à travers de vagues allusions, mais dont l'essentiel reste inconnu. Ainsi, la véritable nature de la matière était inconnue de l'alchimiste : il ne la connaissait que par des allusions. En cherchant à l'explorer, il projetait l'inconscient dans l'obscurité de la matière afin de l'illuminer. Pour expliquer le mystère de la matière, il projetait un autre mystère - son propre arrière plan psychique inconnu - dans ce qu'il allait expliquer : Obscurum per obscurius, ignotum per ignotius ! (L'obscur par le plus obscur, l'inconnu par le plus inconnu !) Ce n'était pas là ..un procédé intentionnel, mais un fait involontaire.
A proprement parler, on ne fait jamais une projection ; elle se produit, elle est simplement là. Dans l'obscurité de quelque chose d'extérieur, je découvre, sans la reconnaître, ma propre vie intérieure ou psychique. . la théorie des correspondances. a été une rationalisation de l'expérience de la projection. Ce n'est pas parce que l'alchimiste, pour des raisons théoriques, croit en une correspondance qu'il pratique son art ; au contraire, il a une théorie des correspondances parce qu'il fait l'expérience de la présence de l'idée dans la matière. . la véritable origine de l'alchimie doit être cherchée .. dans les expériences que les chercheurs isolés ont faites de la projection. J'entends par là que, pendant qu'il travaillait à ses expériences chimiques, l'adepte vivait certaines expériences psychiques qui lui apparaissaient comme le déroulement propre au processus chimique. . Il vivait sa projection comme une propriété de la matière. Mais ce qu'il vivait était, en réalité, son propre inconscient. A cet égard, il répétait l'histoire de la connaissance de la nature. . la science commença par les étoiles et l'humanité découvrit en elles les dominantes de l'inconscient, les « dieux », ainsi que les singulières qualités psychologiques du zodiaque : projection d'une doctrine complète du caractère humain. L'astrologie est une expérience primordiale semblable à l'alchimie. De telles projections se répètent partout ,où l'homme tente d'explorer un vide obscur qu'il remplit involontairement d'une forme vivante. P.319
.
..apparurent durant l'ouvre. pratique certains phénomènes à caractère d'hallucinations ou de visions, qui ne sauraient être autre chose que des projections de contenus inconscients. . un passage de Senior qui dit que la « vision » du vase hermétique doit être recherchée d'avantage que l' « écriture ». (.. se rappeler que le vas vitreum- vase de verre- rond est un état psychique. .. la vision de l'âme doit être préférée aux saintes Ecritures. )
. P.325
Le psychologue ne trouve pas étrange qu'une métaphore se transforme parfois en hallucination. .
.
Le serpent est le Mercurius qui, en tant que substance fondamentale (hypostatica) se forme lui-même dans l'eau et avale la nature à laquelle il est uni. (Cf. le soleil se noyant dans la fontaine du Mercurius, le lion dévorant le soleil, Beya dissolvant Gabricus en elle-même.) La matière se forme ainsi par l'illusion, qui est nécessairement celle de l'alchimiste. Cette illusion pourrait bien être la vera imaginatio (l'imagination vraie) qui détient le pouvoir d' « informer » (1
. les rêves et les rêves-visions sont souvent mentionnés comme étant d'importants intermezzi ou comme sources de révélation. . P.327
.Il est maintes fois souligné.. que l'aqua permanens si recherchée a été révélée dans un rêve. En général, la prima materia, de même que la pierre elle-même - ou que le secret de sa fabrication - est révélée à l'adepte par Dieu. . « préparer notre Chaos Naturae [ prima materia] à la perfection et avec la plus grande simplicité par une vision et une révélation divines, secrètes et particulières, sans en approfondir ni en méditer plus avant les causes » (Khunrath). Hoghelande explique la nécessité de l'illumination divine par le fait que la fabrication de la pierre dépasse la raison et que seule une science surnaturelle et divine connaît le temps exact de la naissance de la pierre. P.329
.. Dieu seul connaît la prima materia. Dans la période postparacelsienne, la source de l'illumination est la lumen naturae (lumière naturelle).

2. L'ATTITUDE MENTALE À L'ÉGARD DE L'OEUVRE
. un aspect quelque peu différent des relations de la psyché avec le travail alchimique : « Observe sous toutes ses faces et avec les yeux de l'esprit, je te prie, cet arbrisseau minuscule que donne le grain de froment, afin de pouvoir planter l'arbre des philosophes » Ceci semble désigner l'imagination active comme étant ce qui met véritablement le processus en marche.
. « Des autres tu ne feras jamais l'Un, si tu n'es d'abord devenu Un toi-même . » (Dorneus) .. l'Un .. se rapporte à la personne de l' « artiste », dont l'unité est posée comme condition indispensable à l'accomplissement de 1'ouvre. .. il s'agit là de la condition psychologique de l'ouvre .. d'une importance primordiale.
Le Rosarium philosophorum dit :
... celui qui connaît le sel et sa solution connaît le secret caché des vieux sages. Dirige donc ton esprit sur le sel, car c'est en lui seul (= en l'esprit) qu'est dissimuler la science et le plus élevé et le plus caché des secrets de tous les philosophes anciens.
... « esprit » et « sel » sont proches parents - cum grano salis! (le sal sapientiae qui, conformément à l'ancien rite du baptême, était et est encore donné au baptisé.)
.. le sel n'est pas seulement le centre physique de la terre, mais il est en même temps le sal sapientiae (le sel de la sagesse), dont il ( Khunrath) dit : « C'est pourquoi dirige ton cour, tes sens, ta raison et tes pensées sur ce seul sel. » A un autre endroit, l'auteur anonyme du Rosarium dit que l'ouvre doit être accompli « avec l'imagination vraie et non avec celle qui est chimérique », et encore que la pierre sera trouvée « quand la recherche pèse lourdement sur le chercheur ». Cette remarque ne peut être comprise que comme signifiant qu'une certaine condition psychologique est indispensable à la découverte de la pierre miraculeuse.
... le secret essentiel de l'art est caché dans l'esprit humain ou, pour l'exprimer en termes modernes dans l'inconscient. P.333
Les alchimistes ont réellement pressenti que leur ouvre était d'une façon ou d'une autre lié à la psyché humaine et à ses fonctions.
. en raison de leur ignorance, les hommes ne peuvent accomplir l'ouvre et ce jusqu'à ce qu'ils aient étudié la philosophie universelle qui leur révèle ce qui est inconnu et caché.l'ouvre et son but dépendaient très largement d'une condition mentale. . P.337
. « Ce que l'homme aura semé, il le récoltera aussi. C'est pourquoi, s'il sème une ordure, il trouvera une ordure. » (R. Anglicus).
On insiste par-dessus tout sur l'importance ou la nécessité de l'esprit (mens) et de l'intelligence.. parce qu'on admet qu'une sorte de puissance magique, capable de transformer jusqu'à la matière, réside dans l'esprit humain. . relations entre l'ouvre et l'homme : « En vérité, la forme qui est l'intellect de l'homme est le début, le milieu et la fin de tels processus : et elle est révélée par la couleur jaune qui indique que l'homme est la forme supérieure et principale dans l'ouvre spagyrique. » (Dorneus) (La forma -forme- agit par informatio - décrite aussi comme fermentatio. La forma est identique àl'idée. L'or, l'argent, etc., sont des formes de la matière, par conséquent on peut faire de 1'or si l'on réussit à imprimer la forme de l'or -impressio formae - empreinte d'une forme- sur l'informis massa - masse informe) ou chaos, c'est-à-dire sur la prima materia.). parallèle complet entre l'ouvre alchimique et la transformation morale et intellectuelle de l'homme.
. Traité des tétralogies platoniciennes, .. l'auteur y présente quatre séries de correspondances, chacune contenant quatre « livres » : cf. tableau p.339
. La première série horizontale commence avec les choses naturelles, la prima materia qui représente l'eau. Ces choses sont composées, c'est-à-dire mélangées. Ce qui leur correspond dans la colonne IV est la perception des sens.
La deuxième série horizontale représente un stade plus élevé dans le processus : dans la colonne I les natures composées sont décomposées, ou retransformées en leurs éléments initiaux ; dans la colonne II, la terre est séparée de l'eau (primordiale) comme dans le livre de La Genèse.. dans la colonne III, on trouve une séparation par catégories ; et la colonne IV concerne l'acte psychologique du discernement.
La troisième série horizontale montre encore plus clairement ce mouvement ascendant : dans la colonne I, l'âme émerge de la nature, dans la colonne II, il y une élévation dans le royaume de l'air ; dans la colonne III le processus atteint aux « choses simples » qui, du fait de leur pureté sans mélange, sont incorruptibles, éternelles et proches des Idées platoniciennes ; dans la colonne IV enfin, on trouve l'élévation finale du mens à la ratio, à l'anima rationalis (âme raisonnable), c'est-à-dire à la forme la plus élevée de l'âme.
La quatrième série horizontale montre la pleine réalisation de chacune des colonnes verticales.
Première série verticale : Cette colonne a un caractère « phénoménologique ».. L'élément psychique émerge de la somme des phénomènes nature1s et culmine dans l'exaltatio intellectus, dans le phénomène de l'intelligence et de la compréhension claire. On peut .. considérer cet intellectus comme la plus grande lucidité dont la conscience soit capable.
Deuxième série verticale : La terre émerge des eaux du chaos primordial, de la massa confusa .. ; au dessus, il y a l'air, l'élément volatil s'élevant de la terre. Le feu vient tout en haut en tant que substance la plus pure : le pneuma ardent (souffle, esprit divin) qui s'élève jusqu'au siège des dieux.
Troisième série verticale : Cette colonne a un caractère abstrait ou idéel ; c'est pourquoi elle contient des jugements intellectuels. Ce qui est composé se dissout en ce qui est « distinct », qui, à son tour, est réduit à ce qui est « simple » dont, enfin, naissent les quintessences, les idées primordiales simples. L'éther est la quintessence.
Quatrième série verticale : Cette colonne est exclusivement psychologique. Les sens interviennent dans la perception, alors que la discretio intellectualis correspond à l'aperception. Cette activité est soumise à la ratio ou l'anima rationalis (âme raisonnable), la plus haute faculté que Dieu ait octroyée à l'homme. Au-dessus de l'anima rationalis, il n'y a que la res qui est le résultat de toutes les opérations précédentes. .
. une chose n'est connaissable que par quelque chose qui lui est supérieur. L'âme est quant à elle au- dessus de la nature, et c'est par elle que la nature est connaissable, mais l'intelligence est supérieure à l'âme et c'est par elle que l'âme est connaissable, et l'intelligence est connue par qui lui est supérieur, et elle est environnée par un Dieu unique, dont la nature reste insaisissable. (Liber Platonis Quaternum)
P.343
. les processus chimiques et matériels coïncidaient avec des facteurs spirituels ou psychiques pour ces penseurs. .. le rapport allait si loin qu'on désignait par cogitatio (la pensée) ce qui devait être tiré de la matière. . ce rapport intime entre l'homme et le secret de la matière.. exige que l'adepte s'élève à la hauteur de sa tâche, ce qui signifie qu'il doit accomplir en sa propre personnalité le même processus qu'il exige de la matière.
A la suite de la projection il s'établit une identité inconsciente entre la psyché de l'alchimiste et la substance de l'arcane ou substance de transformation, c'est-à-dire l'esprit emprisonné dans la matière. .le Liber P. Q. recommande l'utilisation de l'occiput comme vase de transformation, car il est le contenant qui abrite la pensée et l'intellect.. nous avons besoin du cerveau comme siège de la « partie divine » .
. de même que dans la psyché, la multiplicité des perceptions des sens produit l'unité et la simplicité de l'idée, de même le feu - c'est-à-dire la substance éthérée - naît-il de l'eau primordiale, non pas - et c'est là le point décisif - par une simple analogie, mais en tant que résultat de l'action de l'esprit sur la matière. .. « A l'intérieur du corps humain est cachée une certaine substance métaphysique, que très peu connaissent, dont l'essence est de ne nécessiter aucun médicament, car elle est elle-même un médicament inaltéré. » (Dorneus) Cette médecine est « de triple nature : métaphysique, physique et morale » (ce que nous nommerions « psychologique » aujourd'hui) . « Cette médecine est évidemment la substance de l'arcane qu'il définit ailleurs comme étant la « veritas » (vérité) P.347
.
Par l'étude des philosophes, l'homme acquiert l'art d'atteindre cette pierre. Et encore une fois, la pierre est l'homme. .. « De pierres mortes, transformez-vous en pierres philosophales vivantes . » (Dorneus) .. identité de ce qui est en l'homme avec ce qui est caché dans la matière.
.I1 n'est pas besoin de beaucoup d'efforts au début de l'ouvre ; il suffit qu'on l'aborde « l'esprit libre et vide » .. Mais il faut aussi observer la règle importante qui dit que « l'esprit (mens) doit être en harmonie avec l'ouvre et l'ouvre doit être au-dessus de toute autre chose ». .. pour conquérir la « compréhension d'or » (aurea apprehensio), on doit bien ouvrir les yeux de l'esprit et de l'âme, et contempler et observer au moyen de cette lumière intérieure que Dieu a allumée depuis le commencement dans la nature et dans notre cour.
Comme la psyché de l'artiste est si intimement liée là l'ouvre - non seulement comme intermédiaire, mais aussi parce qu'elle en est la cause et le point de départ - on comprend .. pourquoi on insiste tellement sur la condition psychique et l'attitude mentale de l'adepte. .. « Sache que tu ne peux posséder cette science avant d'avoir purifié ton esprit pour Dieu, c'est-à-dire effacé de ton cour toute corruption. » D'après l'Aurora consurgens, la maison aux trésors de la sagesse hermétique repose sur quatorze vertus principales ; ce sont : la santé, l'humilité, la piété, la chasteté, la vertu, la victoire, la foi, l'espérance, la charité (caritas), la bienveillance (benignitas), la patience, la modération, une attitude ou une intelligence spirituelle , et l'obéissance. P.349
.. « Chasse les ténèbres épouvantables de notre esprit » .. parallèle sur la nigredo et la dealbatio (action de rendre blanc). Les « ténèbres de notre esprit » coïncident .. avec la nigredo ..
D'après le Rosarium .. requiert de l'artifex (artiste) les qualités psychologiques et caractérologiques suivantes : il doit avoir l'esprit extrêmement subtil et disposer d'une connaissance suffisante des métaux et des minéraux. Mais il ne doit pas avoir l'esprit grossier et rigide, ni ne doit être cupide et avare, ni indécis et inconstant. De plus, il ne doit être ni pressé ni présomptueux. Il doit être, au contraire, ferme dans son intention, persévérant patient, doux, longanime et modéré.
.. celui qui désire être initié à cet art et à cette sagesse ne doit pas être arrogant, mais pieux, probe, d'une intelligence profonde, humain, et doit avoir la mine sereine et l'âme heureuse. .. « Mon fils, je t'adjure avant tout de craindre Dieu, qui sait quelle sorte d'homme tu es et en qui le solitaire, quel qu'il puisse être, trouve le secours. » P.351
. « la chimie stimule l'artifex [c'est-à-dire l'alchimiste] à la méditation des biens célestes » et .. celui qui est initié par Dieu à ces mystères « rejette toutes ces préoccupations sans importance telles que la nourriture et l'habillement et se sent en quelque sorte comme nouveau-né ».
La difficulté et l'affliction que l'on rencontre au début de l'ouvre coïncident une fois de plus avec la nigredo, ce comme les « ténèbres épouvantables de notre esprit » ..et celles-ci.. correspondent bien à l' « afliction animae » (la souffrance de l'âme) -Morienus-. Les termes par lesquels il désigne l'attitude de l'adepte -amor perfectissimus (amour parfait) expriment un extraordionaire dévouement à l'ouvre. . les anciens adeptes ont accompli leur ouvre avec une concentration inhabituelle, avec une réelle ferveur religieuse. Une telle dévotion est naturellement favorable à la projection de valeurs et de significations dans l'objet de cette recherche .. et pousse à remplir ce dernier de formes et de figures ayant en premier lieu leur origine dans l'inconscient du chercheur.

3. MÉDITATION ET IMAGINATION
. la façon particulière.. dont les alchimistes utilisent les termes de meditatio et imaginatio. .. « Il y a 'méditation' chaque fois que l'on tient avec quelqu'un d'autre, qui, cependant, est invisible, un colloque intérieur, que ce soit, par exemple, avec Dieu, quand on l'invoque Lui-même, ou que ce soit avec soi-même, ou avec son bon ange gardien . » Le psychologue a l'habitude de ce « colloque intérieur » ; il est une part essentielle de la technique du dialogue avec l'inconscient. .lorsque les alchimistes parlent P.355 de « meditari » (méditer), ils n'entendent en aucune façon une simple réflexion, mais beaucoup plus un dialogue intérieur et, par là, un rapport vivant avec la voix de l' « autre » qui répond en nous, c'est-à-dire avec l'inconscient. .. « Et comme toutes choses ont existé à partir de l'Un, par la méditation de l'Un » doit bien être compris, dans cette acception alchimique, comme un dialogue créateur, par lequel les choses passent d'un état potentiel inconscient à un état manifeste. .. « Par-dessus tout il est merveilleux que notre pierre, bien que déjà parfaite et capable de communiquer une teinture parfaite, s'humilie une nouvelle fois, de sa propre volonté, et méditera une nouvelle volatilité, en dehors de toute manipulation. » .. « De sa propre volonté elle se liquéfiera. et sera dotée d'esprit sur l'ordre de Dieu, esprit qui s'envolera et emportera la pierre avec lui. » « Méditer » signifie donc encore une fois que, par un dialogue avec Dieu, un esprit plus grand encore est insufflé dans la pierre, ce qui signifie qu'elle devient encore plus spiritualisée, volatilisée ou sublimée. :

C'est pourquoi étudie, médite, peine, travaille, cuit. et un flot salutaire te sera ouvert, qui s'échappe du cour du fils du grand monde, une eau que le fils du grand monde lui-même nous donne, et qu'il tire de son corps et de son cour, afin qu'elle nous soit une Aqua Vitae vraie et naturelle. (Khunrath)

.. la «méditation des biens célestes » .. doit être prise dans le sens d'une relation dialectique vivante avec certaines dominantes de l'inconscient. .. P.357
.La relation avec les forces invisibles de la psyché constituait le véritable secret du magistère (Grand Ouvre). .l'ouvre doit être accompli avec l'imaginatio vraie, et nous avons appris .. comment on peut faire pousser l'arbre philosophique par la contemplation. ..
« L'imagination est l'astre dans l'homme, le corps céleste ou supracéleste. » . Nous ne devons en aucune façon les imaginer comme ces spectres immatériels, mais bien comme quelque chose de corporel, un « corps subtil », de nature semi-spirituelle. . tout ce qui était inconscient, aussitôt activé, était projeté dans la matière, ce qui signifie qu'il entrait en communication avec l'homme de l'extérieur. Il était en quelque sorte un phénomène hybride, mi-spirituel, mi-physique, une concrétisation comme nous en rencontrons souvent dans la psychologie des primitifs. Ainsi l'imaginatio, ou le fait d'imaginer, est aussi une activité physique qui peut être insérée dans le cycle des transformations de la matière, qui les détermine et qui est à son tour déterminé par elles. De cette façon, l'alchimiste n'était pas seulement en rapport avec l'inconscient mais directement avec la substance même qu'il espérait transformer par le pouvoir de son imagination. .. « astrum ».. signifie à peu près « quintessence ». L'imagination, donc, est un extrait concentré des forces vivantes, aussi bien physiques que psychiques. On comprend.. qu'on exige que l'artiste soit d'une constitution physique saine, car il travaille avec et par sa propre quintessence et il est la condition indispensable de sa propre expérience. P. 359
Mais, du fait même de cet entremêlement du physique et du psychique, il reste toujours un point obscur.. savoir si l'ultime transformation dans le processus alchimique doit être recherchée plutôt dans le domaine matériel ou plutôt dans le domaine spirituel. .. il n'y avait pas d'alternative à cette époque, mais il existait un domaine intermédiaire entre la matière et l'esprit : c'est-à-dire un domaine psychique des corps subtils, dont c'est le propre de manifester sous une forme mentale aussi bien que sous une forme matérielle. . l'existence de ce domaine intermédiaire cesse brutalement, du moment que l'on tente d'étudier la matière en et pour elle-même, abstraction faite de toute projection ; et le domaine intermédiaire des corps subtils demeure dans la non-existence aussi longtemps qu'on croit savoir quelque chose de défini de la matière ou de la psyché. Mais vienne le moment où la physique touche à l' « inexploré et inexplorable » et où simultanément, la psychologie doit reconnaître qu'il existe encore d'autres formes de vie psychique que les acquisitions de la conscience personnelle, c'est-à-dire où la psychologie, elle aussi, se heurte à des ténèbres impénétrables ; alors ce domaine intermédiaire revient à la vie et le physique et le psychique sont une fois de plus mêlés en une indissoluble unité.
. Il y a, dans l'alchimie, des problèmes très modernes, mais qui se situent sur un autre plan que celui de la chimie.
Le concept d'imaginatio est l'une des clés les plus importantes.. de la compréhension de l'opus. . la faculté imaginative de l'âme.. L'âme, dit-il (Sendivogius), se tient à la place de Dieu.. (elle tient sa place, en quelque sorte règne à sa place) et demeure dans l'esprit de vie dans le sang pur. Elle gouverne la pensée .. et celle-ci gouverne le corps. L'âme fonctionne (operatur) dans le corps, mais la plus grande partie de sa fonction (operatio) s'exerce hors du corps (ou, pourrions-nous ajouter .. dans la projection ) . Cette particularité est divine, car la sagesse divine n'est que partiellement enfermée dans le corps du monde : pour sa plus grande partie elle est à l'extérieur et imagine des choses beaucoup plus élevées que celles que le corps du monde peut concevoir (concipere). Et ces choses sont en dehors de la nature : les propos secrets de Dieu. L'âme en est un exemple : elle aussi imagine beaucoup de choses des plus profondes.. en dehors du corps, exactement comme Dieu. Il est vrai que ce que l'âme imagine ne se déroule que dans la pensée,.. alors que ce que Dieu imagine se déroule dans la réalité. P.361 « L'âme, cependant, a le pouvoir absolu et indépendant .. de faire d'autres choses que celles que le corps peut concevoir. Mais, quand elle le veut, elle a le plus grand pouvoir sur le corps .. car autrement notre philosophie serait vaine. Tu peux concevoir le plus grand, car nous t'avons ouvert les portes. »


4.ÂME ET CORPS
. L'âme, dans ce texte, est une anima corporalis (âme corporelle) qui demeure dans le sang. Elle correspondrait ainsi à l'inconscient dans la mesure où l'on admet que ce dernier est le phénomène psychique qui intervient entre la conscience et les fonctions physiologiques du corps. Dans l'échelle tantrique du chakras, cette anima serait située au-dessous du diaphragme. Par ailleurs elle est le vicaire de Dieu, vice- roi et analogue au Deus Creator (Dieu créateur). .. des gens.. éprouvent le besoin de placer un superconscient ou un transconscient à côté ou si possible au-dessus de l'inconscient, qu'ils ne peuvent concevoir que comme un subconscient. De telles hypothèses ne troublent pas nos philosophes.. car toute forme de vie, même élémentaire, contient sa propre antithèse, ce en quoi les alchimistes anticipaient le problème des contraires de la psychologie moderne. .. à propos de l'élément air .. :

L'air est un élément pur, non altéré, dans son espèce la plus digne, particulièrement léger et invisible, mais intérieurement lourd, visible et solide. En lui est enfermé [inclusus] l'esprit du Très-Haut qui, avant la création, planait au dessus des eaux.. « Il plana sur les ailes du vent. » Toutes choses sont intégrées (integrae) dans cet élément par l'imagination du feu.

Pour comprendre un tel énoncé, nous devons .. vider notre esprit de toutes les idées modernes concernant la nature des gaz, et ne prendre cet exposé que comme purement psychologique. En ce sens, il traite de la projection de paires d'opposés telles que léger-lourd, visible-invisible, etc. Or, l'identité des opposés est le trait caractéristique de toute donnée psychique à l'état inconscient. Ainsi l'anima corporalis (âme corporelle) est en même temps spiritualis (spirituelle) et le noyau de l'air, lourd et solide, est en même temps le spiritus creator (esprit créateur) qui plane au-dessus des eaux. Et, de même que « les images de toutes les créatures » sont contenues dans l'esprit créateur, de même toutes choses sont imaginées ou « figurées » dans l'air « par le pouvoir du feu » d'une part parce que le feu entoure le trône de Dieu et qu'il est la source d'où.. les anges et tous les autres êtres vivants sont créés ou « imaginés » par infusion de l'anima ardente dans le souffle de vie; d'autre part parce que le feu détruit tout ce qui est composé et en réinfuse l'image dans l'air sous forme de fumée.
L'âme.. n'est que partiellement enfermée dans le corps, de même que Dieu n'est que partiellement enfermé dans le corps du monde. . la psyché n'est que partielle1nent identique à notre être conscient empirique ; pour le reste, elle se trouve à l'état projeté et dans cet état, elle imagine ou représente le « plus grand » que le corps ne peut pas saisir, c'est-à-dire ne peut pas réaliser. Ce « plus grand ».. correspond au « plus élevé » ..qui se rapporte à l'imagination de Dieu, créatrice du monde. Mais, ce « plus élevé », parce qu'imaginé par Dieu, devient immédiatement substantiel, et ne demeure pas à l'état de réalité potentielle, comme les contenus de l'inconscient. Il apparaît clairement que, par cette activité de l'âme en dehors du corps.. on entend l'opus alchimique, dans la remarque selon laquelle l'âme a le plus grand pouvoir sur le corps, et que, si il n'en allait pas ainsi, l'art royal, ou philosophie, serait vain. « Tu peux concevoir .. le plus grand ».. par conséquent ton corps peut le réaliser - avec l'aide de l'art et le consentement de Dieu..
L'imaginatio, telle que les alchimistes la comprenaient, est en fait une clé qui ouvre la porte sur le secret de l'opus. .il s'agit de représenter et de réaliser ce « plus grand » que l'anima, au nom de Dieu, imagine créativement et en dehors de la nature..= il 'agit d'actualiser ces contenus de l'inconscient qui P.365 sont extra naturam, c'est-à-dire qui ne sont pas donnés dans notre monde empirique, et sont, par conséquent, un a priori de nature archétypique. Le lieu ou le moyen de l'actualisation n'est ni l'esprit ni la matière, mais le domaine intermédiaire de réalité subtile qui ne peut être exprimée valablement que par le symbole. Le symbole n'est ni abstrait ni concret, ni rationnel ni irrationnel, ni réel ni irréel. Il est chaque fois les deux : il est non vulgi, la préoccupation aristocratique de celui qui est mis à part (.. de chaque solitaire), choisi et désigné par Dieu dès le commencement.
Figure 142 et la représentation de la succession des stades du processus alchimique.

III. L'OUVRE
1. LA MÉTHODE
La base de l'alchimie est l'ouvre (opus). Une partie de cet ouvre est pratique, l'operatio (ouvrage) .. que nous pouvons définir comme étant l'expérimentation.
Chaque alchimiste original se construit, pour ainsi dire, un système d'idées plus ou moins individuel, composé des paroles des philosophes et d'une combinaison d'analogies des concepts fondamentaux de l'alchimie, analogies qui sont souvent prises de tous côtés. . La méthode de I'alchimie, psychologiquement parlant, est celle de l'amplification illimitée. L'amplilicatio convient toujours lorsqu'on a affaire à une expérience obscure, qui est si vaguement ébauchée qu'elle doit être amplifiée et élargie, en étant placée dans un contexte psychologique, afin d'être comprise. ..nous avons également recours à l'amplification dans l'interprétation des rêves, car le rêve est une allusion trop ténue pour être comprise et qui doit être, par conséquent, enrichie par le matériel associatif et analogique, et amplifiée jusqu'au point d'intelligibilité. Cette amplilicatio constitue la seconde partie de l'opus.. une theoria. P.373 A l'origine, la théorie était la « philosophie hermétique », qui s'élargit très tôt par l'assimilation d'idées puisées dans les dogmes chrétiens.
La vignette .. illustre le double aspect de l'alchimie. .. à droite, un laboratoire où un homme, vêtu seulement d'un pantalon court, s'occupe du feu ; à gauche une bibliothèque où confèrent un abbé, un moine et un laïque. Au milieu, sur le four, se trouve le trépied avec la cornue qui contient le dragon ailé. Le dragon symbolise la vision et l'expérience de l'alchimiste travaillant dans son laboratoire et « théorisant ». Le dragon est en lui-même un monstrum - un symbole combinant le principe chthonien du serpent et le principe aérien de l'oiseau. .. une variante du Mercurius. Mais le Mercurius est le divin Hermès ailé se manifestant dans la matière, le dieu de la révélation, seigneur de la pensée et psychopompe par excellence. Le métal liquide.. (« argent vivant », vif-argent) était la substance merveilleuse qui exprimait à la perfection la nature.. de celui qui brille et vivifie intérieurement. Lorsque l'alchimiste parle du Mercurius il désigne extérieurement le vif-argent, mais intérieurement l'esprit créateur du monde, dissimulé ou emprisonné dans la matière. Le dragon .. apparaît sous la forme de l'ouroboros - celui qui se mord la queue. l'opus naît de l'Un et ramène à l' Un .. c'est en quelque sorte un cercle semblable à un dragon qui se mord la queue. .. l'opus était souvent appelé circulare (circulaire) ou rota (roue). Le Mercurius se trouve au début et à la fin de l'ouvre : il est la prima rnateria, le caput corvi (la tête de corbeau) P.377, la nigredo ; dragon, il se dévore lui-même et meurt pour ressusciter sous la forme du lapis. Il est le chatoiement des couleurs de la cauda pavonis (queue du paon) et la division en quatre éléments. Il est l'être primordial hermaphrodite, qui se divise pour former le couple frère- sour classique, et qui s'unit lors de la coniunctio pour apparaître à nouveau à la fin sous la forme rayonnante de la lumen novum.., du lapis Il est métal et cependant liquide, matière et cependant esprit, froid et cependant ardent, poison et cependant remède- il est un symbole qui unit tous les opposés.

2. L'ESPRIT DANS LA MATIÈRE
.
Va vers le courant du Nil ; tu trouveras là une pierre ayant un esprit ; prends la, coupe la en deux ; mets ta main dans l'intérieur et tires-en le cour : car son âme est dans son cour.. P.379
Lorsque Nietzsche, dans Zarathoustra.. « pour moi une image sommeille dans la pierre », il dit bien la même chose, mais en inversant les termes. Dans l'Antiquité, le monde de la matière était rempli par la projection d'un secret psychique qui, à cette époque, apparaissait comme le secret de la matière . Nietzsche, avec son intuition extatique, tenta précisément d'arracher le secret du surhomme à la pierre dans laquelle il avait dormi jusque-là. Il désirait créer le surhomme à la ressemblance de cette image, sur- homme que, dans le langage de l'Antiquité, nous pouvons désigner comme étant bien l'homme divin. Les anciens alchimistes faisaient l'inverse : ils cherchaient la pierre miraculeuse qui enfermait une essence pneumatique, ceci afin d'en extraire cette substance qui pénètre tous les corps parce qu'elle est elle-même l' « esprit » qui a pénétré dans la pierre - et transforme, au moyen de la teinture, toutes les matières communes en matières nobles. Lorsqu'on possède ce Mercurius pénétrant, on peut le « projeter » sur d'autres corps et faire passer ceux-ci de l'imperfection à l'état de perfection. L'état d'imperfection est semblable à un état de sommeil. nous nous trouvons devant une tendance non seulement à voir le mystère de la transformation psychique dans la matière mais aussi à l'utiliser comme règle théorique pour réaliser des transformations chimiques.
. l'alchimiste insiste sur le fait que la teinture ou eau divine est loin de n'avoir qu'une action curative et ennoblissante, mais que la préparation peut aussi agir comme un poison mortel.
.. le Krater.. fait allusion au vase divin.. Après la création du monde, Dieu envoya ce vase sur la terre comme une sorte de fonts baptismaux, après qu'il l'eut rempli de noûs. Ce faisant, Dieu donna à l'homme qui désirait se libérer de son état naturel (d'imperfection, de sommeil), de défaut de connaissance ou, exprimé de façon moderne, conscience insuffisante), une occasion de se plonger dans le noûs et, par là, de participer à l'état supérieur (connaissance claire, conscience supérieure). Le noûs est ainsi une sorte de teinture qui ennoblit les corps communs. Son rôle .. en tant que Mercurius, a la double signification hermétique du psychopompe rédempteur et du vif-argent.
. Quand nous parlons de projection psychologique.. nous rappeler que la projection est un processus préconscient P.383 qui n'agit qu'aussi longtemps qu'il demeure inconscient. . Zosirne.. doit avoir expérimenté, dans la matière elle-même, à tout le moins une identité entre les événements se déroulant dans sa psyché et le comportement de la matière. Mais, en tant que phénomène préconscient, cette identité est inconsciente.. Pour lui, elle est simplement là, et ne sert pas seulement de pont, mais agit véritablement comme le pont qui unit des événements psychiques et des événements matériels en un tout, de telle façon que « ce qui est à l'intérieur est aussi à l'extérieur ». Cependant, un phénomène inconscient, qui échappe à la conscience, se dépeindra d'une façon ou d'une autre quelque part, par exemple dans des rêves, des visions et des fantaisies. L'idée du pneuma fils de Dieu qui s'enfonce dans la matière et s'en libère ensuite à nouveau pour apporter le salut à toutes les âmes, correspond au contenu inconscient projeté dans la matière. Ce contenu est un complexe autonome qui est indépendant de la conscience et mène une existence propre dans le non-moi psychique et qui, lorsqu'il se constelle d'une façon ou d'une autre, c'est-à-dire lorsqu'il est attiré par quelque chose d'analogue à lui se trouvant dans le monde extérieur, se projette immédiatement P.385
L'autonomie psychique du pneuma (La plus ancienne signification du pneuma est le vent qui est un phénomène aérien ; d'où l'équivalence de l'aer avec le pneuma ; chez Anaximède la substance originelle est aer, chez Archelaus, Dieu est aer et noûs. Chez Anaxagore, le créateur du monde est Noûs, qui produit un tourbillon dans le chaos, et par là, provoque la séparation de l'éther et de l'air).
L'âme a été engloutie par la matière à l'exception de l'esprit (du noûs). Mais ce dernier est extérieur à l'homme : il est son démon. On aurait peine à mieux formuler son autonomie. Il semble bien être identique au dieu Anthropos : il apparaît au côté du démiurge mais est l'antagoniste des sphères planétaires. Il rompt le cercle des sphères et se penche vers la terre et l'eau (c'est-à-dire qu'il est sur le point de se projeter dans les éléments). Son ombre tombe sur la terre mais son image se réfléchit dans l'eau. Cette image enflamme l'amour des éléments et le reflet d'une divine beauté lui plaît tellement à lui-même qu'il désirerait s'installer à l'intérieur. Mais à peine est-il descendu que Physis l'enferme dans un embrassement passionné. De cette étreinte naissent les sept premiers êtres hermaphrodites. Ces sept sont une allusion évidente aux planètes et, par là, aux métaux .
Dans de telles images à caractère de visions (l'Anthropos aperçoit son reflet) s'exprime le phénomène inconscient de la projection d'un contenu autonome. Ces images mythiques sont ainsi semblables aux rêves, qui nous disent, d'une part, qu'une projection a eu lieu, et nous renseignent, d'autre part, sur ce qui a été projeté. . ce qui a été projeté c'est le démon divin Noûs (esprit), l'homme-dieu, le pneuma, etc. Dans la mesure où le point de me de la psychologie complexe est réaliste, c'est-à-dire basé sur l'hypothèse que les contenus de la psyché sont des réalités.. les figures.. nomm(ées)er caractérisent une partie inconsciente de la personnalité, à laquelle est attribuée une conscience supérieure, de même qu'une supériorité sur l'être humain ordinaire. L'expérience montre que le telles figures expriment toujours des qualités ou des intuitions supérieures qui ne sont pas encore conscientes et dont il est généralement problématique de dire si elles doivent être attribuées au moi, au sens propre du terme, ou non. Le problème de l'attribution, qui apparaît comme une subtilité gratuite au profane, revêt en pratique une grande importance. Une attribution inexacte peut provoquer de dangereuses inflations que le profane juge sans importance uniquement parce qu'il ne sait pas quels désastres intérieurs et extérieurs sont causés par l'inflation. (L'inflation, état de celui qui est « enflé », fait que l'on est pour ainsi dire « trop haut ». Cela peut conduire à des crises de vertige, ou à une tendance à tomber dans les escaliers, à se tordre les cheville, à buter sur les seuils et les chaises, etc. )
En fait, il s'agit ici d'un contenu qui, jusqu'à présent, ne fut que très rarement attribué à la personnalité humaine. La seule grande exception est le Christ. En tant que fils de l'homme et .. fils de Dieu, il incarne l'homme-dieu et en tant qu'incarnation du Logos, intervenue par la procréation pneumatique, il est un avatar du noûs divin.
Ainsi, la projection chrétienne se fait sur l'inconnu dans l'homme, ou sur l'homme inconnu, qui devient, par là, porteur du « mystère effrayant et inouï » . Par contre, la projection païenne va par-delà l'homme et frappe l'inconnu dans le monde matériel, la substance inconnue qui, comme l'homme élu, est en quelque sorte remplie de Dieu. Et, de même que, dans le christianisme, la divinité se cache sous la forme du valet, de même dans la « philosophie » se cache-t-elle dans la pierre chétive. Dans la projection chrétienne, la descente du Saint-Esprit s'arrête au corps vivant de l'Elu, qui est tout à la lois un véritable homme et un véritable Dieu ; en alchimie, par contre, la descente va jusque dans les ténèbres de la matière inanimée dont les couches inférieures sont gouvernées par le Mal. Le Mal et la matière forment ensemble la dyade (la dualité). Celle-ci est de nature féminine, une anima mundi (âme du monde), la féminine Physis qui désire ardemment l'étreinte de l'un, de la monade, du bon et parfait. P.389 . le haut du corps d'une vierge et le bas du corps d'un serpent (..Mélusine..). Par vengeance, elle combat le Pneurna parce que celui-ci, sous la forme du démiurge, deuxième forme de Dieu, l'a abandonnée perfidement. Elle est « l'âme divine enchaînée dans les éléments » qu'il s'agit de délivrer.


3. L'OUVRE DE RÉDEMPTION
. drame de la psyché humaine situé au-delà de notre conscience, l'homme est aussi bien celui qui doit être racheté que le rédempteur. La première formule estchrétienne, le seconde alchimique. Dans le premier cas, l'homme s'attribue à lui-même le besoin de rédemption et abandonne à la figure divine autonome l'accomplissement de la rédemption, le véritable ..combat, épreuve ou opus ; dans le second cas, l'homme prend sur lui le devoir d'accomplir l'ouvre rédempteur alors qu'il impute l'état de souffrance et, par la suite, le besoin de rédemption à l'anima mundi (âme du monde) enchaînée dans la matière.
Dans les deux cas la rédemption est un ouvre. Cet ouvre est, dans le cas du christianisme, la vie et la mort de l'homme-dieu qui, en tant que sacrifice unique, causent la réconciliation de l'homme, souffrant du besoin de rédemption et perdu dans la matière, avec Dieu. L'effet mystique du sacrifice de soi de l'homme-dieu s'étend, en premier lieu à tous les hommes quoiqu'il ne soit efficace que pour ceux qui se soumettent dans la foi ou qui sont élus par la grâce divine ; .. il s'étend aussi, en second lieu .. dans la créature non humaine en général qui, dans un état d'imperfection, attend la rédemption, comme l'homme simplement naturel. Par un phénomène de synchronicité, l'homme, porteur d'une des âmes tombées dans le monde (dans la chair) est relié en puissance à Dieu dès le moment où ce dernier, sous la forme du fils, descend en Marie (vierge-terre), qui représente ainsi la materia sous sa forme la plus élevée ; et il est en puissance pleinement racheté dès le moment où le fils éternel de Dieu retourne vers le Père, après avoir souffert l'immolation. P.393
L'idéologie de ce mysterium est anticipée dans les cycles de mythes d'Osiris, d'Orphée, de Dionysos, d'Hercule et dans la conception du messie chez les prophètes hébreux . (Chez Osiris, sa nature d'homme-dieu qui garantit l'immortalité humaine, sa nature de blé, son démembrement et sa résurrection ; chez Orphée, le domptage des passions, le pêcheur, le bon berger, le maître de sagesse, le déchirement ; chez Dionysos, son caractère de vin, les révélations extatiques, la symbolique du poisson, le démembrement et la résurrection ; chez Hercule, la soumission à Eurysthée et Omphale, l'ouvre difficile (principalement libérer de ses maux l'humanité tourmentée), la croix formée dans l'espace par ses voyages : les travaux 7 à 10 conduisent au sud, au nord, à l'est et à l'ouest, et les travaux 11 et 12 forment une verticale. ( « Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur » St Paul Eph.3 : 18), l'autoincinération et sa « sublimatio » à l'état divin.) Les anticipations remontent jusqu'aux mythes primitifs du héros dans lesquels la victoire remportée sur la mort joue déjà un rôle.
. Attis et Mithras. La projection chrétienne se distingue.. par la figure historique et personnelle de Jésus. L'événement mythique s'incarne en lui et entre ainsi dans le domaine de l'histoire du monde comme un événement historique et mystique unique.
. Pour ce qui est de l'exécution de cet ouvre entièrement métaphysique, l'homme ne peut rien faire de véritablement décisif. Il lève les yeux, plein de foi et de confiance vers son rédernpteur et s'efforce à l'imitatio (imitation) qui, cependant, ne va jamais assez loin pour que l'homme devienne le rédempteur, ou tout au moins son propre rédempteur.

..le pain transformé .. est le remède d'immortalité qui, lors de la communion révèle dans le croyant l'effet correspondant à sa nature : l'union du corps avec l'âme. Ceci se passe sous la forme d'une guérison de l'âme et d'une recréation du corps..
.. si Dieu lui-même daigna partager la nature humaine, alors l'homme peut s'estimer digne de participer à la nature divine. ..
. les paroles de la consécration.. transsubstantiation et libère.. les créatures que sont le pain et le vin de leur nature d'éléments imparfaits. Cette conception .. est alchimique. .. le catholique souligne la présence efficace du Christ, l'alchimiste s'intéresse au destin et à la rédemption manifeste des substances ; car l'âme divine est captive en elles et attend la rédemption. Pour l'alchimiste, ce n'est pas l'homme qui a, en premier lieu besoin de rédemption, mais la divinité qui est perdue et sommeille dans la matière. .. Il ne vise donc pas à sa propre rédemption.. mais à la libération de Dieu de l'obscurité de la matière. ..il bénéficie de son action salutaire, mais secondairement. .P.401
.
La substance qui recèle le secret divin est partout, y compris dans le corps humain. On peut l'avoir à bon marché et on la trouve partout ; on la trouve même dans l'ordure la plus répugnante ( « In stercore invenitur. »)
. le philosophe.. reconnaît maintenant comme son opus individuel. .. « Celui qui ouvre par l'esprit d'un autre et par l'entremise d'une main payée verra des résultats éloignés de la vérité. ». P.403


IV. - LA MATERIA PRIMA

1. DÉSIGNATIONS DE LA MATERIA
La base de l'opus est la materia prima qui .. représente la substance inconnue qui porte la projection du contenu psychique autonome. .. ne pouvait pas être spécifiée, parce que la projection émane de l'individu et est, par conséquent, différente dans chaque cas. . P.407


5.LE MYTHE DU HÉROS
. En s'enfonçant dans l'inconscient, la conscience se met dans une situation périlleuse, car elle s'éteint apparemment elle-même. Elle est dans la situation du héros primitif qui est dévoré par le dragon. Il s'agit d'une diminution ou d'une extinction de la conscience ; un tel abaissement du niveau mental est le « peril of the soul » (danger de l'âme) devant lequel le primitif éprouve la crainte la plus vive (c'est-à-dire la peur des esprits) ( La peur des esprits signifie, psychologiquement parlant, la subjugation de la conscience par les contenus autonomes de l'inconscient ). La provocation à dessein, de propos tout à fait délibéré, de cette situation est un sacrilège ou la violation du tabou, puni par les châtiments les plus sévères. . subjugués par l'inconscient .. sont à sa merci, sans secours ; . ils se sont volontairement livrés à la mort, pour faire naître une vie féconde dans cette région de la psyché qui jusque là se trouvait dans la plus obscure inconscience et dans 1'ombre de la mort.
.. la possibilité de la vie.. suggérée par le couple frère-soeur, l'opposition inconsciente entre eux doit être activée par l'intervention de la conscience, sans quoi elle demeurera latente. Mais cette entreprise est dangereuse.. P.429 . Arisleus court le danger de subir le destin de Thésée et de Pirithoos, qui furent retenus prisonniers aux rochers des Enfers. ce qui signifie que la conscience, s'avançant dans les régions inconnues de la psyché, est subjuguée par les forces archaïques de l'inconscient : répétition de l'événement cosmique de l'étreinte de Noûs et Physis. Le but de la descente dont le mythe du héros sert d'exemple universel montre que le « trésor difficile à atteindre » (bijou, vierge, élixir de vie, victoire sur la mort, etc.) se trouve dans cette région dangereuse (abîme marin, caverne, forêt, île, château, etc.)
La crainte et la résistance que tout homme naturel éprouve devant une descente trop profonde en lui-même sont, au fond, l'angoisse devant le voyage aux Enfers. Si l'on n'éprouvait que de la résistance, la chose ne serait pas si mauvaise. Mais, en réalité, il émane de l'arrière-plan psychique, précisément de cette région sombre et inconnue une attirance fascinante qui menace de devenir de plus en plus subjugante à mesure que l'on s'enfonce dans l'inconscient. Le danger psychologique qui survient ici est celui la désintégration de la personnalité en ses composantes fonctionnelles : fonctions de la conscience, complexes, facteurs héréditaires, etc. La désintégration qui arrive à Gabricus.. :il est décomposé en atomes dans le corps de Beya, ce qui correspond à l'une des formes de la mortificatio.
. Les contraires de l'inconscient restent latents aussi longtemps que la conscience s'abstient d'agir. Qu'ils soient activés par la conscience, et le regius filius (fils du roi), l'esprit, le logos, ou le Noûs est englouti par Physis, ce qui signifie que le corps et les organes qui le représentent l'emportent sur la conscience. Le mythe du héros connaît cet engloutissement dans le ventre de la baleine ou du dragon P. 433: il y règne généralement une telle chaleur que le héros en perd ses cheveux c'est-à-dire qu'il renaît chauve au monde, en tant que nourrisson. Cette chaleur est le ignis gehennalis (feu infernal).

6. LE TRÉSOR CACHÉ
. La substance dite « précieuse » existe en puissance dans ce chaos sous la forme d'une massa confusa des éléments unis . la raison humaine doit s'y appliquer .. de façon que notre cie1 puisse devenir réalité.
. la prima materia est le p1omb .. que l'on nomme aussi p1omb de l'air (ce qui lait allusion à l'opposé intérieur). A l'intérieur de ce p1omb se trouve la colombe blanche rayonnante, nommée « sel des métaux ». Elle est la reine de Saba, chaste, sage et riche, voilée de blanc, qui ne voulait se tonner qu'au roi Salomon.
.. Basile Valentin.. la terre(= prima materia) n'est pas un corps mort, mais elle est habitée par l'esprit qui est la vie et l'âme de la terre. Toute la création, y compris les minéraux, reçoit ses forces de l'esprit de la terre. Cet esprit est vie ; il est nourri par les étoiles, et il nourrit tous les êtres vivants qu'il abrite en son sein. .
.. Maier : par ses millions de révolutions autour de la terre, le soleil a filé l'or dans la terre. Le soleil a peu à peu imprimé son image dans la terre. C'est l'or. Le soleil est l'image de Dieu, le cour est l'image du soleil dans l'homme, de même que l'or est l'image soleil dans la terre.
Ripley .. on doit extraire le feu du chaos et le rendre visible. Ce feu est le Saint Esprit qui unit le père et le fils. I1 est souvent représenté sous les traits d'un vieillard ailé . Dieu a pétri ce feu dans la terre, tout comme le feu purgatoire de l'enfer. Et dans ce feu, Dieu lui-même rayonne d'amour divin. P.440

V. ~ LE PARALLÈLE LAPIS-CHRlSTUS

1.LA RÉNOVATION DE LA VIE
.un esprit est caché dans la prima materia, .. interprété comme étant le Saint-Esprit, l'ancienne tradition de Noûs englouti par les ténèbres lors de son étreinte avec Physis, avec cette seule différence que ce qui engloutit n'est pas le principe féminin par excellence, la terre, mais le Noûs sous la forme du Mercurius ou de l'ouroboros dont la tête mange la queue ; en d'autres termes, c'est un esprit chthonien, pour ainsi dire matériel, un hermaphrodite, qui a un aspect mâle-spirituel et un aspect femelle -corporel.
L'équivalent psychologique de ce thème est la projection d'un contenu inconscient hautement fascinant qui, pour cette raison, présente, comme tous les contenus semblables, un caractère numineux, « divin » ou « sacré ». L'alchimie se fixe pour tâche d'obtenir ce « trésor difficile à atteindre » et de le rendre visible. en même temps une activité psychique, qui peut être comparée.. à l'imagination active. Cette méthode nous permet d'obtenir une connaissance active de choses qui s'expriment aussi dans la vie onirique. Les rapports entre ces deux formes - rêve et imagination active- du processus d'irrigation de la conscience par l'inconscient . mêmes processus.. il s'agit du processus d'individuation.
.le lapis est trinus et unus .. Il se compose des quatre éléments, parmi lesquels le feu représente l'esprit caché dans la matière. Il est le quatrième, qui manque et qui cependant est là, et qui apparaît toujours à l'heure de la souffrance dans la fournaise ardente et représente la présence divine : l'aide et le parachèvement de l'ouvre. . P.443
.. Le rôle qu'Arisleus joue dans la maison de verre est totalement passif. L'action décisive vient du maître qui envoie son messager avec la nourriture de vie.
.. on ne peut recevoir la connaissance secrète que par inspiration divine. Si l'union des contraires, esprit et corps, exprimée par Thabritius et Beya, la mise à mort et la crémation dans la fournaise correspondent.. à l'offertoire de la messe.
.les fruits du sacrifice de la rnesse) dont parle l'Eglise ne sont pas identiques puisqu'on entend par là des effets moraux et autres, et non les substances consacrées qui
C'est ici que se séparent les deux voies. Le chrétien reçoit les fruits du sacrifice de la messe pour lui personnellement et pour les circonstances de sa vie dans le sens le plus large. L'alchimiste, au contraire, ne reçoit pas pour lui seulement les fructus arboris immortalis, mais en premier lieu pour le roi ou pour le fils du roi, pour la perfectio (achèvement, perfection) de la substance recherchée. Il prend part, il est vrai, à la perfectio qui lui apporte la santé, la richesse, l'illumination et le salut ; cependant, comme il n'est pas celui qui doit être racheté mais un rédempteur de Dieu, il se soucie en premier lieu du parachèvement de la substance..
L'alchimie tire un parallèle entre la substance recherchée, le lapis, et le Christ. Il ne s'agit pas d'une identification au sens propre du terme, mais plutôt du sicut .. herméneutique, qui caractérise l'analogie.

2. TÉMOIGNAGES À L'APPUI DE L'INTERPRÉTATION RELIGIEUSE DU LAPIS

a. Raymond Lulle
. considérer l'opus alchemicum.. les emprunts furent faits et refaits sans cesse à l'Eglise.. des éléments provenant de sources païennes plus particulièrement de sources gnostiques. . le christianisme été assimilé par le gnosticisme. .. un texte chinois, datant du milieu du IIe siècle, qui présente des similitudes fondamentales avec l'alchimie occidentale. .Codicille.P.455

Et de même que Jésus-Christ, de la maison de David, a pris la nature humaine pour la délivrance et la rédemption du genre humain, prisonnier du péché par suite la désobéissance d'Adam, de même aussi, dans notre art, ce qui est souillé criminellement par une chose est relevé, lavé et racheté de cette souillure autrement, et par la chose opposée.

b. Le « Tractatus aureus »
. attribué à Hermès et considéré au Moyen Age déjà comme de provenance arabe. dans ce texte, ce n'est pas un rédempteur, mais l'eau divine - aqua permanens.. « eau dérivée du soufre », qui détermine la résurrection des morts, ce dont la symbolique chrétienne de l'eau (.. l'esprit de vérité - baptême, eucharistie) représente un parallèle évident.

c. Zosime et la doctrine de l' Anthropos
. le fils de Dieu, chez Zosime, est un Christ gnostique. une sorte de paradigme de la sublimation, de la libération de l'âme hors de l'emprise d'Heimarmene. .. identique à Adam, qui est composé de la quaternité de quatre terres différentes. Il est l'Anthropos, le premier homme, qui est représenté symboliquement par les quatre éléments de même que par le lapis qui possède la même structure. . caractérisé par 1a croix dont les extrémités correspondent aux quatre points cardinaux. Ce motif est souvent remplacé par des voyages correspondants, comme ceux d'Osiris ; les travaux d'Hercule ; les voyages d'Hénoch, la peregrinatio symbolique aux quatre points cardinaux. P.471 . l'opus comme un voyage ou une aventure.. comme le voyage des Argonautes la recherche de l'aureum vellus (toison d'or). La campagne d'Alexandre .. se terminant par la découverte du tombeau d'Hermès. Près de celui-ci une cigogne (au lieu du phénix) perchée sur un arbre.
Adam correspond à Thoth, l'Hermès égyptien, l'homme intérieur spirituel d'Adam est nommé ..(Lumière). .
Prométhée et Epiméthée représentent l'homme intérieur et l'homme extérieur, comme Christ et Adam. La faculté de « devenir tout » qui est attribuée au fils de Dieu n'est pas seulement une propriété du pneuma, mais aussi du Mercurius alchimique dont on vante l'aptitude illimitée à se transformer. Il est la materia lapidis (substance de la pierre), c'est-à-dire la substance de transformation par excellence. On attribue également au mercure la faculté de pénétration. Il pénètre les corps comme un poison.
Antimimos, l'imitateur, le principe mauvais, apparaît comme antagoniste du fils de Dieu. P.473 Il se considère lui aussi comme fils de Dieu. Les contraires contenus dans la divinité sont ici nettement séparés. Nous rencontrons ce démon en beaucoup d'endroits sous les traits de 1'esprit qui contrefait. Il se trouve dans le corps de l'homme comme esprit des ténèbres et il contraint l'âme de l'homme à satisfaire tous ses penchants coupables. Le parallèle de cet antagonisme est la double nature du Mercurius, laquelle se manifeste la plupart du temps .. dans l'Ouroboros, le dragon qui se dévore, se féconde, se procrée, se tue et se ressuscite lui-même. Etant hermaphrodite, il se compose de contraires dont il est en même temps le symbole d'union. II est, d'une part, poison mortel, basilic et scorpion, et d'autre part, panacée et sauveur.
Zosime.. tire un parallèle entre le sens caché de l'opus et le mystère gnostique de la rédemption.

d. Petrus Bonus

e. L ' « Aurora cons ur gens » et la doctrine de la « Sapientia »
.
L'alchimie est, pour lui (l'auteur),absolument identique à la Sapientia Dei (Sagesse de Dieu) . .P.479
La sapientia austri (sagesse du Sud) .. est la sagesse du Saint-Esprit. .. la sapientia est la « regina Austri quae ab oriente dicitur venisse, ut aurora consurgens » .. (la reine du Sud venue, dit-on, de l'Orient, comme l'aurore qui se lève.) P.481
. une citation ( Rosarium philosophorum) tirée de l'Aurora. .. Dans le texte original il y a douze au lieu de sept étoiles. Ces sept se rapportent évidemment aux sept étoiles que tient dans la main droite celui qui est « comme un Fils d'homme ». Les sept étoiles de l'Apocalypse représentent les sept anges des sept Eglises et les sept esprits de Dieu. Le « sous-entendu » historique de ce nombre sept est l'antique assemblée des sept dieux .. passés plus tard dans les sept métaux de l'alchimie. Ce n'est que par la science.. qu'ils furent détrônés. Chez Paracelse les dieux trônent encore dans le mysterium magnum (grand mystère) de la prima materia en tant qu'archontes « pour leur propre malheur et le nôtre ».
Le texte original a.. douze étoiles qui se rapportent aux douze disciples et aux douze signes du zodiaque. Le serpent Agathodaimon sur les camées gnostiques porte aussi douze ou sept rayons autour de la tête. .. le nombre des apôtres correspond aux douze mois. Dans le système manichéen, le sauveur construit une roue cosmique comprenant douze godets (le zodiaque) et qui sert à l'élévation des âmes. P.483
Cette roue est en rapport étroit avec la rota (roue) l'opus circulatorium (ouvre circulaire) de l'alchimie qui poursuit le même but, à savoir : la sublimation.
Ripley dit que la roue doit être tournée par les quatre saisons et par les quatre points cardinaux. Ripley rattache ainsi ce symbole à celui de la peregrinatio et de la quaternité. La roue s'étend jusqu'à devenir la roue du soleil, qui roule dans les quartiers du ciel, et par là elle devient identique au héros ou au dieu soleil qui subit une passion faite de travaux difficiles et de l'auto-incinération, comme Hercule, ou de l'emprisonnement et du démembrement par le principe du mal, comme Osiris. Le char de feu sur lequel Elie monta au ciel est un parallèle bien connu du char d'Hélios. . « . : « Prends le serpent et place-le sur le char aux quatre roues et laisse-le retourner à la terre jusqu'à ce qu'il soit immergé dans les profondeurs de la mer et que l'on ne voie plus rien que la mer morte très noire. » L'image.. est.. celle du soleil s'enfonçant dans la mer. Le soleil a été remplacé par le serpent du Mercurius, c'est-à-dire de la substance qui doit être transformée. .
Le cercle que décrit le soleil est « la ligne qui revient sur elle-même » (semblable au serpent qui se mord la queue), dans laquelle.. on peut reconnaître Dieu. C'est « l'argile brillante» dont fut façonnée, « par la roue (rota) et la main du très haut et tout-puissant potier », cette substance terrestre dans laquelle les rayons du soleil sont rassemblés et retenus. Cette substance est l'or.
« Il y a, dans notre mercure, un soufre ardent ou .. un feu soufré. » P.487 Ce feu est une « semence spirituelle » que notre vierge a recueilli en elle, parce que la virginité immaculée permet un « amour spirituel ».


g. George Ripley

. chanoine.. table des correspondances. P.517 correspondance des sept métaux avec les substances chimiques et avec ce qu'elle appelle les « types ». .. les symboles alchimiques comme.. les teintures, les âges de la vie, les signes du zodiaque, etc. sept mystères parmi lesquels .. le Mystère de l'Autel, c'est-à-dire la messe, attribué à l'or, et dont la correspondance alchimique est la transmutatio (transmutation ). L'espèce de grain qui appartient à ce mystère est le triticum (froment) . . l'analogie entre l'opus et la messe avait aussi cours dans les cercles paracelsiens.
. (La pierre, semblable à un petit enfant doit être nourrie avec du lait virginal.)
. légende :
.i1 n'est dit nulle part directement que le lapis est le Christ ; mais les figures sacrées sont aisément reconnaissables dans les rôles du roi et de la mère vierge. . P.523
. Ripley appartenait à l'époque où Dieu et ses mystères habitaient encore la nature, et où le mystère de la rédemption se retrouvait à tous les niveaux de l'être, parce que, précisément, les phénomènes inconscients vivaient encore dans une participation paisible et paradisiaque avec la matière et pouvaient être vécus en elle.
.
La croyance de notre cuisinière est un vestige .. de cet esprit qui découvrait le drame de la rédemption à tous les niveaux de l'être et le retrouvait, par conséquent, dans les transformations les plus mystérieuses et les plus incompréhensibles de la matière.
. le roi malade qui était pourtant né parfait est l'homme qui souffre de stérilité spirituelle. Dans la vision d' Arisleus, c'est le pays qui est stérile parce que seul le semblable s'accouple au semblable au lieu que les opposés soient unis. .. rendre le pays fertile grâce à un inceste frère-sour. Chez Ripley, c'est un inceste mère-fils. Les deux formes sont courantes en alchimie et constituent le type même des noces royales. Cet accouplement endogame n'est rien d'autre qu'une variante de l'idée de l'Ouroboros qui, comme il est de nature hermaphrodite, ferme le cercle , par lui-même. . P.525
La gestation dans le cerveau .. désigne des contenus psychiques, plus exactement une paire d'opposés psychiques qui peut devenir féconde d'elle-même. Mais jusque-là, le roi n'a .. pas permis à ses enfants de procréer, puisqu'il réprimait les manifestations de leur vitalité ou n'y faisait pas attention. Il semble qu'il ait été inconscient de l'existence de ses enfants et que ce n'est que sur le conseil des philosophes qu'il soit devenu conscient de leur signification. C'est la projection de contenus inconscients qui porte la responsabilité de la stérilité, car ceux-ci ne peuvent ni se développer, ni obtenir la « rédemption » s'ils ne sont pas intégrés par la conscience. Le couple frère-sour représente l'inconscient ou un contenu essentiel de celui-ci. Le psychologue .. aurait donné au roi le conseil de se souvenir de l'existence de son inconscient et ainsi de mettre un terme à sa stagnation. Comme cela se produit toujours en pareil cas, une opposition, un conflit pénible apparaît ensuite à la surface, et l'on comprend sans difficulté pourquoi le roi a préféré rester inconscient de son conflit. Comme le conflit n'est jamais exempt de complications morales, il est - de ce point de vue- parfaitement exprimé par l'inceste, moralement choquant. . l'inceste avec la mère est, bien entendu, déguisé et prend la forme du rite antique de l'adoption ; mais la mère n'en devient pas moins enceinte. L'invisibilité du roi sous la robe de la mère correspond à la dissolution totale de Gabricus dans le corps de Beya,.P.527
Le roi représente la conscience dominatrice qui, au cours de son explication avec l'inconscient, est engloutie par ce dernier ; ainsi naît la nigredo ( état de ténèbres qui conduira finalement une réjuvénescence et à une nouvelle naissance du roi.
. le roi a été « nourri sous les ailes du soleil ».. passage de Malachie.. adoration du Christ en tant qu'Hélios ou que Sol . « Les ailes du soleil » (Les plumes du phénix et d'autres oiseaux jouent un grand rôle dans l'alchimie.) . symbole égyptien du soleil. Celui qui est nourri par ce soleil est le fils de Dieu, c'est-à-dire le roi.
. le roi malade doit être guéri par une espèce particulière. .. élixir de vie. P.529
L'arbre par lequel il doit renaître est d'une part la croix du Christ et, d'autre part, l'arbre immortel porteur des fruits faiseurs de miracles . La nourriture de la mère pendant la grossesse est composée de chair de paon et de sang. Le paon est un symbole chrétien primitif du rédempteur ; . le paon est un proche parent du phénix, symbole du Christ. Le sang provient du lion vert qui est couché sur le giron de la vierge ; il coule de la blessure qu'il a au côté. (La blessure du lion désigne son sacrifice et sa mortification au cours du processus. Il est quelque fois représenté mutilé, les pattes arrachées.) Il s'agit donc bien de la symbolique de la communion et de la blessure au côté Christ gisant dans le giron de la Pietà. Le lion vert est l'une des formes du Mercurius.
En tant que dispensatrice de la nouvelle naissance, la mère est identique à l'arbre. . l'arbre est représenté sous les traits d'une vierge nue portant couronne. . l'arbre philosophique est un symbole .. qui désigne le processus philosophique. . l'arbre du Christ, il identifie l'arbre miraculeux à la croix du Christ.
Le processus se termine par une apothéose de la vierge mère. .. assomption de la bienheureuse Vierge Marie Après sa mort, par un miracle divin, son corps et son âme furent réunis et furent attirés au ciel ensemble. .. dogme. .. Marie est désignée comme .. « terre », « corps », « qui devint la joie des vierges » ; la colombe descend sur elle.. Elle est couronnée. .. en elle la substance de la terre, transfigurée en son corps ressuscité, est élevée à la divinité. .. libération du rebis de la prima materia. (.. poisson sorti de la mer..) P.531
Ripley définit son roi comme un triomphateur, guérisseur de tous les malades et rédempteur de tous les péchés. . image du Christ ressuscité ..

h. Les épigones

. début de sa décadence, puisque le mystique fut de plus en plus nettement séparé du physique.. L'âge de la science et de la technique se levait, et l'attitude introspective du Moyen Age approchait de son déclin. .
La symbolique picturale .. n'aida en rien à l'éclaircissement du mystère .. contribua largement à la dévalorisation de ce mystère aux yeux du profane, et par là, à la ruine de la sagesse hermétique. P.533
.. nous commençons à comprendre.. tout ce que la culture spirituelle de l'Europe a ainsi perdu. Heureusement, la perte n'est pas irrémédiable..
.
En tant qu'anima mundi.
.
.. le conflit chaotique des éléments est remplacé, dans le lapis, par leur cohésion réciproque la plus intime, et c'est précisément ce qui rend la pierre incorruptible ; .. le lapis a la même action que le sang du rédempteur ..
.
. la pierre d'angle rejetée (lapis angularis = Christ) « s'accorde avec la pierre philosophale terrestre et corporelle, et lui correspond parfaitement de façon subtile. « combien la pierre philosophale terrestre est une véritable Harmonia, Contrafactur (réplique) et Modèle de la vraie pierre spirituelle et céleste, Jésus.Christ ». .
Le but ultime de l'alchimie apparaît .. : elle cherchait à produire un corpus subtile ( corps subtile) , le corps transfiguré de la résurrection, c'est-à-dire un corps qui fût en même temps esprit. P.539 . l'alchimie chinoise .. « corps de diamant », c'est-à-dire de l'immoralité, que l'on atteint par la transformation du corps. Le diamant, sa transparence, ses feux et sa dureté est un excellent symbole. . pas trouvé de meilleur remède que la pierre philosophale, noble et bénie, nommée ainsi à cause de sa dureté, de sa transparence et de sa couleur de rubis.
.
. vision gnostique de Noûs prisonnier de l'étreinte de Physis. Mais le philosophe qui, autrefois, semblable à Hercule, descendit dans les ténèbres de l'Achéron pour accomplir un opus divin, est devenu ici un homme de laboratoire. il a perdu de vue le but élevé de la mystique et s'efforce maintenant de trouver une boisson tonique qui « maintient le corps et l'âme ensemble ». conversion à l'influence toute puissante de Paracelse.. ancêtre de la pensée médicale moderne. .
. si l'homme n'accepte pas ce qu'il a rejeté, cela lui retombera dessus au moment où il voudra s'élever.
. la raison d'être des sociétés secrètes est de sauvegarder un mystère qui a perdu sa vitalité et qui, par suite, ne peut encore être conservé en vie que d'une manière formelle. MichaeI Maier .. confesse qu'au cours de sa grande peregrinatio il n'a trouvé ni le Mercurius, ni le phénix, mais seulement une plume du phénix. .
(de ) l'achimie .. il reste ..quelque chose de fascinant qui jamais ne disparut complètement, même lorsqu'il s'enveloppa du fol accoutrement de la farication de l'or. P.543

VI. - LA SYMBOLIQUE ALCHIMIQUE DANS L'HISTOIRE DES RELIGIONS

1. L'INCONSCIENT, MATRICE DES SYMBOLES

. Elle ne perdit cependant jamais un certain pouvoir de fascination. Une symbolique aussi riche que celle de l'alchimie doit toujours son existence à une raison suffisante, et jamais au simple caprice ou jeu de l'imagination. En elle s'exprime à tout le moins une part essentielle de la psyché. Mais cette psyché est inconnue ; c'est pourquoi elle a été nommée, avec raison, l'inconscient. Bien qu'il n'y ait point de prima materia qui soit à l'origine - au sens matérialiste de l'expression - de tout ce qui existe, il n'en reste pas moins que rien de ce qui existe ne pourrait être discerné, s'il n'y avait pas une psyché pour discerner. Ce n'est que par la vertu de l'existence psychique que l' « Etre » nous est donné. Cependant, la conscience n'appréhende qu'une partie de sa propre nature. Bien que la conscience succombe toujours à l'illusion qui lui fait croire qu'elle naît d'elle-même, la connaissance scientifique sait que toute conscience repose sur des prémisses inconscientes. la prima materia provient de la montagne dans laquelle il n 'y a pas de distinctions, .. elle est « née d'une chose et non de choses séparées, ni de choses discernantes ou discernées ». P.545
. ? trouve la prima 1nateria dans la n10ntagne où tout est sens dessus dessous, c
De tels propos sont des intuitions de la nature para, doxale de l'inconscient que l'on ne savait où situer hormis dans l'aspect inconnu de l'objet, qu'il s'agisse de la matière ou de l'homme. 'aptitude de la prima mate ria 11e-même, soit à son essence, l'anima (âme ). On désignait celle-ci du nom de « Mercurius », et on la conevait comme un être double paradoxal que l'on nommait monstrum, h~rmaphroditus, ou rebis ( cf. ,e parallèle lapis. Christus établit une analogie entre la substance transformante et le Christ . P.547

2. LE PARADIGME DE LA LICORNE

a. Le thème de la licorne en alchimie
.être fabuleux aux multiples formes. On trouve ainsi des chevaux, des ânes, des poissons, des dragons, etc. , tous unicornes. . thème de l'unicorne. . L'unicorne, comme le lion, est un symbole du Mercurius. .. la licorne se transforme en colombe blanche, autre symbole du Mercurius, dont la forme volatile, le spiritus .. est un parallèle du Saint Esprit. . le cerf qui fuit.. est également un symbole du Mercurius.
. la licorne, de même que le lion, l'aigle et le dragon est associée à l'or. L'aurum non vulgi de même que le lion ,(.. la 1icorne .. « cet animal est aussi fort, sauvage et cruel que le lion ». .. lycornu dérive .. de « lion» (lyon).) l'aigle et le dragon (I1y a beaucoup de points communs entre la licorne et le dragon qui, animal du monde inférieur, vit dans des gorges et des cavernes ; les licornes « se cachent et demeurent dans les solitudes des hautes montagnes, dans les plus profondes et les plus obscures cavernes et les tanières des bêtes sauvages, parmi les crapauds et antres reptiles sales et repoussants).
. « Mais le lion vert était couché dans son giron et du sang coulait de son côté. » Cette image fait allusion, d'une part, à la représentation bien connue de la Pietà et, d'autre part, à la licorne blessée par le chasseur et surprise dans le giron de la Vierge . La Vierge représente l'aspect féminin passif du Mercurius, tandis que la licorne et le lion symbolisent la force sauvage, indomptée, masculine et pénétrante du spiritus mercurialis .. L'utilisation du symbole de l'unicorne comme allégorie du Christ et du Saint. Esprit. l'analogie, l'identité même du Mercurius et du Christ. P.551

b. La licorne dans l'allégorique ecclésiastique

.Psaumes, où l'unicorne représente en premier lieu la puissance de Dieu . La puissance du mal est aussi comparée à la force de l'unicorne. la corne du rhinocéros symbolise la félicité, la force et la santé du béni . P.553
. la comparaison avec la licorne exprime l'unicité de l'Uni-genitus (fils unique) , .. allégorie pour exprimer l'indépendance intrépide du .. moine..
.. L'origine de l'unicorne est un mystère, tout comme la procréation du Christ... Le Dieu courroucé et avide de vengeance, fait prisonnier par l'amour, s'est apaisé dans le giron de la Vierge. (.. La force de Dieu est semblable à celle du rhinocéros, Exode 15. La licorne n'admet pas de compagnon dans son antre. La corne de la licorne agit comme alexipharmaque, parce qu'elle chasse le poison de l'eau.. allégoriquement allusion au baptême du Christ.. à la consécration de l'eau baptismale) P.557
. domptage du lion et du dragon .. transformation du Dieu de l'Ancien Testament en Dieu d'amour dans le Nouveau Testament.
.
. Tabula smaragdina un « fils » d'une force prodigieuse descend dans les profondeurs de la terre et pénètre tous les solides. Ce n'est pas qu'en astrologie que la Vierge est un signe de terre. elle symbolise la terre .
. la licorne n'a pas qu'une seule signification. Elle peut aussi symboliser le mal. . animal rapide à la course, qu'elle n'a qu'une corne, et qu'elle est mal disposée à l'égard des hommes.
Comme elle fut dès l'origine un animal fabuleux et monstrueux, la licorne renferme une opposition intérieure, une coniunctio oppositorum (union des contraires) ; c'est ce qui en ait un symbole particulièrement propre à exprimer le monstrum hermaphroditum .

c. La licorne dans le gnosticisme

. le serpent (naas) demeure en toute chose et en toute créature. . P.563
Chaque sanctuaire, .. chaque initiation et chaque mystère est consacré au serpent. .. Il est le père de l'accomplissement du monde entier. achèvement, accomplissement, au sens alchimique de perfectionnement et de maturation des corpora imperfecta ( corps imparfaits) aussi bien que de l'adepte lui-même.

. aucune des créatures immortelles ou mortelles animées ou inanimées n'existerait sans lui.

Cette définition du serpent concorde avec celle du Mercurius alchimique qui est également une eau, l' « eau divine », l'eau perpétuelle, l'humide,.. et l'esprit de vie .. qui n'habite pas seulement les êtres vivants, mais, en tant qu'âme du monde est aussi immanent en toutes choses. .
Le serpent est aussi, comme la corne de la licorne, un alexipharmaque et, de plus le principe qui amène toutes choses à la maturité et à la perfection. P.565.. Mercurius. .. substance transformante par excellence, et lui aussi fait mûrir et parfait les corps qui ne sont pas mûrs ou les corps imparfaits. . le salvator ( sauveur) et le servator
(libérateur). « Le serpent pénètre tout,.. puisqu'il naît pour ainsi dire d'Eden et se divise en quatre élément. » .. pensée fondamentale de l'alchimie que tout naisse de l'Un. cet Un se divise et donne naissance aux quatre éléments puis se recompose pour donner l'unité. La prima materia est appelée entre autres « terre paradisiaque » qu'Adam aurait emportée lors de son expulsion.

d. Le scarabée unicorne

.il est consacré au Mercurius comme l'ibis. . unigena être né de lui-même. Chez Paracelse, la prima materia est un increatum (incréé) et dans toute l'alchimie, sous la forme du Mercurius, du serpent.. ou du dragon.., elle est bisexuelle, de plus elle se féconde et s'enfante elle-même. L'unicus filius ( fils unique) .. la pierre. . le scarabée subit le même démembrement que le dragon, c'est-à-dire la separatio elementorum (séparation des éléments) . vision.. d'un homme qui était mort et dont le corps était cependant tout blanc, comme un sel, dont les membres étaient séparés et dont la tête était d'or pur, mais détachée du corps ». » La tête d'or se rapporte .. à celle d'Osiris .

e. La licorne dans les Védas

Le poisson de Manu semble avoir été unicorne.. incarnation de Vishnu alors que Manu signifie homme et correspond à bien des égards à l'Anthropos.. il est le père de l'humanité. Il descend directement de la divinité . Il est un homme-dieu, assimilé à Prajapati, . fondateur de l'ordre social et moral, le premier sacrificateur et le premier prêtre. ..père de la médecine. .. Seigneur de l'âge d'or. Ainsi la corne se trouve ici en rapport avec un personnage qui, tant par le nom que par le caractère, a de profondes affinités avec l' Anthropos. . P.573

f. La licorne en Perse

.
Le monstre est évidemment basé sur le nombre trois. Par son aspect d'âne, il rappelle l'onagre indien .. mais, en tant qu'être cosmologique, il rappelle les personnifications de la prima materia sous forme de monstres. Livre d'Ostanès, . monstre .. avec des ailes de vautour, une tête d'éléphant et une queue de dragon, qui donne à l'adepte la clé de la maison au trésor. .
L'âne et l'arbre sont .. analogues ; ils représentent tous deux la force de la vie, la procréation et de la guérison. C'est là une authentique équation primitive : tous deux sont ou possèdent le mana. .
Le monstre et l'arbre représentent tous deux .. l'élixir, l'alexipharmaque et la panacée. La propriété qu'a l'arbre de se transformer en n'importe quel être vivant est aussi attribuée au Mercurius qui peut revêtir toutes les formes. L'âne est un daemon triunus (divinité triple) , une trinité chthonienne que l'alchimie latine représente comme un monstres à trois têtes et identifie avec le Mercurius, le sel et le soufre . P.579

g. La licorne dans la tradition judaïque

.la licorne échappa au déluge. Og .. (descendant de l'un des anges déchus.)
Il n'est pas impossible qu'il existe une relation intérieure entre Og et la licorne : tous deux échappent au déluge en étant accrochés à l'extérieur de l'arche et tout deux sont gigantesques. . la licorne est comparée au mont Tabor, et Og est lui aussi associé à une montagne. la licorne est une montagne et est menacée par un lion ; .Og est tué par Moïse, le « serviteur de Yahvé », qui est.. comparé au lion.
. comme dans les armes royales d'Angleterre, le lion et la licorne sont réunis. Tous deux sont des symboles du Mercurius en alchimie, .. sont des allégories du Christ dans le langage de l'Eglise. Le lion et la licorne expriment la tension entre les contraires à l'intérieur du Mercurius. Le lion est proche du dragon parce qu'il est un animal dangereux. Le dragon doit être tué ; le lion a pour le moins les pattes tranchées. La licorne doit aussi être apprivoisée. Elle a, en tant que monstre, une plus grande symbolique et est d'un caractère plus spirituel que le lion. Mais.. ce dernier peut quelquefois prendre la place de la licorne. Les deux êtres gigantesques que sont Og et la licorne rappellent quelque peu Behemoth et le Léviathan, les deux manifestations de Yahvé. Tous les quatre sont des personnifications des forces démoniaques de la nature, de même que l'âne unicorne. La puissance de la divinité ne se révèle pas que dans l'esprit mais dans la bestialité sauvage de la nature à l'intérieur et à l'extérieur de l'homme. La divinité est ambivalente tant que l'homme se situe dans le contexte de la nature. L'interprétation de Dieu comme le summum bonum (souverain bien, bien suprême) est évidemment contra naturam .. d'où le paganisme secret de l'alchimie que révèle l'ambivalence du Mercurius. A l'opposé de cette dernière, l'androgynie du Christ n'est conçue que sur le plan spirituel et symbolique et, par là, hors du contexte naturel. Mais l'existence d'un opposé, le « Seigneur de ce monde » trahit la polarité de la divinité révélée dans le fils, polarité qui s'exprime dans l'androgynie du fils.

h. La licorne en Chine

.i1 y a quatre animaux bienveillants ou spirituels : la licorne, le phénix, la tortue et le dragon. . P.587
. Si on la blesse, c'est un mauvais présage. . est remarquable que la licorne mâle soit appelée K'i, la femelle Lin, de sorte que le terme générique est formé par l'union des deux carac'ar suite, la licorne est dotée d'une certaine androgynie. Son rapport avec le phénix et le dragon se retrouve aussi en alchimie où le dragon représente la forme inférieure du Mercurius alors que le phénix représente, lui, la forme supérieure.
. la corne du rhinocéros est un alexipharmaque, un contrepoison. lorsqu'un serpent a empoisonné l'eau de l'abreuvoir, les animaux, remarquant le poison, attendent que la licorne soit allée dans l'eau « car sa corne est un symbole de la croix », et, en buvant, elle fait disparaître la force du poison.

i. La Coupe de licorne

La coupe qui guérit n'est pas sans rapport avec la « coupe de salut », le calice eucharistique, et avec la coupe utilisée en divination. . « La corne de licorne préserve des sortilèges ». Géryon, le géant à trois corps, est appelé « corne céleste de la lune » .. i1 aussi le « Jourdain », « l'être hermaphrodite présent dans toutes les créatures », qui « fit toutes choses ». P.589.
.. l'être hermaphrodite qui est identique au Logos johannique. « Le troisième et le quatrième » sont l'eau et la terre. Pour l'alchimiste, ces deux éléments forment la partie inférieure du monde dans la cornue. .. l'eau représente le contenu, et la terre le contenant, c'est-à-dire la coupe elle-même. .
Le mystère de la coupe est aussi le mystère de la corne, qui, à son tour, est l'essence de la licorne, symbole de force, de santé et de vie. .
La corne, en tant que signe de vigueur et de force, a un caractère masculin ; mais elle est en même temps une coupe, qui, en tant que contenant, est féminine. C'est ainsi un « symbole unificateur » qui exprime la polarité de l'archétype. P.593

ÉPILOGUE

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.. tant qu'un contenu demeure à l'état de projection, il est inaccessible, .. Mais le bénéfice n'est que plus grand en ce qui concerne la symbolique, symbolique étroitement liée au « processus d'individuation ».
.. l'alchimie,.. a joué un rôle considérable au Moyen Age .. une volumineuse littérature, .. une influence d'une grande portée sur la vie spirituelle .
. nous entrevoyons cette psyché humaine sous-jacente qui, au contraire de la conscience, se transforme à peine au cours des siècles, et où une vérité vieille de deux mille ans est encore la vérité d'aujourd'hui, vivante et active. Nous y trouvons aussi ces faits psychiques fondamentaux qui sont restés les mêmes.. Vus sous cet angle, les temps modernes et le présent apparaissent comme des épisodes d'un drame. Ce drame est une Aurora consurgens ( aurore qui se lève) - la naissance de la conscience dans l'humanité.
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Du fait du caractère impersonnel, purement objectif, de la matière, ce sont les archétypes, impersonnels et collectifs, qui sont projetés ; en premier lieu,.. , c'est l'image de l'esprit prisonnier dans les ténèbres du monde - ou, en d'autres termes, le besoin de rédemption, condition de relative inconscience ressentie comme pénible - que l'homme reconnaît dans le miroir de la matière et qu'il confronte et manipule, par suite, dans la matière. Comme la condition psychologique d'un contenu inconscient est celle de réalité potentielle, caractérisée par la paire d'opposés être- non être, l'union des opposés joue un rôle prépondérant dans le processus alchimique. Le résultat a valeur de symbole unificateur qui a, généralement, un caractère numineux. L'opus chrétien est un operari ( operari = offrir un sacrifice) de celui qui a besoin de rédemption, en l'honneur du Dieu réd.rs que l'opus alchimique est l'effort de l'homme rédempteur en favelIr de l'âme divine dq dort dans la matière, et qui attend la rédemption. L « chrétien gagne les fruits de la grâce ex alchimiste crée pour lui. Même ex opere open « remède de la vie » qui la base, il s'agit de La paire d'opposés collectivité. Individu ou société.personnalité. Ce problème est moderne, dans la mesure )ù il a fallu l'hypertrophie de la vie collective et l'entassement inom des masses en troupeaux, tel qu'on le voit à notre époque, pour que l'individu prenne rlce de son étouffement dans les structures de la masse organisée. L~ ; « 'nage de notre époque de l'a une conscience au moins ernhryoPs le masque d'un in.]ividualisme névrotique.
R tournant historique, dans le Faust de Goethe, qui .u lieu de le reconnaître, il de. vient lui-même un personnage du drame. L'immixtion subjective de Faust a le désavantage de laisser échap. Per Je véritable htlt dtl processtlS, ln prodtlctioJ1 de l'incorruptible. Au lieu J(, (~e réF)ri()11 CSt. :OllSUlllé dans sa flamme propre, 1 ni qui, cependant, devait être le f ils des philosoph es) et précisément incorruptible et incombustible archétype, à sa première apparition et aussi long. Temps qu'il demeure inconscient, saisit à proprement parler l'homme dans sa totalité et à'amene a Vivre le rôle correspondant. C 'est pourquoi Faust ne peut s'empêcher de supplanter Pâris auprès d'Hélène et les autres « naissances » et formes de rajeunissement, comme l'enfant conducteur de char et l'homunculus, échouent par la faute de cette même convoitise. C' ,robablement là la raison profonde pour laquelle le rajeunissement définitif n'a lieu qu'après la mort, c'est-à-dire est projeté dans le futur. Est-ce une simple : :oïncidence si Faust, sous sa forme parfaite, porte un
:n s'identifiant à Pâris, Faust ramène la coniunctio (union) de son état de projection dans la sphère de l'expérience psychologique personnelle, et, ainsi. Dans la consci'\ décisif ne signifie rier moins que la solution de l'énigme alchimique et aussi, par suite, .la rédemption d'une partie de la personnalité restée inconsciente jusque. Là. Ce )cndant, tout éI( :crOIssement de la conscience porte en lui le danger ,le l'inflation, ainsi que l'exprime très clairement l'aspect Jf' « surhomme » de Faust. L. a lilort de Faust, st loin d'être une repollse s3us :naissance et ]a transformation qui suivent la conilmctio (union) vont se per. Re dans l'au-delà, c'est-à.dire dans l'inconscient. Il ohlème ( Nietzsche repritarathoustra : celui de la transformation en surhomme. Malheureusement, il 8itua ce dernier dan8 la plus dangereuse proximité de l'homme d'ici-bas. Par là il réveillait inévitablement le ressentiment antichrétien, car son surhomme est une hybris de la conscience individuelle, qui se heurte immédiatement et nécessairement à la force collective du christianisme et conduit à la destruction catastrophi que de l'individu. On sait à quel point et dans t quelle réponse la génération suivante e à l'indi. vidualisme du surl ;chéen ? Elle répondit par un collectivisme, une orga~ctiviste et un entas6~ment de masses, tam ethice quam physice, dépassant tout ce qu'on sqtle-là. Etouffement de la personnalité, d'une part, et un christianisme impuitre mortellement blessé, d'autre part : tel
e péché de Faust était on avec ce qui evait être transformé et qui avait été transformé. L'erreur de Nietzsche fut l'identification avec le sur. Lomme Zarathoustra, a de la personnalité parvenant à la conscience. Car peut-on parler de ZaraN'est-il pas le surhumain, ce que l'homme n'est pas,
)ans sa poursi du surhumain. Orovoque le meurtre de Philémon et Baucis. M
n un certai]rIciens alchimistes étaient ; près de la vérité de l'âme lorsqu'ils s'efforçaient de libérer l'esprit ardent des éléments chimiques . raitaient le mysterium comme s'il s'était trouvé au cour de la nature obscure et silencieuse. N ait encore en dehors d'eux. ltion de la conscience vers un niveau supt tôt ou tard mettre un terme à la projection et restituer à la psyché Ce fui était psychi,e commencement. Cepenlit devenue la psyché ? lIe avait été idt :onscience, elle était « ce que je sais ». Il n'y avait d'autre psyché que le moi. Par suite, il était inévitable que le moi s'identifiât aux contenus provenant du retrait des projections. L volu le temps où, pour sa plus grande par. Tie, la psyché était encore « à l'extérieur des corps» et imaginait ces maiora ( ces choses plus grandes) que le corps ne pouvait pas saisir. 1 es contenus jadis pro. Jetés ne pouvaient donc apparaître que comme appartenant en propre à la personne, comme les phantasm~s chimériques d'un moi conscient. L e feu se refroidit en air, et l'air devi Zarathoustra et provoIua une inflation de la conscience q1 Ii ne pouvait mllnjfestement être réprimée que par les plus redou. Table~ des catastrophes qui puissent frapper une civilisation, précisément pa que les dieux envoyèrent sur l'humanité inhospitalière. Ine conscience souffrant d'inflation est toujours égocentrique et n'est consciente que de sa propre présen ce. Elle est incapable de tirer la leçon du passé, incapable de comprendre les événements contemporams et incapable de tirer des conclusions valables pour le futur. Elle est hypnotisée par elle- même et c'est pourquoi il est impossible de s'en faire entendre. Par suite, elle est condamnée à des catastrophes qui rent la fra pper à mort. Assez paradoxalement, l'inflation est une perte de conscience et une rechute dans l'inconscience. Le cas se produit lorsque la consci en ce s'attribue des contenus de l'inconscient et perd la faculté de discrimination, condition sine qua non de toute conscience. Alors même que le destin joua ne guerre que personne ne voulait - peI ainsi dire ne se demanda qui avait véritablement provoqué la guerre 'ersonne ne se rendit clEuropéen était poS8édé par quelque chose qui le privait de tout libre ar état de possession et d'inconscience persistera, inébranlable, jusqu'à ce qu'un jour l'Européen « s'effraie de sa ressemblance à Dieu ». Cette métamorphose ne peut partir que de l'individu ; car les masses sont des bêtes aveugles, y a des contenus qui, pour le moins, n'appartiennent pas au moi, mais doivent être attribués à un non. Moi psychique. Cette opération doit toujours être entreprise Iorsqn'on vent éviter une nflation menaçante. Pc )ur ce faire nous disposons d. rchétypes) lue j'on peut considérer comme des remèdcs pour es hommes et les temps. Il el n 'y a rien ans ce que nous y trouvons qui puisse être proposé masse, mais seulement quelque chose de cac 1. Que l'on peut se proposer à soi. Même dans la solitude t le silence. E ut mal disparaît [)rsque nonus logés à la même Cl1seigIle. Aucun dout(ister dans le troupeau ; plus grande est la masse, meilleure est sa vérité - mais )Ius grandes aussi les catastrophes.
E que nous pouvre de nos paradigmes, c'est avant tout que la psyché renferme des contenus, ou est soumise à des influences, dont l'assimilation : :omporte les plus grands dangers. Puisque les anciens :épudier la prétention arrogante Je la conscience à être la totalité de la psyché et d'admettre que cette )bscurantiste est bie : lui dont la conscienencore suffisamment développée pour qu'il soit conscient de son ignorance. J, spoir des alchjmistes de tirer l'or le, la panacée, ou L : pierre mira. Cul eu se de la matière, , est une illusion lais, d'autre part, correspond àits psychiques Il chimiste projette ce que j'ai appelé le « pro. Ces sus d'individuation » dans les ; de transformation chimique. Utj : individuation » ne signifie en aucune façon lJu'il s'agit d'un état de faits connu et définitivement tiré au clair3. Il dJ désigne seulement un domaine de recherche jusqu'à maintenant très obscur et qui a bien besoin d'être e :ui des processus de centralisation formateurs de la personnalité dans l'inconscient. Il E' ,'agit de processus vitaux qui, du fait de leur caractère numinrout temps constitué le stimulant le plus important à la formatiol1 de symbo]c~. F rocessus sont mystérieux, d ; osent une énigme à l'entendtin, énigme que c' efforcera.. enco re en vain, de résoudre. Car, en 1er ni ère analyse, on peut douter que la raison soit l'jn~trmncnt qui convienne à cette recherche. Ce « art », se] processus créateurs que l'intellect peut décrire, mais que seule l'expérience vécue peut réellement saisir. )échirez vos livres, ?our év~ter que ne soient déchirés vos cours ) , 8t bien l'expérience vécue, et non les conduit il la compréhension .. 608