Premier cours INTRODUCTION
Fig.1 La montagne des adeptes. Le développement psychologique est un processus analogue aux diverses étapes de la transformation alchimique de la matière première en or, ou en pierre des philosophes, représentée ici comme un « temple des sages » enfoui dans la terre. Le phénix, qui symbolise le renouveau de la personnalité, se tient campé sur le soleil et la lune (le couple d'opposés masculin et féminin). A l'arrière-plan, le zodiaque révèle que le processus s'inscrit dans la durée ; les quatre éléments représentent la totalité. L'homme aux yeux bandés fait comprendre que la recherche de la vérité ne va pas sans trébuchements. L'attitude correcte se manifeste sous les traits du chercheur qui est prêt à suivre ses instincts naturels.
Fig.2 L'aigle en tant que symbole de l'esprit. Selon Jung, les alchimistes voyaient en lui l'ensemble des facultés mentales les plus élevées telles que la raison, l'intelligence et le discernement moral.
. Une patiente, rêva qu'un aigle volait haut dans le ciel puis, tournant soudain sa tête, commençait à manger ses propres ailes et se laissait retomber sur terre. . voir en lui l'esprit s'élevant très haut, l'oiseau pensée, pour ainsi dire. Le rêve indiquait une sorte d'énantiodromie, le renversement d'une situation psychique. (Lorsqu'une composante de la réalité est vécue de manière trop unilatérale, il se produit une énantiodromie, un renversement, qui tend à ramener le pôle opposé oublié au premier plan.) Jung n'en fut pas moins très saisi par ce thème qu'il reconnut instantanément comme étant archétypique . un jour Jung découvrit le RipIey Scroll. Ce manuscrit contient une série d'images .. qui décrivent le processus alchimique. P.13 L'une d'elles montre un aigle à tête de roi qui se retourne mange ses propres ailes.
. pourquoi le symbolisme alchimique est plus étroitement relié aux produits de l'inconscient émis par un grand nombre de contemporains que tout autre matériel. Pourquoi ne suffit-il pas d'étudier la mythologie comparative, les contes de fées et l'histoire des religions ?
. nous avons chaque fois affaire à des matériaux élaborés dans une collectivité et transmis par une tradition plus ou moins organisée. . Des symboles élaborés tirent leur origine de l'inconscient, mais ils sont ensuite façonnés par la tradition, à travers elle. On ne cesse de voir que, dès qu'un être fait une expérience immédiate et originale des symboles de l'inconscient, il se met ensuite à travailler sur eux.
Ex. Saint Nicolas de Flue . P.15
. Ainsi, lorsque des expériences originales sont transmises, une sélection s'opère, et les éléments qui coïncident ou correspondent à ce qui est déjà connu sont communiqués, alors que d'autres détails risquent de disparaître parce qu'ils paraissent étranges et que personne ne sait qu'en faire.
Il semble, par conséquent, que le symbolisme transmis par la tradition est, dans une certaine mesure, rationalisé et purgé des grossièretés de l'inconscient, des petits détails qui sont la marque de l'inconscient, les contradictions parfois, des éléments crus. (idem dans l'interprétation des rêves)
. Cum grano salis, vous pourriez comparer ce qui vient d'être dit à la manière dont les expériences religieuses se transmettent dans le cadre d'un système religieux existant : l'expérience immédiate et personnelle est généralement purifiée, clarifiée et revue. . P.17
. rêve d'une religieuse dans lequel, au milieu du Sanctus, c'est-à-dire à l'un des moments les plus sacrés, juste avant la Consécration où la transsubantiation a lieu, le vieil évêque qui célébrait la messe s'arrêta brusquement et dit : « Maintenant, quelque chose de plus important est nécessaire », et il fit un sermon sur l'Incarnation. Puis il s'arrêta à nouveau, dit que, maintenant, ils allaient poursuivre l'ancienne messe traditionnelle, et il céda sa place à deux jeunes prêtres pour la terminer. Comme c'est le cas pour beaucoup d'autres personnes, cette religieuse n'était apparemment pas assez entrée dans la vraie compréhension du mystère de la messe : il ne s'agissait pour elle que de la répétition machinale du mystère. Aussi, avant que la transsubstantiation ne prenne place, le rêve lui montrait-il qu'il fallait véritablement expliquer aux gens ce qui se passait. En effet, s'ils ne participaient pas par l'esprit, tout cela ne leur était d'aucun secours, ils se bornaient à croire sans comprendre. Ainsi, dans ce rêve, l'évêque fournissait une longue explication à l'issue de laquelle la messe classique reprenait avec des prêtres plus jeunes, montrant par là qu'un renouveau s'était produit. Le renouveau dépend de la manière dont la messe est comprise . Cet exemple illustre comment une expérience individuelle des symboles religieux diffère toujours un peu de la formulation officielle, laquelle ne peut que tenir compte du modèle général. L'histoire ou d'autres sources ne relatent que peu de manifestations immédiates de l'inconscient.
. le passé nous a transmis quelques rares relations d'expériences individuelles, les symboles de l'inconscient nous parvenant plutôt, dans l'ensemble, par voie de tradition. Cela tient au fait qu'en règle générale l'humanité n'a pas abordé l'inconscient par le biais des individus, mais .. s'est sentie reliée à lui indirectement par les systèmes religieux. . sauf dans les sociétés très anciennes et très primitives ainsi que dans certaines autres formes d'approche de l'inconscient déjà codifiées. P.19
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.. vestiges d'une condition initiale. . on peut présumer qu'aux origines de l'humanité les hommes vivaient tribalement par petits groupes d'une vingtaine ou trentaine de personnes, parmi lesquelles se trouvaient généralement deux ou trois introvertis de talent qui avaient des expériences intérieures personnelles et devenaient des guides spirituels, alors que les solides chasseurs ou combattants étaient les guides temporels. Dans ce cas les relations d'expériences intérieures immédiates sont nombreuses, et peu appartiennent au domaine de la tradition.
. d'autres phénomènes . des individus rencontrent l'inconscient dans son immédiateté au cours d'expériences initiatiques organisées. . Dans ce cas, l'interprétation d'une expérience individuelle est rattachée à la tradition consciente collective et l'homme-médecin passera tout simplement sous silence ce qui relève uniquement de l'individu ou ce qui est étrange. . rêves d'Indien .. leur manière de les interpréter. On voit comment ils sautent tout bonnement ce qu'ils ne comprennent pas. Ils extraient du rêve ce qui se rapporte aux idées collectives conscientes et laissent tomber les détails drôles - tout comme le font les débutants en analyse junguienne quand ils commencent P.21
. ils sélectionnent généralement un thème qui semble se rattacher à quelque chose qu'ils saisissent.
Des expériences immédiates de l'inconscient vécues par certains individus peuvent aussi être ultérieurement codifiées, ou interprétées, ou élaborées en un système religieux. Mais naturellement, dès qu'une religion paraît trop codifiée, une secte compensatrice se forme habituellement pour revivifier les expériences individuelles immédiates .. sunnites- chiites, Talmud- Cabale. Les uns clament qu'ils détiennent l'orthodoxie et les autres qu'ils ont l'esprit vivant, ce qui recouperait également la différence existant entre les types extravertis et introvertis. Cependant, même dans une tradition d'introvertis affirmant avoir l'esprit vivant, rares sont ceux qui font 1'expérience personnelle de l'inconscient, seul un tout petit nombre d'individus la vit. Sans doute est-elle si dangereuse et effrayante qu'elle est uniquement réservée à de rares personnes inhabituellement courageuses, ou à des sots qui ignorent à quel point c'est dangereux et qui, par suite, deviennent fous à cause d'elle.
. Jung, qui voulait illustrer le symbolisme du processus d'individuation .. eut recours à une série d'images tirées d'un texte de méditation orientale, aux célèbres exercices spirituels .. de saint Ignace de Loyola . montra que toutes les formes de méditation codifiée contiennent en elles l'essentiel des théories ou des symboles qui apparaissent généralement chez un individu au cours du processus d'individuation. En fait, les diverses manières d'aborder l'inconscient, la plupart des formes de méditation orientale, aussi bien que celles du Moyen Age chrétien, renferment un programme. . P.23
. Si, au milieu de sa contemplation .. il aimerait bien un café, c'est là une perturbation de ce monde générée par le diable et il doit la réprimer. Mais il y a aussi des perturbations saintes ! Alors qu'il médite sur la croix, il peut soudain voir une lumière bleue ou une couronne de roses .. comme cette pensée n'entre pas dans le cadre prévu, il doit également la bannir : c'est le diable qui falsifie le processus, car il devrait voir la croix et non un bouquet de roses ou toute autre chose de ce genre. On lui enseigne donc à rejeter ces irruptions spontanées de l'inconscient et à adhérer fanatiquement au programme.
. se concentrer sur des symboles de l'inconscient, .. mais son esprit est tenu de passer par un canal bien défini, celui donné par la tradition collective. . Dans ces manières d'aborder l'inconscient il faut donc se conformer à la direction consciente, à la voie prescrite, au chemin, et ignorer certaines pensées qui montent en soi. C'est pour cette raison que le symbolisme qui apparaît dans ce cas n'est pas tout à fait du même ordre que celui montant dans les rêves ou l'imagination active, car l'attitude requise alors .. consiste tout simplement à observer ce qui jaillit. .
Les alchimistes étaient dans une situation complètement autre. Ils croyaient qu'ils étudiaient les phénomènes inconnus de la matière . les projections se faisaient de la manière la plus naïve, la moins programmée qui soit, et sans réajustement aucun. . P.25
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Le plomb .. merveilleux support de projection des facteurs destructeurs, puisque ses effets sont toxiques dans certaines associations. Les substances acides étaient également dangereuses, mais, comme elles étaient par ailleurs corrosives et servaient à dissoudre, elles avaient une immense importance. Il en résultait une projection, celle que l'acide est une substance dangereuse qui dissout, mais permet aussi de rendre certaines substances manifestes ; ou alors c'était un moyen de transformation .
Il existe donc dans l'alchimie un très abondant matériel émanent de l'inconscient, un matériel produit dans une situation où l'esprit conscient ne suit pas un programme défini, mais ne fait que chercher. Jung .. abordait l'inconscient de manière similaire et dans l'analyse, nous essayons d'amener les gens qui s'ouvrent à l'inconscient à adopter une attitude dénuée d'a priori. Nous nous bornons par exemple à dire que les circonstances paraissent mauvaises, que le sujet est dans une situation insatisfaisante qu'il s'agit de prendre en considération tout en tenant compte aussi de ce phénomène vital que nous appelons l'inconscient, et nous ajoutons que nous pouvons voir ensemble ce qu'il peut représenter, où il veut aller. Un tel point de départ conscient, qui ne programme presque rien, correspond au point de départ conscient de l'alchimiste : il permet à l'inconscient de réagir de la même manière. .
. impression que les anciens interprètes de rêves expliquaient les songes en s'inspirant d'une base collective. .. P.27
. ils opéraient .. par sélections et retenaient, dans les rêves, ce qui concordait avec le matériel collectif. .
. les rêves des Babyloniens, vous avez l'impression qu'ils ne rêvaient pas comme nous, car, dans le matériel onirique babylonien, les rêves sont sélectionnés pour entrer dans le cadre de l'interprétation traditionnelle. Rêver d'une chèvre noire, par exemple, laisse augurer un malheur. . comme une chèvre noire apparaissant dans un rêve est porteuse de malchance dans la tradition collective, ce rêve a été consigné. C'est ce qui se passe encore à la campagne, où personne ne fait attention aux rêves ordinaires. Mais si quelqu'un rêve d'un cercueil ou d'un mariage ou d'un serpent, on en discute, on se demande si un membre de la famille ne va pas mourir. .
Toutefois, les fragments de rêves de Ptolémée montrent .. que la façon de rêver est exactelent la même dans l'Antiquité et à notre époque, même si les écrits sur ce sujet ne rapportent que des rêves liés aux théories alors en vigueur. Si vous rêviez que votre maison était en feu, par exemple, vous étiez amoureux, etc. . P.29
. matériel onirique pris sur le plan concret. Ainsi, si quelqu'un va mourir, vous allez recevoir un visiteur qui obtiendra ou perdra de l'argent. Un rêve n'est jamais compris comme quelque chose d'intérieur, comme un processus intétieur, mais toujours projeté sur le monde extérieur.
. La question qui se pose donc en dernier ressort est de savoir quelle est l'autorité la plus respectée, celle de l'interprète qui suit la tradition ou celle de la personne qui a eu le rêve ou vécu l'expérience.
.. tout repose finalement sur la personne qui a le plus de mana, la forte personnalité à la vie spirituelle la plus intense et jouissant de la plus grande autorité. Il peut arriver parfois, .. que des gens s'en tiennent aux expériences qu'ils ont eues et développent leur propre système ; mais s'ils échouent dans la vie, on les considère alors comme des imbéciles. Ainsi, l'homme qui se montre suffisamment sûr de lui pour vouloir rester seul prend le risque d'être regardé comme un possédé ou et non comme un grand homme-médecin. Il lui faut courir ce risque, et seule la vie peut montrer où est le vrai. .
En termes chrétiens, on pourrait dire que cet homme porte sa croix, mais que tout dépend de l'objectifauquel il tend.
. quelqu'un peut avoir une révélation personnelle de Dieu qui l'incite à dévier du dogme . S'il croit en cette affirmation, l'Inquisition le condamnera à être brûlé tout en disant .. qu'il se peut qu'il soit encore sauvé, qu'il ait raison. Il faut qu'il soit brûlé, parce que le credo orthodoxe doit être défendu, mais la porte reste ouverte. P.31 Les inquisiteurs reconnaissent donc que l'hérétique a peut-être raison, mais, s'il veut adhérer à la vérité personnelle qui est la sienne, il doit accepter d'être brûlé pour elle. Ils ne proclament pas qu'il a perdu son âme, car Dieu peut l'accueillir au paradis .
. on est autorisé à croire en quelque chose à condition qu'on n'en souffle mot à quiconque, qu'on n'en fasse pas une doctrine, ni n'essaye de convertir d'autres personnes à cette croyance.
. cela s'applique .. à n'importe quel groupe. Tout dépend si l'individu croit qu'il peut raconter aux siens son expérience, ou non.
. je dis souvent à des schizoïdes que leur folie n'est pas dans ce qu'ils voient et croient, mais dans le fait de confier leurs expériences à des personnes qui ne peuvent pas les comprendre. S'ils les gardaient pour eux-mêmes, tout irait bien. . une femme .. raconte ses visions. . Les visions sont en elles-mêmes tout à fait bien et ce qu'elle en pense aussi, mais elle a pour fonction inférieure son sentiment extraverti, elle est socialement inadaptée. Elle ne devrait pas parler de ce genre de choses à un psychiatre rationaliste qui est simplement en train de se demander s'il faut l'interner !
Car sa réputation est du coup en danger !
. P.33
. Il s'agit en grande partie d'une question d'ambition, de prestige et de conventions sociales, ce qui peut être le cas aussi pour nous.
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En règle générale, la formation intellectuelle de 1'homme moderne .. est fondée sur l'observation des phénomènes des sciences naturelles . En analysant l'homme moderne, vous vous apercevez que sa manière d'appréhender la réalité est très influencée par les concepts fondamentaux des sciences naturelles et que le matériel émanant de l'inconscient - qu'il compense l'attitude consciente ou y soit relié - reflète cet état d'esprit. Cette similitude est toutefois superficielle et la raison se situe à un niveau plus profond. . c'est le résultat final d'un développement long et spécifique. . quand l'homme contemple les réalités ultimes de la vie, il est saisi par des idées et des concepts intérieurs, des symboles, des images, alors même qu'il s'occupe de matériaux extérieurs. C'est ce qui explique pourquoi on trouve dans la plupart des rites un élément concret qui représente le sens symbolique, un bol d'eau placé au centre du lieu de divination, par exemple.
La matière et les phénomènes matériels sont donc appréhendés de manière « magique ». . P.35
. le concept de mana, .. est comparé à l'électricité, .. Si un Australien frotte sa pierre churinga pour obtenir plus de mana, c'est dans l'intension de ré-alimenter son totem ou son essence vitale, comme on rechargerait une batterie électrique.
Au concept de mana correspond la projection de l'électricité divine, à moitié matérielle, de l'énergie ou du pouvoir divins. . Dans la plupart des systèmes religieux, il existe des substances sacrées comme l'eau ou le feu ou certaines plantes, etc., ainsi que des esprits, des démons et des dieux incarnés, qui sont davantage personnifiés, ce qui leur permet de parler dans des visions ou d'apparaître et de se comporter de manière à moitié humaine. Tanttôt l'accent se porte davantage sur les symboles dépersonnalisés des puissances de la nature, tantôt sur des puissances personnalisées. . avancer l'hypothèse P. 37 que l'inconscient aime à apparaître dans ses manifestations archétypiques ultimes, tantôt symbolisé par les phénomènes naturels, tantôt personnifié. Qu'est-ce que cela signifie ?
. Pourquoi, par exemple, quelqu'un conçoit-il Dieu comme un feu divin, invisible, pénétrant tout, alors qu'une autre personne l'imaginera un peu comme un être humain ? . il n'est pas vrai que des conceptions ou des manifestations personnifiées des dieux ou de la divinité soient plus infantiles que des représentations plus abstraites.
. se demander ce que cela signifie si un contenu archétypique se manifeste sous l'aspect d'une boule le feu au lieu de se présenter sous des traits humains. Supposons deux hommes : l'un rêve d'une boule de feu qui lui procure réconfort et éclaircissements, et l'autre qu'un vieux sage merveilleux lui apparaît . Vous pourriez dire, superficiellement, que les deux images symbolisent le Soi, c'est-à-dire la totalité, le centre, une sorte de manifestation de l'image de Dieu. Quelle est pourtant la différence . ?
.. l'un est plus abstrait - abstrahere - , mais il est abstractus de quoi ?
Il est plus éloigné de l'humain.
.. per definitionem ; mais que répondriez-vous à la personne en analyse qui vous poserait cette question ? Nous ne pouvons jamais donner de réponse absolue, mais pouvons toutefois préciser un point ou l'autre. J'.. interrogerais le patient et essaierais de l'amener à repondre par lui-même. Vous pouvez parler à un vieil homme sage, lui poser des questions ou lui faire part de tous vos problèmes humains .. la première impression qu'un tel personnage éveille en vous, la première supposition ou attitude qu'il suscite, c'est que vous pouvez établir une relation sur le plan humain avec lui. En revanche, vous ne pouvez pas parler à une boule de feu, ni avoir un contact avec elle, .. peut-être, l'attraper et la mettre dans un bol en verre .. ou la regarder et observer ce qu'elIe fait, P.39 vous agenouiller, l'adorer, et rester suffisament éloigné pour éviter d'être brûlé, ou pénétrer et découvrir que c'est un feu qui ne brûle pas ; mais il est impossible de nouer une relation humaine avec elle.
Ainsi, lorsqu'un contenu archétypique se manifeste sous une forme humaine, cela prouverait qu'il est possible d'établir une relation humaine avec lui. Par contre, s'il adopte une forme non humaine ou se présente comme une puissance naturelle, il est un simple phénomène et ne peut être rencontré qu'en tant que tel. Le Divin, quel qu'il soit, a de toute évidence ces deux aspects qui se sont maintenus dans la plupart des théologies.Que serait un dieu avec lequel vous ne pouvez entrer en relation ? . Par ailleurs, que serait un dieu qui serait uniquement une sorte d'être humain et n'irait pas au delà . Ces deux aspects du centre de la psyché le plus intime, ultime, ont donc probablement toujours coexisté, l'un étant complètement transcendant et apparaissant dans des manifestations aussi éloignées de nous que le feu ou l'eau, et l'autre se révélant sous une forme humaine, ce qui implique qu'il se laisse dès lors approcher et permet de créer un contact.
Si quelqu'un rêve de la Divinité comme d'un être humain, il vivra cette expérience et ce lien avec beaucoup d'émotion, d'intuition et de sentiment. Saint Nicolas de Flue eut la vision où le Christ arrivait vêtu d'une peau d'ours comme un Berserk .. le Berserk disait ensuite aux gens la vérité sur eux. . Il savait instantanément ce qu'ils désiraient lui demander et se contentait très souvent de répondre sans même attendre la question. De toute évidence, saint Nicolas avait le même don que le Christ de sa vision, ce qui pourrait illustrer le fait qu'un attribut appartenant à l'inconscient archétypique puisse entrer dans un être humain. Si vous rêvez d'un archétype sous une forme humaine, cela signifie que vous pouvez plus ou moins l'incarner. Il peut se manifester en vous et s'exprimer à travers vous : telle est la conception fondamentale du Christ intérieur. Si vous rêvez du vieux sage, il se peut que vous deviez affronter une situation impossible à vivre où il vous est posé une impossible question ; mais soudain une réponse parfaitement juste vous vient à l'esprit ! Si vous êtes honnête, vous vous sentez obligé d'admettre ensuite que, loin d'avoir vous-même parlé, « Cela » a parlé à travers vous. Vous ne pouvez pas prétendre avoir eu cette pensée : c'est le vieux sage se manifestant en vous, quelqu'un ou quelque chose qui n'est pas identique à l'ego, mais qui se montre secourable dans une situation difficile. P.41
Pourquoi trouvez-vous nécessaire de refuser l'identification à l'ego ?
. si vous le faites, vous partez dans l'inflation. . Même si vous faites un effort de pensée et si vous avez subjectivement l'impression que vous avez réfléchi, ce qui est monté en vous provient en réalité de l'inconscient, car vous ne pouvez rien produire sans sa collaboration. Si vous vous dites que vous devez vous souvenir de faire quelque chose à midi et que l'inconscient ne collabore pas, vous oublierez.
Il est donc évident que toute perception mentale émane de l'inconscient ; mais ce postulat est lui-même exagéré, puisqu'il arrive parfois que nous ayons l'impression d'avoir élaboré quelque chose par nous-mêmes, alors qu'à d'autres moments l'idée monte en nous tout simplement sans aucun effort conscient .. Nous devons nous montrer naïfs et modestes, ne pas nous gonfler d'inflation en proclamant que ces bonnes idées viennent de nous et reconnaître que c'est bien plutôt le vieux sage, ou la vieille femme sage, ou la divinité qui parle . L'expérience de la boule de feu ne nous touchera pas de la même manière, bien qu'elle nous ébranlera infiniment plus fortement dans nos émotions : .. saisis par le mystère, par le caractère complètement autre du Divin.
Une expérience du Divin revêt souvent une force telle qu'elle dépasse notre propre faculté de compréhension. Elle peut être dangereuse, mais nous avons néanmoins à nous adapter, comme nous devons nous adapter à une manifestation de la nature, à l'explosion d'un volcan par exemple. C'est une vision merveilleuse dont il ne faut toutefois pas s'approcher et avec laquelle il est impossible d'établir un lien. Vous ne pouvez que la contempler et vous ne l'oublierez jamais. Sur le plan des émotions, elle opère .. Elle correspondrait aux manifestations de l'archétype sous sa forme de phénomènes naturels. La nature a une facette numineuse et divine, et l'être humain en fait l'expérience. Cela explique pourquoi l'homme a de Dieu une image ayant un double aspect . P.43
. Dans le développement de la pensée européenne, le balancier passe d'un opposé à l'autre et marque la différence ou le contraste entre la science et la religion. .
. une seule chose compte réellement, c'est la recherche de la vérité dernière. Certaines personnes voient dans l'archétype une puissance de la nature et sont prises par cette projection, alors que d'autres se le représentent sous la forme de puissances personnifiées. Et les deux points de vue s'affrontent. ...
. Johannes Kepler .. dit que l'espace devait naturellement avoir trois dimensions à cause de la Trinité ! Ainsi notre promptitude à croire que l'espace a trois dimensions est un rejeton tardif de l'idée trinitaire chrétienne.
Par ailleurs, jusqu'à nos jours, l'esprit scientifique européen a été possédé par l'idée de causalité . Descartes, .. fonda sa croyance sur le caractère immuable de Dieu. . P.45 La doctrine de l'immutabilité de Dieu est l'un des principes du christianisme : la Divinité ne peut changer, il ne peut exister aucune contradiction en Dieu, aucune idée ni conception nouvelles. Tel est le fondement de l'idée de causalité .
Le rôle de la science consistait simplement à investiguer les causes . Nos préjugés archétypiques sont si forts qu'on ne peut se défendre contre eux : ils nous rattrapent, tout simplement.
. Mais l'élément même promouvant la connaissance devient sa prison. Les grandes découvertes faites dans le domaine des sciences naturelles sont généralement dues à l'apparition d'un nouveau modèle archétypique susceptible de décrire la réalité ; cette émergence précède d'ordinaire de grands développement, car le modèle existe désormais qui donne accès à des explications beaucoup plus complètes qu'il était jusqu'alors possible de formuler.
Ainsi, la science a progressé, ce qui n'empêche pas à tout modèle de devenir une cage. En effet, si l'on tombe sur des phénomènes difficiles à expliquer, on aura tendance à s'en tenir à ses hypothèses avec une sorte de conviction émotionnelle dénuée d'objectivité, au lieu de s'adapter et de reconnaître que les phénomènes ne sont pas conformes au modèle et qu'une autre hypothèse est à rechercher. .
. tous les hommes de sciences ont des modèles de réalité ultimes dans lesquels ils croient, exactement comme ils croiraient dans le Saint Esprit.
C'est une question de croyance, non de science, c'est-à-dire quelque chose qu'on ne peut pas discuter. P.47
Les gens s'excitent et deviennent fanatiques si vous leur présentez un fait qui ne cadre pas avec le schéma connu. Ils sont capables d'affirmer que l'expérience entière est fausse . il est pratiquement impossible de les conduire à accepter le fait. .
Ainsi, autant l'archétype favorise l'éclosion d'idées, autant lui sont imputables les restrictions émotionnelles empêchant de renoncer aux théories antérieures. En fait, ce n'est là qu'un exemple ou un aspect spécifique de ce qui arrive communément dans la vie, car nous ne pouvons rien connaître sans la projection, laquelle se trouve aussi être l'obstacle majeur à la découverte de la vérité. Si vous rencontrez une inconnue, vous ne pouvez pas entrer en contact avec elle sans projeter quelque chose sur elle, sans formuler en vous certaines hypothèses tout à fait inconscientes, bien entendu, comme par exemple que cette femme est assez âgée, qu'elle est probablement une figure maternelle, un être tout à fait normal, etc. Vous élaborez des suppositions, et un pont se crée. Quand vous en arrivez à mieux connaître la personne, ce que vous avez supposé préalablement tombe et vous devez admettre que vos conclusions étaient erronées. Si vous ne le reconnaissez pas, la relation est faussée.
Au début, on se trouve contraint de projeter, sinon aucun contact ne se forge ; mais ensuite, on devrait pouvoir corriger ses projections. Cela n'est pas seulement dans le domaine des relations humaines, mais aussi dans toute autre situation. Il y a un caractère de nécessité dans la manière dont fonctionne le mécanisme de la projection, puisque la faculté même de voir est impossible sans que le facteur de projection inconsciente ne soit à l'ouvre. . la philosophie indienne soutient que toute la réalité est une projection, ce qu'elle est d'une certaine façon quand on s'exprime sur le mode subjectif. Pour nous, la réalité n'existe que lorsque nous projetons sur elle.
. Philosophiquement parlant, vous ne pouvez pas établir de contact sans projecion, mais il existe un certain état subjectif du sentiment qui vous permet parfois de percevoir que votre projection est au diapason, qu'il n'y a pas besoin de la modifier, et il existe un autre état dans lequel vous vous sentez mal à l'aise, vous pensez qu'il faudrait absolument corriger quelque chose. Aucune projection n'est jamais corrigée sans ce sentiment de malaise.
Supposons qu'il y ait en vous un menteur inconscient et que vous rencontriez quelqu'un qui ment comme un arracheur de dents. Vous pouvez reconnaître le menteur en l'autre uniquement parce que vous êtes un menteur vous-même, sinon vous ne le percevriez pas en l'autre. Une qualité ou un défaut ne peut se déceler en quelqu'un que si l'on a soi-même cette même qualité ou ce défaut et si l'on sait l'effet que mentir, par exemple, procure. On reconnaît donc en l'autre personne un trait analogue. Or, puisque l'autre est réellement un menteur, votre affirmation est vraie. Pourquoi, dès lors, nommeriez-vous projection cette réalité et devriez-vous la retirer ? Parce que cela sert de base à la relation ; vous vous dites : X est un menteur, je ne dois pas entièrement croire tout ce qu'il me dit, je dois émettre un doute. Cette attitude est très raisonnable, bien adaptée à la situation, juste. Il serait complètement faux de penser qu'il ne s'agit que de sa propre projection, qu'il faudrait croire l'autre personne : on serait bien sot de le faire ! Mais si vous adoptez le point de vue philosophique, est -ce une projection ou l'énoncé d'un fait ? Philosophiquement, vous ne pouvez pas trancher, vous devez vous contenter de dire que, subjectivement, cela vous paraît vrai. C'est pourquoi Jung dit - et c'est une subtilité rarement comprise quand on pense à la projection - que nous ne pouvons parler de projection, au sens propre du terme, qu'au moment où s'est déjà fait jour un certain malaise, où se trouble le sentiment d'être en phase, c'est -à-dire au moment où je me sens mal à l'aise parce que je ne sais plus si ce que j'ai dit de X est vrai ou faux. Tant que cela n'est pas apparu en moi de manière autonome, il n'y a pas de projection.
Il en va de même pour les sciences naturelles. La théorie selon laquelle la matière est composée de particules, par exemple, repose sur la projection d'une image archétypique . On ne peut pas faire des recherches sur la matière sans hypothèses de ce genre .
Mais je peux rencontrer des phénomènes qui provoquent un sentiment de malaise. .
Toutefois, avant que ne se manifeste ce malaise, lequel résulte du fait que la projection n'est plus adaptée et que, dans certaines expériences, les particules ne réagissent pas de la manière attendue, nous n'émettons aucun doute sur ce concept. .P.51
. Le progrès, dans le domaine de la science, consiste à remplacer une projection initiale par une autre projection plus exacte, ce qui nous fait dire que les sciences naturelles s'intéressent à la projection de modèles de réalité semblant adaptés ou inadaptés aux phénomènes. Si les phénomènes paraissent être en phase avec mon modèle, tout va bien, sinon je dois revoir mon modèle.
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Mais quel rôle l'inconscient joue-t-il ? L'inconscient semble fournir des modèles auxquels on parvient directement de l'intérieur, sans considérer les faits extérieurs ; ces modèles semblent ensuite être en accord avec la réalité extérieure. Est-ce là un miracle ou non ? Deux explications sont possibles : soit l'inconscient connaît d'autres réalités que la sienne, soit ce que nous appelons l'inconscient est une composante d'un tout dont la réalité extérieure serait une autre partie, car nous ne savons pas quel est le lien entre l'inconscient et la matière. . P.53
. Jung tend à penser .. que l'inconscient a probablement un aspect matériel, ce qui expliquerait pourquoi il sait ce qu'est la matière. Comme il est matière, c'est d'une certaine manière la matière qui se connaît elle-même. Si tel est le cas, il y aurait donc un vague ou faible phénonène de conscience existant même dans la matière inorganique.
. Le problème psyché-matière n'a pas encore été résolu, c'est pourquoi l'énigme fondamentale de l'alchimie n'est toujours pas résolue. Nous .. continuons de projeter un grand nombre de choses sur la matière . Toutefois, ayant dépassé leurs modèles, nous aimons à les qualifier de naïves projections de l'inconscient. . Si quelqu'un soutient par exemple que le plomb contient en lui un démon, nous pouvons dire qu'il projette l'ombre, les aspects humains démoniaques, mais nous ne pouvons plus affirmer que le plomb contient un démon, car nous avons dépassé la projection dans ce cas particulier et nous sommes parvenus à des conclusions qui explicitent de manière différente comment et pourquoi le plomb est néfaste pour nous. . P.55
. en nous des résistances à l'alchimie, car elle nous confronte à quelque chose que nous ne pouvons pas encore comprendre. Mais c'est une bonne chose, qui nous remet à notre juste place et nous pousse à avoir une attitude modeste, celle qui consiste à décrire les phénomènes conformément à l'état actuel de nos connaissances. .
Deuxième cours L'ALCHIMIE GRECQUE
. importance du symbolisme alchimique : en premier lieu il est riche de toutes sortes de symboles archétypiques ne recourant que très peu à la personnification, et, en second lieu, il contient un vaste symbolisme lié à la matière provenant d'images enfouies dans l'inconscient.
. les images d'eau, de feu et de métal sont symboliquement aussi importantes que n'importe quelle personnification de l'inconscient. En outre, la psyché inconsciente et la matière ne sont pas encore séparées dans l'alchimie, la religion, la magie et les sciences naturelles pas encore divisées. . la nature extérieure et la nature intérieure ne sont pas encore différenciées. L'homme dans sa totalité considère la nature dans sa totalité et pose certaines hypothèses de travail pour se lancer dans la recherche de la vérité. . P.57
. la question de savoir si l'inconscient est plus ou moins lié à la matière et de quelle manière reste .. ouverte.
. quand les alchimistes observaient leurs symboles et en faisaient l'expérience, quand ils les consignaient par écrit, ils travaillaient sans aucun programme scientifique ou religieux conscient . leurs conclusions reflètent des impressions de l'inconscient non corrigées, spontanées et presque complètement dépourvues d'interférences conscientes. . Certains contemporains adoptent une sorte d'attitude scientifique naturelle libérée .. de préjugés, ils s'intériorisent et ils observent ce qui vient sans tirer des conclusions spéculatives hâtives. Les résultats obtenus de part et d'autre sont analogues. Cette approche que l'on pourrait qualifier de non programmée est commune à l'alchimie et à la psychologie analytique. . P.59
Fig. 7. L'Ouroboros du Codex Marcianus, symbole de l'ouvre alchimique en tant que processus circulaire, autonome. P.61
.
Les kairoi jouent un rôle extrêmement important .. Zosime .. dit que l'alchimie dépend entièrement du kairos . les processus alchimiques ne se déroulent pas d'eux-mêmes mais adviennent uniquement au bon moment astrologique. . Kairos signifie donc le moment astrologiquement bon, le moment où les choses peuvent se révéler propices et aboutir. . P.67
.
. la personne qui transmet le mystère à une autre personne accomplit P.69 en même temps l'union mystique, le mariage sacré entre la mère et le fils, Isis et Horus, ou entre l'ange et Isis, parce qu'en chaque occasion où le mystère est raconté le deux devient un. . P.71
Fig. 9. L'image alchimique du « mannikin urinant » et l'utilisation de « l'urine d'un enfant non corrompu » font allusion à une réalité psychologique : l'inconscient réagit surtout à des attitudes spontanées et naïves associées à 1'enfance. P.73
. recours à des enfants qui n'avaient pas encore atteint l'âge de la puberté, quelquefois des filles, plus souvent des garçons ; et l'on considérait les garçons non corrompus comme étant de très purs canaux de l'inconscient par lesquels les esprits et les dieux pouvaient s'exprimer. .
. en parallèle Isis recevant les mystères alchimiques de l'ange, et l'ange déchu Azazel donnant aux juifs la connaissance de l'art de forger. .
. dans le livre d'Enoch une description complète de toutes les techniques transmises par les anges. A l'origine, l'art du forgeron .. et l'art de l'alchimiste étaient considérés comme étant similaires . Dans l'Ancien Testament, .. les filles des hommes reçurent l'art de la forge et de l'alchimie, soit des anges, soit des anges déchus, en se prostituant, ou au contraire, comme c'est le cas .. pourIsis, en éconduisant l'ange jusqu'à ce qu'elle obtienne de lui ce qu'elle veut savoir. . les géants .. remplacent .. par moments les anges. . P.75
.
Au départ, ce sont en effet les anges ou les géants qui détiennent cette science, puis les femmes l'acquièrent. .
Sur le plan psychologique, que vous évoque ce mythe ? Tout le mal, dit-on, vient des femmes, . Eve, .. était elle aussi concernée par le problème de savoir comment obtenir de Dieu la connaissance. Dans la Genèse, Eve l'acquiert du serpent, puis la transmet à Adam. C'était également un vol, car Dieu gardait pour Lui la connaissance qu'Il avait de Lui. Et à partir de là l'homme a connu le bien et le mal, comme Dieu Lui-même.
Dans la Genèse, on voit ce vol uniquement sous l'angle du mal ; dans le Livre d'Enoch, on considère P.77 le vol de la technique de la même manière. On croit donc que le vol de ces secrets par les femmes a joué un rôle important dans la corruption de notre monde, puisque l'innocence originelle du monde en a été perdue. Dans notre texte, en revanche, l'impression est tout autre, car on estime qu'Isis a accompli un exploit en obtenant des anges le secret. Un changement s'est opéré dans la manière qu'a le sentiment de juger d'une situation analogue, apparemment, puisque dans les deux cas l'élément féminin, le principe féminin, obtient le secret de couches plus profondes et devient l'intermédiaire qui le transmet à l'humanité.
. reconnaître ici le symbolisme de l'anima, car l'histoire d'Eve relève à la vérité plus de l'anima que de la femme. Dans notre texte, c'est la même idée qui monte de l'inconscient et s'exprime symboliquement. Ainsi, le signe de la lune est placé à côté de la déesse Isis. A cette époque.. Isis était identifiée à Hathor, la déesse vache et déesse lune, et à Nut, la déesse céleste. Dans la religion égyptienne tardive, Isis est une sorte de déesse féminine cosmique englobant en elle tous les aspects des autres déesses féminines de l'ancienne Egypte : elle est, pour ainsi dire, la grande dépositaire du mystère de la nature, elle embrasse complètement la nature. . souveraine de la nature cosmique totale. . on la vénérait en tant qu'aspect de la nature cosmique. Ici, elle n'apparaît pas directement sous les traits d'une déesse, mais plutôt sous ceux d'une prophétesse .. ce qui est naturel, puisqu'elle anticipe les développements à venir : elle dit la vérité et la vérité en vient à se réaliser, elle communique la vérité qui était précédemment cachée.
. face au problème d'un homme qui rêve qu'une femme mystérieuse l'aborde. . rêve initial d'un homme qui avait un problème sexuel .. Dans son rêve une femme inconnue, qui lui P.79 faisait grande impression, lui disait que tout le secret consistait à sécher la poudre à l'intérieur de la pomme.
L'intérêt résiderait donc dans le rapport que cela a avec la vie de la personne ?
Oui. Supposons un homme qui arrive en analyse et confie qu'il est impuissant, ou qu'il est un Don Juan. Nous pouvons lui répondre que nous allons voir ce que l'inconscient en dit. Des collègues lui ont léjà appris depuis longtemps ce qui peut être vu sur le plan conscient, mais cela ne l'a pas aidé et il est à bout.
Il connaît tout cela, explicite-t-il, c'est un complexe mère, mais rien n'a changé pour autant. Ainsi, apparemment, cette conscience n'est d'aucun secours. . Et dans un songe, une femme merveilleuse apparaît et lui dit que tout le problème consiste à sécher la poudre blanche dans la pomme. . Il ne donne aucune association, car les rêveurs ne peuvent pas donner des associations à leurs rêves archétypiques. La poudre blanche dans une pomme ne suggère rien à cet homme ; il peut tout au plus dire qu'il aime les pommes, ou quelque chose de ce genre. Ne pouvant rien tirer de lui, nous devons connaître les associations de l'humanité.
Si vous pouvez obtenir des associations de l'analysant, c'est infiniment préférable ; mais des thèmes de cet ordre provoquent généralement un blanc quand ils apparaissent dans un rêve, ce qui vous contraint de dire, par exemple, que l'humanité a cru que la pomme contenait la connaissance de Dieu, du bien et du mal ; .. il a toujours été dit que la pomme renouvelait les secrets. Vous lui racontez quelques mythes sur ce sujet jusqu'à ce qu'il commence à s'impatienter et dise : « Oui, mais qu'est-ce que cela signifie pour moi ? » Les mythes montrent qu'il existe d'autres systèmes de valeurs que celui transmis par la Bible. . On ne tolère Eve que dans la mesure où les choses ont tourné plus tard à bien, mais la tonalité, le sentiment .. c'est que le péché d'Eve a engendré le malheur et qu'il est vraiment regrettable qu'Adam et Eve aient mangé une pomme.Dans notre texte, au contraire, un accomplissement se produit, car Isis détient maintenant le merveilleux secret transmis par l'ange. P.81
. L'humanité est, semble-t- il, très partagée et apprécie diversement l'origine des sciences et des techniques, l'origine .. de toute forme de connaissance. La connaissance corrompt-elle ou aide-t-elle ?
D'un certain point de vue, l'acquisition de la connaissance est une identification à Dieu ; elle a constitué un acte d'inflation. Le moi s'est emparé de quelque chose qui ne lui appartenait pas, il s'est par suite trouvé dans l'inflation, a perdu son équilibre et tout s'est détérioré. Mais dans l'histoire d'Isis l'appréciation est exactement inversée .
Quelque chose de beaucoup plus profond est donc en jeu, car un accroissement de la conscience, un développement de la conscience humaine sont implicitement suggérés. Est-ce à notre avantage ou non ? Allons-nous nous sentir de plus en plus mal en devenant plus conscients et coupés de la nature ? Allons-nous perdre notre équilibre ou est-ce là ce que nous devons faire ? Si nous essayons de devenir conscients, accomplissons-nous la volonté de Dieu, ou allons-nous à son encontre ? Telle est la question cachée.
Il s'agit là d'une projection religieuse. Si nous abordons le sujet plus humblement, psychologiquement, la discussion s'ouvre sur le problème de savoir si un accroissement de la conscience est un progrès ou non. Quand des gens sont en analyse, des hommes ou des femmes, ils pensent souvent qu'il serait préférable de ne pas réveiller le chat qui dort. Pourquoi devrions-nous déterrer des problèmes alors que plus nous y pensons plus ils nous embrouillent ? Laissons la nature agir et les problèmes se résolveront tout seuls d'une certaine manière ! . P.83
L'accroissement de la conscience est-il donc une bonne ou une mauvaise chose ? Nous, thérapeutes, nous devons nous poser la question en chaque occasion. .
La connaissance est soit poison, soit porteuse de guérison : elle est l'un ou l'autre, c'est pourquoi certains mythes affirment que la connaissance provoque la corruption du monde et d'autres qu'elle apporte la guérison. Puis vient la conception biblique selon laquelle elle engendre d'abord la corruption qui plus tard, grâce à Dieu, se transforme en guérison. . ce qui permet d'avoir une attitude double à son égard et de percevoir l'enseignement de la felix culpa.
Cependant, dans l'immédiateté d'une situation, vous ne pouvez pas adopter une attitude double. Chaque fois, c'est un terrible problème qui se pose : dois-je parler ou me taire ? Vous assumez la totale responsabilité éthique et, chaque fois, ne savez pas si vous avez fait la chose juste ou fausse. C'est tout le problème de la conscience. Que doit faire l'homme de sa conscience ? Comment devrait -il s'en servir ? .. si je suis consciente du sens d'un rêve, comment vais-je le présenter ? Vais-je l'utiliser comme un poison ou comme un facteur de guérison ? La conscience, ou la connaissance, est un problème terrible qui n'a pas encore été résolu.
. C'est un problème, il faut le considérer avec sérieux et le pas 1'évacuer. . P.85
. Nous devons connaître nos propres a priori, même si nous les conservons en disant que nous les aimons, nous devons accepter qu'il soit possible de penser différemment, que les opinions divergent. Une telle largeur d'esprit est nécessaire si l'on désire analyser objectivement des personnes au lieu de se faire le propagandiste de sa propre vision ; un analyste devrait être large d'esprit et voir ce que la nature intérieure de l'analysant constelle et met en ouvre comme processus de guérison, sans s'attarder à se demander où cela mène. Telle est du moins notre conviction.
Quelle comparaison .. entre cette conception de la connaissance et l'ancienne attitude prométhéenne ?
. Le mythe dépeint à nouveau un vol : quelque chose est dérobé aux dieux que ceux-ci essaient de garder pour eux. Cet acte est puni - Prométhée s'attire des ennuis et manque de chance -, mais aucun jugement moral n'est émis. L'esprit grec se contente d'énoncer qu'il en coûte de dérober la connaissance à l'inconscient, mais que ce peut être l'attitude juste ! Vous pouvez dire : « Tant pis, je suis prêt à en payer le pri.x, mais je veux l'obtenir ! » Le mythe ne recommande ni d'aller de l'avant, ni de s'abstenir ; mais vous devez savoir qu'il y a toujours un prix à payer.
Cette attitude, issue de la mentalité grecque, diffère complètement de celle des mondes juif ou judéo-chrétien qui en font un problème moral. . vérité archétypique fondamentale. La connaissance fait partie du déloppement de la conscience et il faut en payer le prix. Il existe d'autres facettes de ce problème, mais P.87 celui-ci en est un. C'est coûteux, mais c'est à vous de décider, de choisir si vous êtes d'accord de payer le prix ou non. .
. désir de l'ange d'avoir des relations sexuelles avec Isis .. « violer ». Cela fait une différence en termes de prix à payer : une fois, il s'agit de contrainte, l'autre fois d'acte volontaire.
. Quel peut être le sens psychologique de l'attaque sexuelle de l'ange sur la personne d'Isis, ainsi que celui du délai demandé par Isis en vue d'acquérir la connaissance ? Comment peut-on comparer cela à la situation psychologique dans laquelle nous nous trouvons dans la vie courante ?
L'irruption de contenus collectifs l'incite à demander une explication.
Oui. Pour utiliser notre terminologie, l'ange pouurrait représenter un contenu de l'inconscient collectif qui fait irruption dans le système psychologique sous la forme d'une demande - sexuelle dans le cas particulier. Quel parallèle pouvons-nous établir avec notre propre expérience ? .
Si elle était une femme, humaine, l'attaque de l'ange signifierait que l'animus s'empare d'elle. Mais .. il s'agit d'une situation plus vaste. Le sens de ce geste implique que les contenus de l'inconscient collectif font très souvent irruption sous une forme instinctive - pulsion sexuelle, désir de pouvoir ou toute autre chose de ce genre. La libido de l'inconscient se déclare donc soudainement d'abord à un niveau relativement bas, animal. . Dans le domaine de la psychologie, l'un des grands problèmes a consisté à reconnaître ce point. Si une telle irruption se produit, vous pouvez dire que quelque chose est noyé sous une pulsion sexuelle, même physique, ou sous des fantasmes, mais il est toujours P.89 important de déceler si ce mouvement relève bien de la sexualité ou si une pulsion inconsciente masquée impliquant connaissance et élargissement de la conscience n'apparaît pas d'abord sous cette forme.
Si vous n'avez pas de préjugés, vous serez peut-être contraints de passer à l'acte, mais il a souvent été prouvé qu'il était sage d'attendre. Imaginons un homme qui projette avec force son anima sur une femme et que cela se concrétise par un puissant désir d'union sexuelle. Admettons qu'elle succombe et qu'ensuite plus rien ne subsiste. . En fait, dès le tout début, ce n'était pas ça : voilée sous cette forme, la pulsion n'a atteint ni son but ni son sens et aucun progrès n'a été réalisé dans le domaine de la conscience. Cet homme aurait sans doute gagné à résister à ce désir et à faire un effort pour ouvrir où cela le menait réellement. Nous voyons en effet fréquemment que les pulsions nous poussant à accomplir quelque chose que nous devons faire apparaissent d'abord sous la forme de réactions physiques quand elles ne peuvent pas parvenir directement à la conscience.
.
« quelque chose » qui vous pousse à la prise de conscience est si éloigné de ce que vous pouvez concevoir qu'il ne peut se manifester que physiquement. C'est une sorte d'explosion qui se passe en bas .
Quelque chose essaie de monter de l'inconscient, mais un court circuit intervient et le désir sexuel apparaît, manifestant la difficulté d'aller plus loin.
Parfois, néanmoins, il s'agit bien d'un réel désir sexuel. . il peut arriver que nous ne sachions pas de prime abord ce qu'il en est. C'est pourquoi la réaction d'Isis n'est que trop sage : elle attend et demande d'abord à connaître ce qui jaillit, cherche à en percevoir les secrets, pour, seulement ensuite, se décider à avoir une petite aventure ou non. . La décision éthique reste libre parmi les humains ou, comme ici, parmi les dieux, et se situe à un autre niveau. Mais tant que le désir se P. 91 manifeste avec violence, vous n'êtes pas libre de décider
Ce qu'il importe de faire, en premier lieu, c'est de temporiser et de découvrir ce que vous avez à affronter. . A ce moment, vous devez retarder l'élan de l'ange et lui dire qu'il doit d'abord livrer son secret, que vous voulez devenir conscient de ce qui se trouve derrière le désir, à savoir l'étrange lien entre l'instinct et l'archétype.
INSTINCTS ARCHETYPES
infrarouges --------------expérience --------------- ultraviolets
(Plan physiologique : (Plan psychologique :
symptomes physiques idées, conceptions, rêves,
perceptions instinctuelles, etc.) images, fantasmes, etc.)
. Jung .. entend .. que l'archétype, dans la mesure où nous l'opposons à l'instinct, est une manière instinctive et innée d'avoir des émotions, des idées et des représentations faites de symboles, alors que l'instinct est une manière innée d'agir physiquement, une sorte d'action physique. Naturellement, les deux sont liés.
. marcher dans un champ, que vous commenciez soudain à courir sans raison apparente et que vous sautiez par dessus une barrière. En regardant derrière vous, un taureau vous poursuivait ! .. sauvé par son instinct. . On traverse la route sans trop savoir pourquoi et quelque chose tombe alors du toit ! Il est très important pour nous d'apprendre à nous fier à de tels mouvements instinctifs.
Quelque chose ici se passe sur le plan physique . Au lieu de réagir physiquement, je peux également entendre une voix ou avoir une hallucination qui me dit de courir. Dans un cas, l'avertissement intervient sous forme de réaction physique et, dans l'autre, sous forme de pensée : telle est la différence entre l'instinct et l'archétype. La voix serait une manifestation de l'archétype . P.93
. deux aspects de la même chose. .. un comportement physique immédiat relèverait de l'instinct, alors que, concomitantes, les représentations, les émotions, les voix, les visions intérieures seraient des manifestations de l'archétype.
L'homme a quelque chose en lui, dans sa structure, qui est inné et le fait agir et penser d'une certaine manière . Comme les contenus de l'inconscient ont d'une certaine manière un aspect physique, doublé d'un aspect somatique et psychologique, il peut arriver parfois que ce qui devrait s'exprimer psychologiquement passe par le plan physique, ou que le physique passe par le psychologique. .
Un de nos grands problèmes, un des conflits éternels, peut se formuler ainsi : dois-je vivre les choses concrètement ou les prendre symboliquement ? Les considérer comme une possibilité de réalisation, ou les vivre simplement, sans trop y réfléchir ? Ici, il est dit que, en bloquant ou en retardant l'actualisation d'un désir sexuel, un progrès s'accomplit dans la conscience.
Ce n'est pas le seul marché conclu au nom la connaissance. .. Isis a entrepris de soigner le dieu solaire Râ de la morsure d'un serpent venimeux à condition qu'il lui révèle son nom sacré . P.95
. Nous ne pouvons pas mettre sur même plan ces deux histoires. Le thème précédent se situerait au niveau d'une pulsion physique derrière laquelle se cache selon nous quelque chose d'archétypique. ..considérer .. l'ensemble du développement de la conscience dans la civilisation égyptienne.
.. le culte du dieu soleil .. relevait généralement, en termes de structures politique et sociale, d'un ordre patriarcal. . l'adoration du soleil remplaça progressivement celle de la lune et du taureau. . Le développement et l'intensification du culte du soleil entraînèrent à leur suite un développement dans certains domaines : les lois, la science, la géométrie, la planification des terres, l'urbanisation, etc. La civilisation rationnelle, l'organisation, la guerre, firent d'énormes progrès. Ce développement était celui du monde masculin, du monde de l'esprit et du monde de l'ordre, il allait de pair avec le culte du soleil. . développement de la civilisation chrétienne .. même schéma : d'abord prédomine la confiance en la loi, dans le dogme, l'ordre, la connaissance ; puis, comme il y a une fin à toute chose, une énantiodromie survient, le mode de connaissance masculin se fatigue. C'est un événement archétypique caractéristique. Ensuite le féminin, l'inconscient et la nature, le chaotique, ont à prendre le flambeau. Ce premier grand mythe illustre l'énantiodromie où le masculin, le dieu soleil mâle, remet tout son pouvoir entre les mains de l'ordre féminin.
.
.. nous assistons à une revalorisation du féminin dans les rêves actuels des hommes.
.. un homme, révulsé par le massacre .. au Tibet . P.97 .. rêva que la fin du monde arrivait et que quelques personnes dénichaient un vieux bateau enfoui dans un glacier de montagne. A son bord était assise une très belle femme. Le bateau ressemblait à l'arche de Noé s'élançant vers la mer. Seuls ceux qui s'embarquaient sur le vieux bateau avec la femme seraient sauvés.
. l'inconscient dit que ce que vous concevez dans votre esprit pensant, politique, masculin, n'est qu'un petit aspect de ce qui se passe réellement. Nous devons actuellement faire face au déluge.. il nous est montré que le principe salvateur est le principe féminin : ce n'est pas Noé qui se trouve dans l'arche, cette fois, mais une femme, une déesse. .
Ce n'est pas facile à interpréter. Toutefois, on trouve à la fin de la civilisation égyptienne une semblable énantiodromie. Isis tient soudain tout en mains et les dieux mâles s'affadissent. .. cela se passait à la fin de l'ère du Bélier et .. nous sommes maintenant à la fin de l'ère astrologique des Poissons : à nouveau une femme récolte la moisson au moment où les hommes montrent quelques signes de fatigue.
Mais l'ange n'a rien perdu quand il a confié son secret à la déesse. Il a continué à comprendre ce mystère lui-même ..
Oui, mais alors que l'ange ne faisait rien de sa connaissance et la gardait simplement pour lui, Isis en a fait quelque chose, elle a fondé l'alchimie. P.99
Troisième cours L'ALCHIMIE GRECQUE
. très souvent, à la fin d'une civilisation patriarcale survient une énantiodromie et le pouvoir passe à une figure féminine. . P.101
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Nous ne devons pas oublier que les déesses mères sont liées au concept de matière. Non seulement les mots « matière » et « mère » se rejoignent, mais l'entière projection de la matière - et l'idée archétypique, le modèle qu'en ont les hommes de sciences - vient de l'archétype de la mère. Platon, par exemple, dit que l'espace est comme une femme prenant soin de la totalité de l'ordre cosmique. L'espace est donc considéré comme un réceptacle féminin, une mère à la fonction nourricière.
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. L'histoire biblique voit, dans la transmission à l'homme de la connaissance, quelque chose de catastrophique ou d'infortuné, ce qui peut très certainement être mis en relation avec ceci : les sciences naturelles, y compris les mathématiques, ont, dès leur apparition, eu tendance à devenir autonomes, à posséder ceux qui s'y consacrent, à capter leur intérêt de façon si totalitaire qu'elles leur insufflent une passion démoniaque pouvant déstabiliser non seulement leur équilibre personnel, mais aussi, dans une certaine mesure, celui de la civilisation. . P.103
. le déséquilibre naît parce que, d'une certaine manière, un archétype sort de l'ordre instinctuel général. C'est pour cette raison qu'on peut dire que le mythe retraçant l'origine des sciences naturelles est en partie le mythe d'une dissociation dans le monde des instincts ; l'homo faber est dissocié ou dangereusement éloigné de ses racines instinctuelles naturelles. C'est ce que dit le mythe biblique, alors que le mythe d'Isis loue au contraire le même événement comme s'il s'agissait d'un énorme progrès. Si deux mythes existent, l'un et l'autre s'opposant tout au moins dans l'appréciation des faits, nous ne pouvons manquer de déduire que l'être humain est, même consciemment, habité par cette incertitude fondamentale ; le problème est réel et non inventé, et nous devons le considérer sous ces deux angles.
L'ange porte sur sa tête un vase.. qui contient de l'eau brillante. Cette eau absolument transparente, claire, .. est par excellence le symbole de la mystérieuse matière fondamentale. . l'idée de l'eau éternelle est l'un des très grands symboles alchimiques. C'est l'eau divine, qui, naturellement, n'est pas H20, mais bien plutôt un symbole pouvant désigner la matière la plus fondamentale du monde, la prima materia. Par cette image, il est donc dit que l'ange apporte le mystère de la matière fondamentale - du cosmos . il est possible, pensaient-ils, que tous les phénomènes matériels procèdent d'une seule matière fondamentale. La rechercher était leur grand fascinosum, car ils sentaient que, si l'on parvenait à découvrir ce matériau de base, on pénétrerait d'une certaine manière le tissu divin dont est fait le cosmos.
Isis réclame avec insistance le secret .
.. thème du grand secret qui ne peut être simplement énoncé de manière scientifique quand il est transmis d'un individu à l'autre. . P.105
. des connaissances de ce genre signifient pouvoir et argent .
Mais ce côté banal n'explique pas l'ensemble du phénomène. Voyez ce qui se passe dans l'analyse. . certaines choses ne peuvent être dites, expliquées ou faites qu'avec une seule autre personne. En général, si une analyse va suffisamment loin dans la profondeur, l'analyste et l'analysant parviennent à un point où ils sont dans un secret qui, savent-ils, ne peut être partagé avec nul autre et qui crée par conséquent une relation unique entre les deux.
Cela est perçu par l'entourage exactement de la même manière que l'alchimie a été ressentie, à savoir qu'il doit y avoir quelque chose de sale là-dessous, autrement on pourrait en parler très ouvertement. Mais. il est quasiment impossible de dire et faire certaines choses, excepté avec une seule personne. Toute relation humaine réelle et toute rencontre réelle avec l'inconscient ont un caractère unique et exclusif. C'est pourquoi les discussions de cas sont si difficiles et parfois même trompeuses. Certaines choses adviennent qui ne peuvent être relatées .. non par souci de discrétion .. mais parce qu'elles sont ineffables.
Il arrive que la relation humaine, ou l'analyse, se déroule dans un dialogue à demi-mot, très justement compris des deux personnes en présence, mais impossible à répéter dans une discussion .
Il y a aussi la « sympathie » entre deux personnes, la sympathia : toutes deux souffrent ensemble, sont impressionnées ensemble. Cet état où l'on est « ensemble », uni, où l'on participe à une expérience commune, ne peut pas s'expliquer - non pas parce qu'on veut le garder secret, mais parce qu'il est inexplicable, irrationnel et très complexe. On peut donc dire que dans chaque processus analytique il y a un secret dont on ne peut pas parler. . P.107
. Isis .. dit « Je suis toi et tu es moi » . C'est l'unio mystica. L'union mystique se situe au fond de ce que nous essayons d'éluder quand nous utilisons le mot « transfert » et en faisons quelque chose de technique, alors qu'elle est un mystère bien réel, une expérience mystique telle qu'elle ne peut jamais être transmise ou partagée avec une autre personne.
. Isis jure en invoquant . le nom d'Hermès, .. probablement .. Thoth, le dieu lune et le dieu singe, .. d'Anubis, .. et .. par le hurlement de Kerkoros, qui désigne le hurlement du chien Kerberos. Dans le texte parallèle, le nom est Kerkouroboros. Or l'Ouroboros est le serpent qui mange sa propre queue, ce qui incite à penser qu'il est ici fait référence à un démon qui a des attributs de chien et a été confondu avec un serpent ; il est décrit comme étant le serpent et le gardien des enfers. C'est donc un mélange de la figure du Cerbère, du Kerberos .. et de certaines figures égyptiennes du monde des enfers, des gardiens du seuil, parmi lesquels nous trouvons souvent le serpent qui mange sa propre queue. .P.109
. au moment où le dieu soleil se trouve dans les enfers et vit dans sa tombe l'instant où la mort et la résurrection se rencontrent il est représenté entouré d'un serpent. .
. Acheron.. Acharontos.. on pense immédiatement au fleuve des enfers, chez les Grecs, l'Achéron. .. quelle est la divinité ou la figure du monde des enfers qui a suscité l'évocation de ce nom.
. quelques amplifications . En Egypte, il y a un dieu - ou un concept - appelé Aker ou Akerou parfois, dieu qui est représenté par deux lions assis dos à dos, avec, quelquefois, le disque solaire entre leurs deux dos. Cette figure est appelée Rwti, ou double lion, et représente le dieu ou le mot Aker. L'image est celle d'un double lion, d'un double chien ou d'Hier et Demain, parce qu'elle représente la résurrection du dieu soleil dans la mythologie égyptienne. Hier il était mort, demain il sera de nouveau vivant. Minuit, l'heure où le soleil est à son point le plus bas et commence à se lever à nouveau, est le tournant, le passage de la mort à la vie, de hier au jour suivant. Ce moment le plus bas de l'énantiodromie et de la résurrection est Aker, car Aker signifie « ce moment ».
. Aker ne signifie pas uniquement le moment, mais aussi le lieu, l'emplacement où se situent la mort et la résurrection, hier et demain, la réapparition et la régénération du dieu soleil. Parfois pourtant, Aker ne représente pas le point le plus profond des enfers, mais la porte de l'Au-delà, dont les doubles lions sont les gardiens. Deux idées s'entremêlent : Aker est soit le seuil de l'Au-delà, le limen, soit le point le plus profond du monde des enfers lui-même.
. ... Quand le dieu soleil dit: « Ceux qui sont en toi m'appellent », Aker est simplement le monde des enfers dans sa totalité, l'espace qui compose ce monde, dont les habitants sont le dieu des morts et les esprits des morts; ils appellent le dieu soleil au moment où celui ci plonge dans le monde souterrain. . Chepera est la forme du dieu soleil qui est en train de ressusciter : c'est comme s'il était dans l'ouf, dans l'enveloppe, et allait apparaître l'instant suivant sous l'horizon. ..Chepera, le scarabée.
... Aker est non seulement le double lion ou la porte de l'Au-delà, mais cet espace mystérieux, dans les enfers, qui contient les défunts et les images de tout ce qui existe. Il les regarde et les tient dans ses bras. ... Aker est la grande image qui porte le corps du dieu soleil ... Le dieu soleil dispense sa lumière sur tout ce qui repose entre les bras d' Aker, et Aker se charge de réunir, de rassembler les os éparpillés du corps mort.
... les morts sont démembrés comme l'a été Osiris, et doivent être recomposés avant de pouvoir ressusciter, se lever, quitter le monde des enfers. Aker est l'agent permettant de rassembler les os et les membres du dieu.
... Aker et Schou, le dieu de l'air, sont les deux créateurs du monde. .. Aker est non seulement l'agent permettant au dieu soleil et à l'ensemble du monde des enfers de ressusciter, mais c'est également par son action que le monde se crée. . Il arrive que les doubles lions soient remplacés par deux des chacals d'Anubis, deux animaux ressemblant à des chiens; l'inscription dessous est alors: « Voici ceux qui ouvrent la voie, les agents de la résurrection ».
. la teneur principale du grand secret imparti par Isis à Horus, P.113 c'est : un lion engendre un lion, l'orge engendre l'orge, .. etc.
Ce qui paraît être de prime abord une déclaration complètement banale sur la nature, à savoir le secret de la génération sexuelle, de la reproduction, de la germination des plantes, se révèle donc avoir un tout autre réseau d'associations chez les Grecs et les Egyptiens.. Ces images étaient toutes reliées ou associées à l'idée de la résurrection des morts, à la recréation du dieu soleil et à la recréation du monde. .
.. la résurrection d'Osiris a .. été comparée la résurrection du grain. . rites au cours desquels un pin était abattu et évidé, un pin représentant le corps d'Isis ou le cercueil, car le cercueil est la déesse mère.. On y déposait du blé, du froment ou de l'orge, on arrosait et les graines germaient quand on les mettait au soleil, ce qui représentait un rituel printanier de résurrection. .. momie de blé.. « jardin d'Osiris ».. On répétait ce processus à chaque enterrement égyptien classique : on plaçait du blé à l'intérieur des gaines ou bandelettes entourant la momie du défunt, on arrosait d'eau et, quand le blé commençait à germer, c'était un signe que le mort était ressuscité. . Le grain qui meurt dans la terre pour ressusciter sous la forme de blé ou d'orge est donc un processus étroitement associé dans l'esprit des gens à l'idée de la résurrection du dieu Osiris tout d'abord, puis, plus tard, de tout être humain. (longtemps été l'image du processus de transformation, de la vie elle-même) . P.115
. pour comprendre.. il faut en premier lieu se montrer extrêmement naïf.
Supposons que vous pensiez à votre propre résurrection - pour peu que, sans y croire vraiment, vous en espériez une. Naturellement, la première chose qui se présente à l'esprit, c'est le corps et ce qu'il advient de lui. Les vers le mangent ou il est brûlé au crématoire et se transforme en cendres. Si nous sommes naïfs et honnêtes, nous ne pouvons détourner notre esprit de la vision immédiate de ce qui reste de nous après la mort. C'est pourquoi, dans toutes les civilisations humaines, le corps, représentant un mystère, est traité avec grand soin et se trouve soumis à toutes sortes de rites. La forme de l'être humain qui vivait est encore présente, quelque chose manque ou a changé. . Dans la mesure où vous espérez la résurrection, vous pensez que, .. le corps qui s'est désintégré doit se recomposer d'une manière ou d'une autre. Si vous laissez le cours de cette pensée se dérouler naïvement, vous en venez à imaginer que, si l'on connaissait la matière fondamentale à partir de laquelle est élaboré P.117 .. le corps, il pourrait alors être reconstruit.
. Ils (les gens) parlent du corps glorieux, mais se demandent si, à la base, il ne doit pas y avoir une matière ou une substance fondamentale. Nous ignorons ce qu'est la matière, mais à partir de cette substance de base - que nous ne connaissons pas et qui appartient au secret de Dieu, pourquoi Dieu ne recomposerait-Il pas le corps entier ? . Ainsi, le problème de la résurrection se trouve plus ou moins lié au problème de la matière, laquelle, suppose-t-on, peut se transformer moyennant qu'elle ait une forme fondamentale. (Cf. guérisseurs Philippins)
Or, s'il existe une matière de base qui peut être transformée en quelque chose d'autre, cette matière fondamentale est immortelle et ne peut être dissoute. C'est l'idée même de l'atome : ce qui ne peut plus être divisé, la particule ou la substance fondamentale. . sens du mot atome, qui signifie aussi « individuel », « unité dernière ».
. C'est parce que le problème de la résurrection des morts a été étroitement associé au problème posé par la matière et aux investigations faites dans ce domaine que l'espoir de parvenir à l'immortalité aussi bien que l'immense poussée émotionnelle ressentie par l'homme qui aspire à l'immortalité sont passés à cette époque dans l'alchimie. Ainsi se trouve expliqué comment les images du processus d'individuation ont été projetées dans ces problèmes. . P.119
Ex. de l'enfance : résine et perle d'ambre ronde. P.121
. opérer dans le secret et la solitude. provoque toujours une montée de l'inconscient.
. l'activité enfantine qui m'occupa pendant une année comme étant un jeu ou une imagination active élaborée avec des substances chimiques : c'est dans une large mesure ce qu'est l'alchimie. L'imagination active peut se pratiquer à l'aide de couleurs ; de nos jours, elle prend souvent pour support la peinture ou consiste fréquemment à écrire des histoires, mais elle peut également adopter d'autres formes, comme celle de rassembler des substances et de les mélanger. C'est ce que les alchimistes faisaient. Ils s'éloignaient par suite de la pure expérimentation chimique et en venaient à réaliser une expérience où prédominait le matériel imaginaire.
Des événements synchronistiques surviennent dans ces moments. Ils sont perçus comme des miracles et, naturellement, confirment les fantasmes. .
Le moment où quelque chose cristallise dépend de facteurs très irrationnels. .
Vous pouvez appeler cela une synchronicité, mais ce faisant vous n'avez rien expliqué. C'est simplement un fait. Il montre que nous ne savons pas comment l'inconscient est relié à la matière, mais seulement qu'il l'est et qu'il perçoit ce genre de choses. . Il semble que la chimie, même dans ses formes les plus modernes, est encore reliée à l'inconscient de la personne qui conduit l'expérimentation . P.123
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Olympiodore parle.. du plomb noir ; .. il désigne par ce mot la substance originelle et, par suite, le mystère .. déjà évoqué, celui de la prima materia, de la substance fondamentale dont est fait le monde et en laquelle réside le secret de la vie et de la mort détenu par Dieu. . il l'oppose au plomb commun. .
. Seth tua Osiris de la manière suivante : il fabriqua d'abord un cercueil en plomb puis, lors d'une réunion, invita des gens ivres à y pénétrer sous prétexte de trouver à qui il conviendrait. P.133 Mais quand Osiris entra dans le cercueil, Seth referma promptement le couvercle, le couvrit de plomb et le jeta à la mer. C'est pourquoi on peut dire qu'Osiris fut suffoqué dans le plomb. Vous pouvez donc concevoir la tombe d'Osiris comme un cercueil de plomb, ou un cercueil plombé, dans lequel repose le dieu mort ou sous la forme que lui confère la mort.
.. Osiris repose, semblable à une momie, dans le cercueil, et seul son visage est visible. . Si vous deviez interpréter symboliquement ce trait comme vous le feriez s'il apparaissait dans un rêve, vous diriez qu'il désigne vraisemblablement un être à moitié humain : si le vissage est humain, on peut comprendre en partie cet être d'un point de vue humain, mais il est une partie qu'on ne peut pas comprendre.
Olympiodore poursuit .. Osiris lui-même est le cercueil « suffoqué », ou la tombe, qui cache ses membres et ne montre que son visage aux êtres humains. . « les mortels ». Osiris est immortel, ou il est l'immortel mortel ; il ne montre aux mortels que son visage humain et laisse secret le reste de son corps. « Cachant les corps, la nature s'est émerveillée, ou s'est étonnée ». Je ne peux comprendre entièrement cette phrase, sinon dans le sens que c'est en partie compréhensible parce qu'il y a un visage humain, et en partie un mystère, ce dont la nature elle-même s'émerveille. . « C'est le principe de toutes les substances humides », c'est-à-dire la matière de base, la matière originelle, le point de départ (Arché). La substance humide désigne la matière de base du cosmos, prise dans la sphère du feu.
. correspondance exacte entre la matière placée, puis cuite dans un récipient solidement scellé, et l'esprit divin, Osiris, l'homme-dieu, reposant, mort, dans cercueil de plomb. La matière dans le récipient est exactement dans le même état qu'Osiris.
. analogie.. Osiris pris au piège par Seth ; or, puisqu'il a été pris par Seth, par le principe du mal, il est transformé et ressuscité. . l'emprisonnement dans un cercueil, ou dans un vase alchimique, pourrait représenter un processus de suffocation, la mort par suffocation de la prima materia.
. il y a ici une analogie avec ce que nous faisons quand nous mettons un terme aux naïves projections de quelqu'un et le forçons à ne considérer que ce qu'il est lui-même : cela ressemble à une suffocation. P.135 En effet, le désir que l'on ressent quand on se rend chez son analyste, c'est de lui dire : « Ma mère m'a élevé ainsi. » Ce à quoi l'analyste rétorque qu'on devrait essayer de déceler le rôle joué par le complexe mère existant à l'intérieur de soi et s'efforcer d'accepter tout ce qu'on a précédemment reproché à Dieu, au Destin, aux parents et au mari. Cela doit être entièrement repris à son propre compte, et on suffoque, on vit une sorte de mort, car le besoin de tout projeter à l'extérieur se trouve interrompu.
Fig.23. Le vase alchimique scellé (contenant ici le Mercurius en tant que symbole de l'esprit emprisonné dans la matière) est psychologiquement comparable à une attitude d'introversion fondamentale, au sein de laquelle les attitudes et les émotions peuvent se transformer.
Le vase est un symbole évoquant l'attitude qui consiste à empêcher que quelque chose ne s'échappe vers l'extérieur ; c'est une image qui reflète fondamentalement l'introversion, attitude qui, par principe, ne laisse rien fuir vers le monde extérieur. L'illusion selon laquelle l'ensemble de nos difficultés se situe à l'extérieur de nous parvient à son terme, et il s'agit de considérer les choses à partir de l'intérieur. C'est ainsi que l'on « suffoque », que l'on resserre le mysterium de l'inconscient. Nous ne savons pas ce qu'est l'inconscient, mais nous le « suffoquons » grâce à ce traitement concentré qui permet d'arrêter toute projection et d'intensifier le processus psychologique. Cette torture est aussi assimilée au feu, parce qu'au moment où le flot intense des processus psychologiques se concentre, on est rôti, grillé dans ce qu'on est. C'est pourquoi la personne dans la tombe et la tombe elle-même sont une seule et même chose : vous rôtissez dans ce que vous êtes vous-même, et non dans autre chose ; ou, pourrait -on dire, on cuit dans son propre jus, ce qui implique qu'on est la tombe et ce que contient la tombe, celui qui est suffoqué et celui qui suffoque, le cercueil et le dieu mort à l'intérieur.
Celui qui est à l'intérieur n'est pas l'ego, naturellement, mais la totalité de l'être, car c'est elle qui est en jeu et non l'ego qui, lui, s'enfuirait. C'est en effet si douloureux que nous essayons tous de nous échapper. . P.137
. je n'ai analysé personne qui n'ait parfois flirté avec l'idée de tout laisser tomber et de retourner à la vie dite normale. II est fort probable .. que le texte évoque .. ce désir en décrivant la femme qui tente toujours de s'échapper et qui doit être attachée, liée au quadruple corps, ou quatre-corps.
. les hommes de cette époque croyaient qu'Adam avait été créé à partir de l'argile, et qu'en conséquence l'argile était la prima materia de 1'homme, le secret à la base de l'homme. .
L'homme formé à partir de l'argile était donc Adam, qui était à cette époque un symbole du Soi : il était .. l'homme sortant tout juste des mains de Dieu, l'homme pur qui n'a pas encore passé par le processus de la corruption. . tel est donc l'homme qui a été pétri. .. Olympiodore ne nomme pas Adam, c'est qu'Adam est associé, à la corruption, à Eve, etc. . il désigne l'Adam originel, non corrompu, venant d'être créé par Dieu, ce qui de toute évidence, se rapporte à la prima materia que nous appelons le Soi. . P.139
. L'or de la terre éthiopienne .. engendre l'homme - à partir de gouttes, et des fourmis d'une certaine espèce l'amènet à la surface de la terre et s'en réjouissent.
C'est une référence aux fameuses Arimaspes . énormes fourmis, aussi grandes que des êtres husmains qui extrayaient de l'or de la terre. .
. dans le symbolisme de la fourmi .. selon certaines versions, les fourmis ressuscitaient le soleil en le poussant chaque matin au-dessus de l'horizon. On peut jonc les mettre étroitement en parallèle avec le scarabée égyptien qui pousse chaque matin le disque solaire au-dessus de 1'horizon et l'aide à se lever. Le scarabée est un symbole du soleil levant et de la résurrection. Dans l'Antiquité tardive, la légende du scarabée s'est vue remplacer certaines traditions par celle de gigantesques fourmis qui avaient exactement la même fonction. A nouveau, on se réfère ici à la résurrection du soleil, à l'instant de la toute première création du dieu soleil, lequel est, selon notre interprétation, le symbole de la conscience.
En langage psychologique, on dirait : Retrouve l'être humain originel à l'intérieur de toi, retourne en ce lieu où les réactions du système nerveux sympathique ( ou de ton inconscient) sont reliées à l'origine de ta conscience. De manière plus exacte, cela signifie : Retourne en ce point qui est l'origine de ta conscience, essaie de retrouver ce lieu d'où surgit ta conscience, au seuil de l'inconscient.
Puis mets cet « Adam » avec sa femme, la vapeur, jusqu'à ce que l'eau divine amère en sorte. Cela signifie que cet Adam, la chose originelle, s'unit à son contraire qui paraît être une substance ressemblant à de la vapeur, et tous deux donnent naissance à une substance humide, amère. Tel est le thème de la conjunctio : les contraires sont mis en présence, unis, et il en résulte l'eau divine mystique, l'eau amère.
Le sens psychologique serait celui-ci : Place-toi dans une attitude de réflexion et demande-toi d'où viennent tes processus conscients ; relie cette réflexion aux images qui montent en toi - la vapeur qui émane de l'inconscient -, et ainsi peut se créer une vision intérieure très pénétrante, qui est amère. La perspicacité acquise en nous regardant tels que nous sommes est en général si amère que fort peu de personnes se soucient d'avoir ce regard. C'est pikros.., c'est corrosif et très désagréable pour les illusions qu'entretient la conscience. P.141 La raison pour laquelle nous parlons de la « connaissance amère » , de la « réalisation amère » et de la « vérité amère », c'est que la connaissance de soi commence par être une expérience amère.
. Olympiadore.. décrit une expérience intérieure, religieuse, qui allie la méditation à l'expérimentation de phénomènes matériels. C'était la base de l'alchimie.
. Olympiodore connaissait Zosime, lequel avait pour théorie mystique qu'Adam tait l'homme originel, non corrompu. Il s'agit donc bien ici d'Adam avant la Chute.
La sphère du feu garde le plomb et le « suffoque » .. c'est la chose mâle, et le plomb est possédé de manière si démoniaque, si dénuée de tout scrupule que ceux qui souhaitent l'examiner succombent à la folie en raison de leur inconscience et de leur manque de connaissance en matière de gnose.
En chimie. On sait que le plomh peut être un poison. Cet aspect chimique coïncide tout naturellement avec le moment (au début d'une analyse par exemple) où l'on se penche sur l'inconscient : des pulsions et des émotions montent, si puissantes que l'on passe par des états pouvant conduire à la folie. Les alchimistes attestent souvent que nombre d'entre eux ont perdu la tête, ce qui peut se comprendre littéralement. . P.143
Quatrième cours L'ALCHIMIE GRECQUE, 1'ALCHIMIE ARABE
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D'après Zosime, l'alchimie a pour tâche de rassembler les étincelles de lumière d'Adam et de le ramener au Paradis. . P.145 (Fig. 26 : Adam déchu représente la prima materia ; de son phallus - la virilité créatrice - croît l'arbre de vie. )
. Psychologie et Alchimie traitant de l'Adam déchu, de l'anima et de l'homme déchus, où Jung présente certains textes indiquant que cette chute est le reflet d'une projection. .. le mythe de l'ange ou d'Adam ou d'une anima cosmique tombant dans la matière représente le moment où cette figure se trouve projetée dans la matière. Ce genre de théories, qui affleurent de l'inconscient au cours de l'activité alchimique, laissent transparaître l'idée que le symbole du Soi est soudain recherché dans la matière en toute conscience. . P.147
. Ce qui déclenchait l'impulsion et la libido nécessaires pour tenter de comprendre le mystère de la matière, c'était une poussée émotionnelle réelle, jointe à un véritable désir de découvrir en l'homme sa part d'immortalité.
.. se greffèrent les théories de l'élixir de vie, du pharmakon de vie, etc. Transcrite en termes psychologiques actuels, cette part d'immortalité à la mort correspondrait à un aspect du Soi, à ce qui, en l'homme, est essentiel, incorruptible et le dépasse.
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Laissé à sa condition primitive, l'homme est naturellement religieux et sa religion s'inscrit dans la totalité de son être et de ses activités. . Un retour à une attitude envers la vie qui serait celle de l'évidence primitive est requis pour faire l'expérience du Soi. En effet, ni la conscience ni la partie développée de la personnalité ne parviennent au Soi, lequel ne se dévoile que si l'on revient d'abord à cette attitude humaine primitive. . P149
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Oui, la participation mystique est l'une des caractéristiques de la religion primitive comme le sont l'observation des événements synchronistiques, celle des signes, le refus d'agir sans déceler d'abord les symptômes ou les signes intérieurs et extérieurs, ou, selon une définition, l'attention sincère et constante portée aux facteurs inconnus.
D'après cette définition serait religieux celui qui agit en n'étant pas seulement en accord avec le raisonnement conscient, mais en prêtant aussi une attention constante aux facteurs inconnus sous-jacents et en les respectant. Ex. du café.
On peut se moquer de cette attitude et la traiter de superstition, ce qu'elle est, naturellement, à un certain niveau. Pourtant, loin d'être purement mécanique comme, par exemple, l'idée qu'il faut s'en retourner si un chat noir passe sur son chemin, elle incite plutôt à se concentrer à tout moment pour essayer de recevoir un signe du Soi ou de l'intérieur. Dans la philosophie chinoise, l'attitude équivalente consiste à prêter constamment attention au Tao, à déceler si ce que je fais maintenant est juste, en Tao. Bien entendu, les arguments personnels, la considération du pour et du contre existent aussi, mais vivre de manière religieuse signifie être sans cesse en éveil de manière à percevoir les puissances inconnues qui, elles aussi, gouvernent une vie. Si je n'ai pas d'indication contraire, je peux décider de prendre un café puisque j'ai le temps, ou parce que j'aime bien ça. Un signal ne retentit pas toujours pour nous prévenir, mais, s'il résonne et qu'on l'ignore, un certain ordre est détruit. L'attitude primitive et religieuse implique que l'on n'omette jamais de prendre ces puissances en considération. . ex. du voyage de Jung en Afrique . P.151
. Dans la nature, on est constamment confronté avec ce genre de situations et notre inconscient sait véritablement à quoi s'en tenir. Quant on vit dans une nature sauvage, l'attention portée à ces facteurs est donc essentielle à la survie. Les animaux sont toujours avertis des tremblements de terre et d'autres dangers, ils les perçoivent instinctivement et, si nous-mêmes y faisons attention, nous en sommes aussi informés par nos rêves. Telle est la raison pour laquelle, de manière très adaptée et raisonnable, ces indigènes tenaient compte de leurs rêves chaque matin.
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A dire vrai, « télépathie » signifie uniquement être conscient de ce qui se passe au loin, mais cela n'explique rien, ce n'est qu'un mot. La seule chose que nous sachions, c'est que dans l'inconscient - fonctionnement instinctif des animaux supérieurs, y compris l'homme - existe une sorte de conscience, de sensibilité surnaturelle ou plutôt « surrationnelle » nous permettant de connaître ce que nous ignorerions par ailleurs de façon rationnelle. C'est pourquoi il est sain, salutaire et très important de prêter attention à de telles impulsions. Celles-ci ne semblent pas ouvrer uniquement pour la survie des animaux et des êtres humains, mais paraissent s'étendre au-delà et conférer à la personne un développement, une maturité et un bien-être psychologique supérieurs. C'est ce que nous appelons l'inconscient sous son aspect protecteur et guérisseur.
Selon notre définition, la religion dans ce qu'elle a de plus fondamental serait tout simplement une incitation à rester constamment vigilants et attentifs à ces faits, au lieu que nous réglions notre vie en nous contentant de rendre des décisions rationnelles conscientes, de peser le pour et le contre avec notre seule raison. La religion fait partie de la vie quotidienne dans les sociétés primitives. . I1 n'y a rien de mystique, de transcendant ou de spécial à tout cela ; l'attitude religieuse est liée à l'idée de survie, c'est pourquoi être religieux offre l'avantage immédiat d'assurer la survie. P.153
Quand nous nous trouvons confrontés au phénomène de la névrose, quand nous voyons des gens pris dans tout un réseau de difficultés, nous essayons de découvrir ce que l'inconscient a à dire et nous constatons que les analysants sont d'abord induits à s'occuper davantage de leurs instincts, derrière lesquels s'ouvre le phénomène entier de la perception et de l'expérience religieuses. Naturellement, Jung débuta comme le font tous les médecins et, étant de surcroît en relation avec Freud à cette époque, il crut que s'il aidait les gens à devenir plus instinctifs ils jouiraient d'une meilleure santé ; mais il découvrit plus tard qu'au-delà de l'instinct se manifestait aussi la religion, ou que cette dernière était quelque chose d'instinctif et de complètement naturel, car l'homme naturel est religieux. En redécouvrant l'homme naturel, spontané, à l'intérieur de soi on retrouve donc une attitude religieuse, car l'un ne va pas sans l'autre.
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L'étymologie du mot religio a donné lieu à une dispute : vient -il de religare ou de religere ? Naturellement, ces deux termes ont la même racine : legere, ramasser. A l'origine, ce mot désignait le fait de ramasser ou de rassembler le bois, mais legere, lire, a pour autre connotation celle de « rassembler », de « mettre ensemble » chaque lettre individuelle. .
Religare a été accepté comme l'interprétation officielle depuis l'époque de saint Augustin qui s'appuyait sur une réflexion théologique et voyait dans ce terme le lien avec Dieu, le retour à Dieu. Saint Augustin dit que l'homme a été séparé de Dieu par le péché originel et que la religion a pour tâche de le ramener et le relier à Lui. .. cette interprétation .. reflète bien l'idée chrétienne de la religion. Les étymologistes modernes pensent que religion vient probablement du mot religere , qui signifierait : « considération attentive ». Les amplifications que j'ai pu donner - vigilance à l'égards de facteurs irrationnels, par exemple - ne se trouvent pas dans le mot lui-même qui signifie simplement « considération attentive ». Le « re » implique un « retour en arrière » et indique qu'on regarde derrière soi pour vérifier si ce qui est derrière suit ou hésite. Il est toujours utile de considérer ce que les autres forces ont à dire sur notre vie et de s'assurer qu'elles peuvent s'exprimer.
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La superstition serait la mécanisation de cette attitude. En règle générale, quand on touche du bois, quand on dit qu'un chat noir porte malheur ou qu'on cite le dicton « araignée du matin, chagrin », on a affaire à des superstitions. Elles peuvent avoir un fond de vérité, mais, si l'application devient mécanique, si l'attention sérieuse portée aux signes se codifie, la superstition entre en jeu. Une araignée signifie que l'on file, que l'on tisse des fantasmes. P.155 Par superstition, on dit que le matin l'araignée porte malheur, alors que le soir elle porte bonheur. Le sens, en fait, est évident : si, le matin, on se montre endormi et indolent, si on se lève tard, qu'on traîne à moitié habillé en ne cessant de penser à ses problèmes névrotiques, l'araignée du matin est présente et elle ne peut manquer de porter malheur. Mais si, après avoir travaillé toute la journée, on allume une cigarette le soir, assis devant la maison comme le font les paysans, et qu'on laisse courir son imagination, ou qu'on se mette à philosopher sur la vie, cette attitude est tout à fait légitime et est un bonne façon de se préparer à aller dormir. C'est pourquoi l'araignée du soir est favorable. Telle est probablement l'origine et le sens de cette superstition très courante. L'araignée est un symbole négatif de la mère, c'est aussi la Maya et elle a d'autres sens. Quand elle vient le soir ou au soir de la vie, c'est très bien, mais il est très mauvais de commencer la journée en sa compagnie.
. sur les superstitions courantes et .. ce qu'elles signifient symboliquement. .. les analyser, car elles sont riches de sens. Seule l'application mécanique relève de la superstition dans le mauvais sens du terme et, n'étant plus qu'une stupide habitude, n'a rien à voir avec la véritable attitude religieuse.
. conjonction du masculin et du féminin ; et l'enfant est l'eau divine amère. On dit de la femme qu'elle est de la vapeur. D'autres textes montrent qu'il est courant de considérer la vapeur comme étant la psyché de la matière. . dans les vieux textes alchimiques la vapeur se rapportait toujours à la psyché, à la matière sublimée, au corps subtil, à une substance à moitié matérielle. Dans les évocations d'expériences parapsychologiques, il est souvent rapporté que l'apparition d'un fantôme est précédée de quelque chose qui ressemble à de la vapeur, ou à une nébuleuse. . parmi les idées archétypiques les plus P.157 fortes se trouve celle que la psyché a partie liée avec la vapeur, ce qui exprime l'idée qu'elle se rattache plus ou moins à la matière solide tout en n'étant pas identique à elle. A cela s'ajoute sans doute une touche qui relève ici de l'anima, car ce texte a probablement été écrit par un homme.
Fig.28 L'eau de vie coule entre les contraires : le masculin (la conscience solaire représentée ici par le soufre) et le féminin (la conscience lunaire symbolisée par le Mercurius, l'esprit de l'inconscient).
De l'union de la substance mâle et de la vapeur naît l'eau divine amère. Le mot « divin » s'exprime en grec par theion, qui désigne également le soufre. .. « eau divine », « eau sulfureuse ».
Il est fréquent de projeter la connaissance sur l'eau en général, y compris l'urine. . on dit de quelqu'un qui raconte un bon nombre de bêtise, qui ne parle que pour parler, qu'il urine ! Très souvent les personnes souffrant de problèmes rénaux psychogéniques sont remplies de mauvaises eaux, car elles n'ont pas une bonne attitude à l'égard de la connaissance : n'ayant pas su établir le juste lien, elles se contentent de déblatérer tout un flot de notions indigestes, comme si elles urinaient. .. l'eau a habituellement quelque chose à voir avec la connaissance émanant de l'inconscient et que cette connaissance peut être utilisée à bon ou à mauvais escient.
Dans l'alchimie, l'eau était soit un important facteur de guérison, soit un poison destructeur. Nous interprétons généralement l'eau comme étant l'inconscient et établissons des distinctions de sens selon le contexte. Si, dans le rêve d'un patient, l'eau monte ou qu'une grosse inondation se déclare, nous disons : « Faites attention ! L'inconscient est en train de vous submerger ! » L'eau est ici négative ; en revanche, si vous êtes dans le désert, si vous avez soif, l'eau de vie apparaît alors. Le Christ est la source de vie . Dans toutes les religions, l'eau est la substance vitale ; .. l'extractio de l'anima, ou la connaissance humide, est ce qui intervient dans l'interprétation d'une situation psychologique ou d'un rêve. P.159
Si quelqu'un vient nous voir, tourmenté par un problème, nous examinons le rêve qui commente la situation au lieu d'argumenter avec cette personne. Peut être le songe pourra-t-il être interprété de manière à vivifier le rêveur. Dans un cas comme celui-là, la connaissance obtenue de l'inconscient a la qualité de l'eau de vie : c'est comme si cette personne buvait de cette eau, l'eau de la vie, et pouvait repartir avec le sentiment que quelque chose commence à couler et met fin à une période de stagnation. Puis une certaine tension peut réapparaître jusqu'à la séance d'interprétation de rêves suivante, car l'analysant se demande comment l'aventure intérieure va se poursuivre et permettre que la vie prenne un nouveau départ, coule à nouveau.
A l'opposé, nous avons tous vu des personnes noyées dans l'inconscient, c'est-à-dire schizoïdes ou « cas limites », ou d'autres vivant un épisode psychotique et parlant avec le savoir de l'inconscient. . Tel est le savoir de l'inconscient : il est fait d'eau, même s'il peut être plein de sagesse ; mais la tête de celui qui parle est sous l'eau, si bien que c'est le savoir qui le possède et non lui qui détient le savoir. Le pauvre est littéralement noyé dans la sagesse de l'inconscient dont il ne veut néanmoins pas sortir, car il sent qu'il est immergé dans quelque chose de bon, de merveilleux. C'est ce qui explique pourquoi la plupart refusent de guérir.
Considéré sous l'angle de la raison, c'est toutefois se trouver là dans de bien mauvaises conditions, car ces personnes deviennent si inadaptées qu'elles doivent être enfermées. Même si elles sont loin de dire des absurdités, elles ont trop d'eau de vie. Si vous avez des connaissances suffisantes en symbolisme, vous pouvez comprendre de A à Z ce que dit un psychotique.
Notre texte décrit la situation normale et dit que l'eau divine doit résulter de la conjunctio : transcrit en termes psychologiques, c'est ce que nous faisons tous les jours : nous unissons notre attitude consciente à l'inconscient, dans l'interprétation des rêves par exemple, et obtenons grâce à cela la connaissance vivifiante, le sens et la compréhension. Telle est donc l'eau. Or cette eau est dite amère. Pourquoi ?
Parce qu'elle est vérité.
. Très souvent, nous ne réagissons pas bien, ou plutôt très mal à cette eau, car il est fréquent que la vérité révélée par l'inconscient soit très amère. La pilule est difficile à avaler parce qu'elle est faite d'évidentes critiques de nos attitudes et il est amer d'en faire l'expérience. Ce point pourrait expliciter les résistances à la psychologie manifestées par un grand nombre de personnes qui ne veulent pas avaler la pilule amère. Elles ont la vague impression P.161 d'être complètement « à côté de la plaque » et perçoivent qu'elles pourraient recouvrer la santé dans la mesure où elles accepteraient d'avaler certaines critiques. Elles sont déterminées à lutter si la critique vient de l'extérieur, mais c'est très embarrassant pour elles si la critique vient de l'intérieur. L'analyste toutefois peut alors prendre du recul et dire qu'il est désolé, que c'est le propre rêve de l'analysant et non quelque chose que lui-même avance. La personne doit alors avaler la critique.
Fig.29 La conjunctio, l'union des opposés, représentée sous les traits d'un jeu harmonieux entre l'eau et le feu.
. Nous avons donc Osiris, la sphère de feu, l'eau mâle, et tous trois suffoquent dans le plomb, l'ennemi.
L'Antiquité tardive connaissait le plomb et l'assimilait à la planète Saturne dont il partageait les mêmes attributs : du côté négatif, la dépression et, du côté positif, la dépression créatrice. Saturne est le dieu des mutilés, des criminels et des handicapés, mais aussi des artistes et des créateurs. Dans notre langage actuel, il désignerait l'étrange tonalité qu'acquièrent certaines dépressions au cours desquelles le sentiment prédominant est d'être littéralement de plomb. . « Aujourd'hui, je me sens lourd comme du plomb. » .
Comme l'indique le mot, dans une dépression, on est P.163 pressé, compressé vers le bas. La raison en est, d'habitude, que la libido psychologique est en partie en bas et qu'il faut aller la chercher pour la ramener en haut. En effet, la véritable énergie, la vie réelle, est tombée dans une couche plus profonde de la personnalité et ne peut être rejointe qu'au prix d'une dépression. A moins qu'il ne s'agisse d'une psychose latente, il faudrait donc encourager les gens à vivre une dépression et leur dire d'y entrer pleinement, d'être déprimés sans essayer de s'échapper en écoutant la radio ou en lisant . ; et si la dépression exprime que la vie ne signifie rien, que rien ne vaut la peine d'être vécu, accepter qu'il en soit ainsi et dire : « Bon, et alors ? » J'ajouterais même : « Ecoutez, descendez de plus en plus au fond, jusqu'à ce que vous rejoigniez le niveau où se situe l'énergie psychique et d'où puisse émerger quelque idée créatrice, car là, tout au fond, une pulsion de vie et de créativité négligée peut soudain apparaître. »
Les gens qui par profession sont des créateurs, comme les artistes, les grands acteurs, savent qu'avant chaque représentation, ou création nouvelle, ils risquent d'être à nouveau pris par ce genre de dépression. Chacun peut vivre cela à une plus petite échelle. Le sens implicite, c'est qu'on a négligé certains facteurs créateurs, lesquels se sont constellés en bas et ont attiré à eux la libido, causant indifférence, apathie ou manque d'énergie. Il peut s'agir aussi d'un symptôme prépsychotique. Ce qui monte ensuite est également un contenu créateur, mais il prend de telles proportions qu'il peut détruire la personnalité. Quand de semblables cas se présentent, on doit réfléchir à deux fois avant d'encourager la personne à entrer dans la dépression parce que, bien que le mécanisme soit le même, on court le risque que la poussée soit trop forte et fasse éclater la personnalité. En fait, le plomb est cette lourdeur, cette apathie, ce sentiment de vide qui recouvre ou étouffe les contenus de l'inconscient.
. il y a dans le plomb une part de folie, ce qui renvoie à une autre réalité : si vous creusez et approfondissez les états dépressifs qui s'emparent des êtres, vous découvrez en général au fond d'eux-mêmes, soit des contenus créateurs, soit un désir violent qui n'a pas été sacrifié. Les gens déprimés rêvent fréquemment de lions voraces ou d'autres animaux dévorateurs tels que des dragons .. ce qui signifie qu'ils sont déprimés parce qu'ils sont frustrés dans l'accomplissement de leurs désirs les plus fous. Ils veulent tout : faire la pluie et le beau temps, avoir le partenaire idéal, être riche et tout le reste. Semblables à des enfants, ils aspirent sauvagement à dévorer tout tout de suite, mais comme, dans le même temps, ils sont suffisamment intelligents pour savoir que la vie, ce n'est pas ça, qu'ils ne peuvent pas avoir tout ce qu'ils veulent, leur désir rentre sous terre et se transforme en un maussade état dépressif. Ce genre de dépression exprime un désir boudeur frustré et explique pourquoi l'on sombre P.165 dans une affreuse dépression quand une histoire d'amour tourne mal. Le lion, frustré, s'en retourne bouder dans sa tanière.
Fig.30 Le « lion vert » alchimique dévorant le soleil fait allusion à la manière dont la conscience peut être envahie par de violents désirs frustrés (souvent masqués sous le couvert de la dépression).
Certaines personnes abritent un tout petit enfant frustré en elles. . Ces personnes infantilement exigeantes compensent ce trait en se montrant extrêmement correctes, parce qu'elles savent que, si elles prêtent attention à leurs demandes, le lion dévorateur pointera et, naturellement, l'analyste ripostera. Or, comme elles ont déjà fréquemment vécu ce type de situations, elles dissimulent leurs sentiments jusqu'au moment où, un jour, elles se risquent à les montrer et reçoivent en retour un coup sur la tête. Alors, l'enfant blessé se replie une fois de plus sur lui-même, amèrement frustré ; et survient la dépression, le lion dévorateur. Ce sont des réactions archaïques qui appartiennent à la nature primitive et surgissent sous forme de conflits quand le besoin de manger ne peut être satisfait et provoque la manie dépressive.
Tel est le symbolisme de la folie vécue dans le plomb ; mais en elle se trouve aussi Osiris, l'homme immortel, et ce n'est qu'en acceptant cette ombre en vous que vous parvenez au contenu créatif où se cache le Soi. On pourrait dire de l'enfant frustré qu'il recouvre une image du Soi, et du lion dévorateur qu'il est également un aspect du Soi.
L'image du lion dévorateur est très évocatrice. En effet, si je crois que je dois être le premier en tout, avoir le plus beau partenaire, avoir de l'argent, être heureux, etc., il s'agit d'un fantasme, celui du paradis. Et qu'est ce que ce paradis ? C'est une projection du Soi ! Le désir tout vivre ici et maintenant, voilà en quoi réside l'infantilisme en fait ; P.167 quant au fantasme lui-même, il est entièrement légitime et reflète l'idée de la conjonction, un état de perfection et d'harmonie. C'est une idée religieuse. Projetée sur la vie extérieure toutefois et désirée là, dans l'immédiat, elle est naturellement irréalisable. Ainsi, la manière dont la personne veut que s'accomplisse ce fantasme est infantile, mais le fantasme à proprement parler est précieux et ne contient rien de faux ni de malsain.
C'est donc exactement dans ce lieu fou et indomptable de l'être, dans ce lieu sauvage ou problématique, que se trouve le symbole du Soi et que sont conférés dynamisme et énergie. Voilà pourquoi les gens ne savent pas trop que faire soit ils ne peuvent pas réprimer l'élan, soit ils se montrent raisonnables .
.
Un couvercle avait été mis sur le grain de folie, mais ce que ce grain contenait de fantasme religieux visant à la perfection, de fantasme romantique, de fantasme du Soi avait également été placé sous le boisseau. Cet homme allait devenir un animal résigné et socialement bien adapté, fonctionnant de manière adéquate, mais tous ses rêves romantiques de vérité, de vie, d'amour vrai - considérés, chez ces deux jeunes gens, comme des fantasmes infantiles - se verraient alors enterrés.
En reprenant le langage alchimique, je dirais que la grande difficulté consiste donc à extraire Osiris du plomb, à sauver le fantasme dispensateur de vie et à séparer les enfantillages du désir de réalisation. C'est « sacrement » subtil ! On a en effet pour tâche de sauver le noyau, le fantasme du Soi, et de le dégager de tout infantilisme, de tout désir primitif, de tout ce qui l'enrobe ; on doit, en d'autres termes, faire sortir Osiris de son cercueil de plomb. .
Texte arabe écrit par un auteur appelé Mohammed ibn Umail .
. Les chiites correspondraient à la voie cabalistique, aux véritables introvertis qui se sentaient attirés par une interprétation symbolique, psychologique, par une expérience personnelle de la vérité religieuse, contrairement à ceux qui, plus sensibles à la littéralité, insistaient davantage sur le dogme et le texte sacré. . P.171
Il est très difficile de dire ce qu'est la conscience propre à un individu et d'en déceler la part collective. Dans la petite enfance se manifestent des étincelles de réactions conscientes individuelles . l'enfant s'efforce de s'orienter vers la conscience individuelle. Il a les charmantes questions complètement dénuées de tact .. qui montrent que l'enfant parle très naïvement et individuellement. Puis, dès le moment où il va à l'école, il se trouve confronté avec la conscience conventionnelle. .
Quand j'enseignais, je me suis souvent battue pour inciter les enfants à écrire ce qu'ils pensaient et non ce que je leur avais dit. J'ai alors vu que les enfants avaient d'immenses difficultés à le faire parce que le rôle de l'école aussi bien que le cours de leur développement P.227 .. les poussent à acquérir une conscience collective. L'école a pour tâche l'assimilation de la conscience collective et atténue par là même, en général, l'originalité de la conscience individuelle .
Nous pouvons donc dire que le soleil est cette lumière dans laquelle nous baignons tous, c'est la lumière de nos jours. Nous pensons être conscients, mais ce n'est pas vrai ; nous sommes conscients dans le domaine du collectif et ne savons même pas à quel point notre conscience individuelle est restreinte. Une assez longue recherche est nécessaire pour trouver de simples fragments de conscience qui soient personnels. Si nous analysons un individu, le soleil brille toujours : c'est la conscience collective en laquelle est enclose la conscience individuelle ; et le conflit se situe soit contre l'inconscient, soit contre le monde réel. Quand les gens sont en proie à un conflit, ou bien ils se battent avec la réalité extérieure - à l'extérieur tout va de travers et ils veulent y remédier -, ou alors ils sont en désaccord avec leur inconscient. L'opposition apparaît, venant du monde intérieur ou du monde extérieur. En fait il est tout à fait juste de dire que l'ennemi que doit affronter la conscience est secrètement double, car des gens viennent nous voir et nous font part de leur conflit extérieur, mais nous découvrons qu'il est intérieur, et vice versa.
S'il y a deux soleils sur notre image, il y a par suite deux principes de conscience collective. Au sein d'une société, cela implique deux manières de se relier à Dieu, le catholicisme et le protestantisme par exemple, le premier vivant dans la lumière de l'un des soleils, le second dans celle de l'autre soleil. Pour l'un des groupes, certaines vérités vont complètement de soi et ne sont jamais remises en cause parce qu'elles sont aussi lumineuses que le soleil lui-même ; et il en va de même pour l'autre groupe et ses propres vérités. Déjà se dessinent une différenciation, une scission ou des oppositions à l'intérieur même du royaume de la conscience collective, ce qui dénote, .. l'existence d'un conflit collectif conscient : deux « ismes » ou deux attitudes se heurtent, toutes deux sur le plan collectif car le conflit est partagé et vécu sous une forme identique par de nombreuses personnes.
Dans le texte de Senior, les attitudes conflictuelles sont décrites ainsi : l'un des soleils dirige deux rayons du côté opposé - la chose sombre -, alors que l'autre soleil n'en dirige qu'un seul ; et il est dit que le soleil muni d'un unique rayon est dépourvu de justice. Quel est le principe de la conscience collective qui est sans justice envers le monde inférieur .. ?
Il apparaît clairement qu'il existe deux sortes de conscience, l'une qui est rigide et l'autre qui a une attitude paradoxale et, par conséquent, rend justice au caractère paradoxal de l'inconscient. La seconde serait, P.229 .. un système consciemment ouvert, une .. (vision du monde) toujours prête à accepter son contraire ou à accueillir les contradictions. Si, au niveau conscient, vous êtes prêt à accepter l'opposé, le conflit et la contradiction, vous pouvez entrer en relation avec l'inconscient. C'est ce à quoi nous tendons. Nous nous efforçons de faire éclore en quelqu'un une attitude consciente qui permette de garder la porte ouverte à l'inconscient. Cela signifie qu'on ne doit jamais être trop sûr de soi, trop sûr que ce qu'on avance est la seule chose possible, trop sûr d'une décision.
La disponibilité consistant à garder un oil et une oreille ouverts sur le contraire, l'envers des choses, n'indique ni mollesse de caractère, ni paresse ou inactivité, mais implique que l'on agit selon sa propre conviction consciente tout en ayant constamment l'humilité de rester à l'écoute et de reconnaître que l'on s'est peut - être trompé. En acquérant cette attitude, la conscience vit en relation étroite avec l'autre côté, le côté sombre. En résumé, le soleil injuste illustre une attitude où la conscience sait exactement ce qu'il en est de tout, une attitude rigide bloquant tout contact avec l'inconscient, alors que le soleil doté de deux rayons a un effet formateur sur l'inconscient : l'un est sans justice et l'autre avec justice. .
. la conscience a toujours tendance à être unilatérale, sûre d'elle-même et .. elle blesse en cela le mystère de la vie. Mais la conscience peut adopter l'attitude double, illuminer par suite le mystère de la vie, et ne lui faire aucun mal. .. il est nécessaire d'accepter qu'on puisse avoir tort .. reconnaître qu'on sait jusqu'à un certain point seulement, sans certitude absolue . P.231
Huitième cours AURORA CONSURGENS
Fig.61 La prima materia, ou massa confusa, vue comme un nuage chaotique, un état de confusion consciente, est caractéristique du début de l'ouvre alchimique ainsi que du processus d'individuation.
. l'auteur . finit par sortir de l'inflation pour entrer dans un état de neutralité sèche.
Cette nouvelle description .. intervient au moment où l'on revient à soi après une plongée dans l'inconscient et où 1'on considère son expérience avec une sorte de déception sèche qui vient contrebalancer l'inflation. P.329
Poussé à l'extrême, c'est ce qui se passe .. quand un épisode psychotique est interrompu à l'aide de largactyl, d'électrochocs ou de traitements chimiques.
. style élevé pour annoncer solennellement la vérité ; .. est typique d'une identification aux contenus de l'inconscient, ce qui explique son utilisation dans les écrits religieux primitifs, dans certaines formes poétiques et dans ce document.
. La principale chose à relever dans ce passage, c'est que le « je» se réfère dans le contextè à l'auteur pour, deux lignes plus tard, se rapporter à la Sagesse de Dieu. La confusion est donc bien réelle et atteste que l'auteur s'est identifié à la Sagesse de Dieu et est tombé dans l'inconscient.
.. Le nuage noir est un symbole alchimique connu décrivant l'état appelé nigredo, le noir, qui se manifeste très souvent au début de l'opus. Si vous distillez la matière, elle s'évapore et vous ne percevez plus rien pour un temps, sinon la confusion ou le nuage. C'est ce que l'alchimiste compare à la terre recouverte d'une nuée noire.
.. le nuage avait également un double sens et servait parfois à désigner la confusion ou l'inconscience. .. on ne peut pas trouver la lumière de Dieu avant d'avoir traversé le nuage noir d'inconscience qui recouvre les hommes. Dans le langage religieux, le nuage a une connotation souvent négative et, en termes chrétiens, il vient du Nord, façonné par le diable : sortant de ses narines, des nuées apportant confusion et inconscience ne cessent de souffler sur le monde. .. le nuage peut toutefois revêtir une connotation positive et désigner un aspect inconnu, déroutant de la divinité.
. Le Nuage d'inconnaissance, un texte médiéval mystique montre que plus l'âme du mystique se rapproche de Dieu, plus Dieu s'obscurcit et se brouille. . P.331
Dieu vit dans le nuage d'inconnaissance et .. on doit se vider de toute idée, de toute conception intellectuelle, avant de pouvoir approcher la lumière, laquelle est entourée de l'obscurité du chaos total. Dans notre texte, le nuage a le même double sens : il décrit un état de confusion totale, de profond désarroi, ce qui est, en même temps, le début du travail alchimique.
La vue des profondeurs de l'enfer et, .. celle de ses propres péchés ont effrayé le narrateur. .. se réfère au Psaume 71,9 .. l'Ethiopien représente ici la nigredo, ce qui est classique et apparaît très tôt dans l'alchimie grecque.
. On projetait collectivement sur les habitants de ce pays la piété et la ferveur religieuse absolues tout en les considérant par ailleurs comme des païens inconscients. Dans l'alchimie, l'Ethiopien symbolise souvent la nigredo, ce qui en langage psychologique a un sens évident, guère différent de la manière dont les Noirs continuent d'apparaître de nos jours dans le matériel inconscient des Blancs : ils représentent l'homme primitif, naturel, dans sa totalité ambiguë. L'homme naturel en nous est l'homme authentique, mais aussi celui qui n'entre pas dans les schémas conventionnels et qui est pour une grande part mû par ses instincts.
Les Ethiopiens apparaissent dans cette nigredo vécue par l'auteur. P.333
. C'est elle, (la Sagesse de Dieu) totalement identique à Dieu et au Christ qui, des ténèbres de la nigredo, crie, appelle à l'aide et cherche un être humain qui sauvera son âme de l'enfer. Une étonnante volte-face s'est donc produite, . Elle s'était d'abord manifestée d'en haut sous les traits d'une divinité saisissante pour, maintenant, appeler, comme le ferait ici-bas une femme vulnérable qui aurait besoin de la compréhension de l'âme humaine.
Ce passage .. illustre .. un des grands thèmes mythologiques de la pensée alchimique, à savoir l'idée que l'âme divine, ou la Sagesse de Dieu, ou l'anima mundi - une sorte de figure féminine - déserte l'homme primordial, le premier Adam, s'enfonce dans la matière et demande ensuite à être délivrée.
.. c'est, explique-t-il (Jung), une représentation d'un processus de projection. Une idée archétypique de l'homme divin ou de la divinité féminine existe, et cet archétype est projeté dans la matière. . les alchimistes .. procédaient à une véritable exploration de l'inconscient, ou cherchaient l'image de la divinité féminine, ou s'efforçaient de faire l'expérience de l'homme divin dans la matière. .
.. comparaison, .. un homme qui, de nos jours fait la connaissance d'une femme, est très attiré par elle, et rêve qu'une image de la déesse entre en elle. L'image de la divinité existait au préalable à l'intérieur du rêveur et passe maintenant en cette femme. C'est ainsi que l'inconscient dépeint une projection, laissant apparaître que ce n'est pas quelque chose que nous faisons ou dont nous nous rendons compte : cela se fait en nous ; et ce genre de rêves montre souvent qu'une projection a eu lieu. .
.. le mot hébreu désignant le chaos primordial est Tohu wa bohu .. qui est très certainement une allusion à la déesse babylonienne Tiamat. .. dans la tradition juive, dans la Bible, la grande déesse mère n'est pas personnifiée mais existe uniquement dissimulée sous quelques allusions. P.337
La divinité féminine resurgit sous les traits de la Sagesse de Dieu dans l'imagination gnostique tardive, mais seul un aspect divin, sublime, de cette déesse apparaît dans la Bible, le pôle féminin de la divinité n'étant pas à proprement parler présent dans la tradition judéo-chrétienne. Il existe quelques obscures allulions à une masse-mère chaotique, située en dessous, identique à la matière, et quelques références à une figure féminine sublime, la Sagesse de Dieu. Toutefois, dans le monde chrétien, elle aussi s'est trouvée être éliminée puisqu'il fut déclaré que Dieu était identique au Saint Esprit ou à l'âme du Christ, et que la matière était régie par le diable.
Une personnification féminine de l'inconscient fait donc très nettement défaut dans ce contexte, et ce nanque a été compensé par un matérialisme radical . pratiquement aucune religion n'a commencé d'exister sur une base spirituelle aussi exclusivement unilatérale et n'a abouti .. à un matérialisme aussi absolument unilatéral. Ce revirement est à notre connaissance l'un des phénomènes les plus frappants de l'histoire des religions ; il tient au fait qu'il y ait eu dès l'origine une inconscience, une attitude fort peu équilibrée face au problème de la déesse et, par conséquent, de la matière - puisque dans toutes les religions la divinité féminine est toujours liée au concept de matière et projetée sur elle.
. Hans Marti . montre que, dès l'instant où l'homme a commencé de concevoir la constitution d'un état démocratique, la conception patriarcale de l'Etat (l'Etat juridique, l'Etat pris dans son sens légal, l'Etat, sorte d'esprit du père) s'est secrètement modifiée pour se transformer en ce qu'il appelle l'Etat providence. .
un archétype de la mère. Selon cette conception, l'Etat doit s'occuper de la santé des gens, de leur bien-être matériel, des pensions de retraite, etc. Marti indique très clairement que c'est un retournement, que l'Etat n'est plus le père, mais est devenu la mère et, en tant que telle, s'intéresse au bien-être physique de ses enfants. . P.339
Il y a quelques années, l'Etat a pris le contrôle de l'eau - l'eau est un symbole féminin - afin de protéger la population d'une eau devenant terriblement sale .. il a acquis lentement le droit d'édicter des lois pour lutter contre les épidémies. . Auparavant l'humanité ne montrait pas autant d'intérêt pour le bien-être physique et matériel des gens. S'ils mouraient de la peste .. cela faisait simplement partie de la vie et n'était guère important ; l'accent était porté sur la liberté de pensée et non sur le bien-être physique qui était plutôt négligé. . le bien-être physique a progressivement gagné de l'importance et attiré l'attention de l'Etat, lequel est peu à peu et de plus en plus devenu support de la projection de la mère, et de moins en moins l'image du père. Lentement et sans nous en apercevoir, nous glissons dans une situation matriarcale.
Marti montre .. comment certains facteurs émotionnels entrent inconsciemment en jeu, comment les gens se représentent l'Etat d'après un vague modèle archétypique et voter pour certaines lois à partir de ce point de vue. Il paraît évident que l'Etat doive prendre soin de ses enfants, alors qu'il s'agit en réalité de la projection de l'image de la mère, et cela n'est pas évident. .. nous devrions prendre conscience de ce que nous projetons sur l'Etat, entreprendre une réelle confrontation, et ne pas changer nos lois en nous bornant à projeter une image maternelle.
.. retour discret, secret, au matriarcat et au matérialisme. Cette énantiodromie est liée au fait que la religion judéo-chrétienne ne s'est pas tournée vers l'archétype de la mère avec suffisamment de conscience. . en déclarant l'Assumptio Maria le pape Pie XII avait pour objectif conscient de porter un coup au matérialisme communiste : il élevait, pour ainsi dire, un symbole de la matière existant dans l'Eglise catholique de manière à couper l'herbe sous les pieds des Communistes. L'implication est infiniment plus profonde que l'idée consciente du pape qui consistait à dire que le seul moyen de combattre le pôle matérialiste serait P.341 d'élever à une position plus haute le symbole de la divinité féminine et, en même temps, la matière. Comme c'est le corps de la Vierge Marie qui monte au Ciel, l'accent est placé sur le côté physique, matériel.
Dans notre texte, l'image de la divinité est complètement enfoncée dans la matière et, de là, elle crie pour demander de l'aide. Resitué dans le drame personnel de notre auteur, quel est le sens de ce passage ?
L'anima s'est perdue dans le monde de la matière parce que l'auteur n'avait pas de lien avec elle.
Oui, l'auteur n'avait apparemment aucune relation avec le principe féminin auparavant. . il appartient au monde clérical, et j'imagine qu'il avait un complexe mère négatif. Pour cette raison, ou pour toute autre, il n'avait aucun lien avec le principe féminin - ni avec sa femme intérieure, ni avec les femmes extérieures. Dans un cas comme celui-ci, la divinité féminine se présente comme un flot bouleversant.
. Jacob Boehme. . était un introverti intuitif du type des prophètes. Son mariage fut très malheureux, fait uniquement de mépris et de haine réciproques, compréhensibles de part et d'autre d'ailleurs. En effet, sa femme était quelqu'un de très terre à terre, elle estimait qu'il emploierait mieux son temps à réparer des chaussures et à gagner de l'argent - car il avait eu six enfants d'elle - plutôt qu'à écrire des livres sur le Saint-Esprit, alors qu'elle n'avait rien à manger. Elle ne cessait de faire des scènes lui réclamant de la nourriture pour les enfants et lui reprochant d'écrire des livres .
Lui, de son côté, éprouvait très naturellement du ressentiment, voyant qu'elle était attachée aux biens de ce monde, qu'elle était un poids pour lui, qu'elle entravait sa créativité spirituelle. . Boehme rejetait complètement le féminin, il eut même une attitude exclusivement négative à son égard jusque très tard dans sa vie. Peu avant sa mort, il fut soudain complètement saisi par l'image de la Sagesse de Dieu, de la Sophia .. et il célèbre cette figure en des termes d'amour si totalement extatiques qu'ils en viennent à être déplaisants, car une note très fortement sexuelle est visible .. montrant toute la boue de ce qui avait été rejeté et qui montait en lui avec cette grande expérience.
Je crois que notre auteur vit une situation analogue, qu'il n'avait aucune relation avec le principe féminin et qu'il est maintenant saisi par elle de manière très impressionnante. Ce serait une compensation typique du mépris, du dédain, qu'il a dû éprouver jusqu'alors pour la femme. Dans de tels cas, l'inconscient fait irruption avec une force si puissante qu'on ne peut plus l'éviter. P.343
Ce qui est, pour la conscience, une réalisation d'une image archétypique est, pour l'image archétypique, une chute importante. On peut imaginer le moi et son champ d'associations comme une araignée sur sa toile. Quand l'image archétypique s'approche du champ de conscience, c'est pour le moi une occasion de grande illumination, un état d'allégresse, .. mais pour le pauvre archétype, c'est exactement le contraire qui se produit, car il tombe dans quelque chose de très petit et de médiocre. Vu sous un angle, c'est donc une réalisation importante et, sous l'autre, une chute douloureuse.
De nombreux mythes de création conçoivent la création du monde comme le résultat d'une descente de la divinité tombant du ciel. Un rêve de Gérard de Nerval en est une illustration caractéristique ; .. dépeint le début de la psychose du poète français. . il traversait les couloirs d'une hôtellerie parisienne et en voyait l'arrière-cour. .. genre de cours obscures .. on y dépose les poubelles dans lesquelles des chats viennent manger. Dans une cour à l'arrière de l'hôtel, Nerval vit avec horreur un ange de Dieu, une figure archétypique gigantesque, saisissante, aux ailes colorées, tomber et rester entravée dans cet espace restreint.
Une soudaine prise de conscience, effrayante, se projuisit : si l'ange voulait se libérer, s'il faisait le moindre petit mouvement, l'ensemble de l'immeuble allait s'effondrer, c'est-à-dire la schizophrénie se déclarer, ce qui survint peu après. La conception de la vie que Nerval avait était beaucoup trop étroite comparée à son génie. Il avait un très grand génie inconscient, comme le montre à l'évidence l'ange, alors que sa conception consciente de la vie était limitée aux dimensions de l'arrière-cour d'un rationaliste de Paris. Sa mentalité consciente ne coïncidait donc pas avec son véritable tempérament et sa propre destinée intérieure.
Très fréquemment, la schizophrénie n'a pas pour cause l'irruption de l'inconscient, mais saisit quelqu'un qui est trop étroit pour vivre l'expérience de l'inconscient, soit mentalement, soit émotionnellement. Les gens qui ne sont pas larges d'esprit, qui n'ont pas suffisamment de générosité, de cour, pour s'ouvrir à ce qui vient, sont comme explosés par l'irruption.
La vie de Gérard de Nerval illustre cela .. : il tomba amoureux d'une jeune fille .. au lieu d'accepter les sentiments qu'il éprouvait pour elle, il se révolta contre eux, disant : « C'est une femme ordinaire de notre siècle », et il s'éloigna d'elle. Il se sentit ensuite extrêmement coupable .. Sa mauvaise conscience tenait au fait qu'il avait fui son propre sentiment. Son rêve de l'ange montre qu'il avait une idée de la vie et de l'amour étroite, rationnelle, qu'elle était située à l'arrière-plan (à l'arrière-cour) et n'était pas à la hauteur de son expérience ; c'est pourquoi il se pendit au barreau de fer d'une fenêtre. P.345
. souligner que ce qui est considéré du point de vue du conscient comme une réalisation de l'archétype est, du point de vue de l'archétype, une chute dans la matière. . le Christ se dépouilla de la plénitude pour descendre sur terre en serviteur et s'incarner en homme, .. il vivait au Ciel dans la plénitude et la dilatation et se sacrifia lui-même immensément quand il se vida et s'abaissa afin d'embrasser la vie humaine et s'incarner. Considéré sous son angle, cela signifiait humiliation et diminution de sa condition. En tant qu'archétype, il était la divinité, le Logos, entrant dans la misérable vie humaine, alors que pour l'humanité il était une révélation de la lumière de Dieu.
Ce n'est pas un cas unique. Dès qu'un archétype s'approche de la réalisation humaine, il subit une grande diminution, ce qui explique les rêves et les visions catastrophiques décrivant la chute d'un être divin sur la terre.Comme .. le cas de Gérard de Nerval, la compréhension est le facteur essentiel dans ces moments. S'il avait compris ce qui s'approchait de lui quand il éprouvait des sentiments extraordinaires pour la femme qu'il aimait et avait des images très fortes la concernant, il n'aurait pas perdu la tête ; mais tout cela lui parut fou, bête, devant être réprimé, et se solda en conséquence par une catastrophe.
.. la Sagesse de Dieu appelle un être humain pour l'extraire de l'abîme. Elle demande où est l'être humain vivant et pouvant la comprendre .
. « Lui dont l'étreinte me fait fondre, pour lui je serai un père et il sera mon fils. » .. phrase .. tirée de l'Epître aux Hébreux 1,5, .. ce sont les paroles de Dieu au Christ. . Ici, la Sagesse dit clairement qu'elle est Dieu le Père et que celui qui la sauve, quel qu'il soit, est le fils de Dieu lui-même. Cette phrase est la clé de toute la suite du texte. La Sagesse de Dieu est simplement une expérience de Dieu Lui-même, mais sous sa forme féminine, et le fiancé bien-aimé de cette apparition féminine de Dieu est l'auteur qui remplace le Christ et devient semblable au Christ.
. Le Christ n'est donc pas l'unique incarnation de Dieu, mais cette incarnation se poursuit et se répand grâce au Saint-Esprit, de telle sorte que chaque individu peut, dans une certaine mesure, devenir le Christ et être déifié. . P. 347
. affirmation délicate qui signifie ni plus ni moins que chaque être humain peut potentiellement vivre le même destin que le Christ et être identique à la divinité.
Ce point .. ne décrit rien d'autre que ce que nous appelons le processus d'individuation et laisse entendre que suivre le Christ ne consiste pas à suivre des règles extérieures, à l'imiter extérieurement, mais à prendre sur soi son expérience totale et à la réaliser selon les formes propres à chacun : c'est passer soi-même par le processus tout entier. Comme l'expérience était trop difficile ou que les gens n'étaient pas préparés à une telle tâche, elle fut ignorée. C'est pourquoi elle réapparaît ici sous la forme d'une poussée inconsciente .
. La Sagesse se compare aussi à une colombe, une colombe argent. .. un symbole spirituel féminin. .. « et l'on doit laver la substance neuf fois jusqu'à ce qu'elle ait l'apparence des perles, c'est là la blancheur. » . laver les étoiles jusqu'à ce qu'elles soient aussi blanches que des perles. .
Les sept étoiles .. désignent les sept planètes.
.. courant en alchimie d'associer ou d'attrihuer les sept métaux - étain, cuivre, plomb, fer, etc. aux sept planètes et .. considérer que les sept métaux sont pour ainsi dire similaires aux sept planètes. Le fer est la même chose que Mars, le cuivre que Vénus ; dans le ciel, on peut donc appeler le fer « le Mars terrestre », et le cuivre « la Vénus terrestre », etc. . sur terre, à l'inverse, les sept étoiles sont véritablement les sept métaux, et les étoiles terrestres doivent être distillées et nettoyées neuf fois, à la suite de quoi elles deviennent blanches. Tel est le processus de l'albedo.
.. l'effort principal allié à la plus grande difficuIté se situe dans le passage de la nigredo à l'albedo ; c'est, dit-on, la partie la plus dure, puis tout devient plus facile par la suite. La nigredo - la noirceur, l'horrible dépression, l'état de dissolution - doit être compensée par le travail assidu de l'alchimiste. Et ce travail assidu consiste entre autres choses à blanchir constamment. Ainsi, le texte mentionne souvent le travail des blanchisseuses, il évoque l'incessante distillation qui a également pour objet la purification, car le métal est évaporé et précipité dans un autre vase de manière à supprimer les substances les plus lourdes.
Il existe une analogie psychologique évidente à cette action de blanchir, c'est, dans la première partie d'une analyse, le moment où Vénus, le problème de l'amour, doit être lavée, de même que Mars, le problème de l'agressivité, et ainsi de suite. De prime abord, les diverses pulsions instinctives et leur arrière-plan archétypique apparaissent généralement tous sur terre sous une forme détournée, par le biais de la projection : on aime ou l'on hait quelqu'un, ou on a un chef dépréciateur et on ne sait pas comment se défendre.
Si la projection s'exerce à l'extérieur, cela signifie que Mars est tombé dans la matière : le principe de l'agression et tout ce qu'il recouvre est vu en Monsieur Untel ; ou c'est Vénus qui est tombée dans les vicissitudes d'une histoire d'amour et les difficultés sexuelles. Quand l'analysant vient pour la première fois, il vous raconte ce qu'il vit parce que, naturellement, le problème se situe à ses yeux entièrement à l'extérieur. Il s'agit alors d'extraire la situation de la matière ; c'est pourquoi l'analyste dit à l'analysant de laisser Mademoiselle X en dehors de la question et de regarder ce qui se passe en lui.
Fig.66 L'immersion du roi et de la reine dans le bain, avec la colombe (l'esprit) qui unifie. Les images alchimiques dépeignant le lavage, le nettoyage, la distillation, se retrouvent dans les rêves modernes pour désigner le processus de nettoyage et de mise en ordre d'attitudes conscientes.
La prima materia demande à être continuellement lavée et distillée, ce qui explique pourquoi la première activité de l'ouvre est la distillation, le lavage, le nettoyage maintes et maintes fois renouvelés. P.351
Dans ce passage, il faut s'y appliquer à neuf reprises ; d'autres disent à quinze reprises, et certains disent pendant dix ans. C'est véritablement un très long processus, qui nécessite parfois de revoir et réenvisager le même problème à l'infini, sous ses différents aspects. Si les alchimistes relèvent toujours que cette partie de l'ouvre peut durer très longtemps et qu'elle se caractérise par d'infinies répétitions, nous-mêmes, nous voyons que, malheureusement, nous ne cessons de tomber et retomber dans des complexes qui n'ont pas pu être résolus et qui demandent à être reconsidérés. Mais, grâce à ce travail difficile, la matière devient blanche.
La blancheur suggère la purification, le fait de ne plus être contaminé par la matière, c'est-à-dire, en termes techniques, le retrait de nos projections. Ce n'est guère facile à accomplir, c'est au contraire très compliqué et très ardu. En effet, il ne s'agit pas tant de comprendre qu'on projette et, par conséquent, de ne plus le faire, que de laisser se mettre en place un long processus de développement intérieur et de prise de conscience pour permettre à une projection de se retirer. Quand elle a été retirée, le facteur émotionnel perturbant s'évanouit.
Dès qu'une projection est réellement retirée, une sorte de paix s'installe - on devient calme et l'on peut regarder le problème ou le facteur spécifique de manière objective, sereine, on peut éventuellement faire une imagination active à son sujet sans être constamment pris dans les émotions ou retomber dans leur embrouillamini. C'est ce qui correspond à 1'albedo. .. première étape vers une paix plus grande, vers l'objectivité, vers un certain chemin philosophique. On a un point fixe au-dessus de la mêlée ; on est au sommet de la montagne et l'on observe l'orage au-dessous, qui continue de gronder, naturellement, mais qu'on peut considérer sans crainte, sans se sentir menacé.
.. quand les alchimistes évoquaient le passage au blanc, l'idée symbolisée était que le matériau sur lequel ils avaient travaillé était désormais parvenu à une sorte de pureté, d'unité leur permettant d'entreprendre le travail de synthèse. . Ce processus correspond exactement à ce qui se passe dans l'analyse avec d'abord le côté analytique, puis l'aspect synthétique. L'albedo a quelque chose de merveilleux car, .. à partir de ce point, il suffit d'alimenter le feu, de le maintenir, mais le plus difficile est fait. Comme vous le verrez cependant, le processus menant de la nigredo à l'albedo se répète maintes fois. Ici, il est décrit à sept reprises.
. la même situation est vue sous un angle différent. Nous faisons exactement la même expérience. Que de fois, en cours d'analyse, nous sortons P.353 un peu de la difficulté, nous nous sentons vraiment en paix et, dans une certaine mesure, unifié, croyant que le pire est passé pour, trois semaines plus tard, voir que tout recommence comme si nous n'avions rien réalisé du tout ! De nombreuses répétitions sont nécessaires avant que l'expérience ne soit consolidée, que finalement le travail tienne bon.
Fig.67 L'alchimiste médite dans l'état de nigredo au début de l'ouvre, ce qui correspond, en psychologie, à une introspection que provoquent le conflit et la dépression. . P.355
Dans notre texte, nous avons encore ce que nous pouvons appeler, de leur point de vue, l'identité archaïque : la Sagesse de Dieu était réellement dans la matière.
.
. Ote lui l'âme et rends lui l'âme, car la corruption de l'un est la génération de l'autre. C'est-à-dire : Prive le de son humidité corruptrice et augmente le de son humidité connaturelle par laquelle apparaîtront sa perfection et sa vie.
. quoiqu'il débute par une description de la nigredo et, en conséquence, d'un désastre, les aspects positifs sont ici plus longuement détaillés : l'union d'amour, le bien-aimé entrant dans la chambre nuptiale, la grossesse de la figure féminine .. la naissance du Christ, .. finalement annoncé triomphalement que la mort a été vaincue par cette naissance.
. la catastrophe s'est produite dans le même temps qu'une naissance avait lieu, ce qui signifie qu'au moment même où la nigredo était à son paroxysme une secrète naissance survenait P.357 dans l'inconscient. Au sein de la catastrophe, au cour de la dépression et de la confusion, naît le nouveau symbole du Soi. Comme il naît dans l'inconscient, l'auteur ne s'est pas encore rendu compte de ce qui se passait, il n'a que vaguement perçu que, même s'il était tombé dans une profonde dépression .. quelque chose naissait.
.. d'après les commentaires de Jung sur l'enfant divin, quand un héros naît - et la naissance du Christ ne fait pas exception à cette règle - des forces de destruction entrent toujours en jeu et se déchaînent. C'est pourquoi, si quelqu'un se montre suicidaire, cette tendance sera toujours aggravée au moment que nous pourrions appeler la crise de la guérison. . si la personne est sur le point d'émerger, si elle est au seuil de la guérison, le danger d'un suicide se fait souvent plus aigu. .
Naturellement, cela est une illustration extrême d'un phénomène qui se révèle être également vrai dans le travail analytique, mais à un degré moins dramatique : .. la dernière attaque du diable. Le diable voit qu'il est en train de perdre la partie et il livre un dernier combat désespéré. Quand une femme, par exemple, se bat avec l'animus destructeur, qu'elle commence lentement à se dresser contre lui, la bataille n'est pas pour autant gagnée, car le diable rôde toujours ; il n'est pas encore complètement évincé, un peu de feu le ravive, et une dernière attaque survient, qui est généralement si violente que tout, semble-t -il, va recommencer de zéro, tout est aussi désastreux qu'au début ..
Fig.68 Le diable, représenté comme un esprit aérien et un intellect impie, personnifie le pôle masculin négatif (l'animus destructeur, par exemple).
En règle générale, c'est un très bon signe qui signifie simplement que l'enfer est en train de perdre de sa puissance et que, dans son ultime attaque, le diable utilise ses dernières munitions. Dire au revoir à une attitude névrotique est d'une très grande tristesse et P. 359 personne ne le fait sans se sentir affligé, car une névrose est malheureusement un état que l'on aime et que l'on regrette de quitter. Ainsi, quand on atteint le dernier stade et qu'il devient nécessaire de dire une fois pour toutes au revoir à quelque infantilisme, à une opinion dictée par l'animus ou à toute autre chose, un état de crise se manifeste immanquablement. C'est ce que la mythologie illustre en relatant que, sitôt qu'un sauveur naît, toutes les puissances des ténèbres attaquent avec plus de force que jamais auparavant, .. (massacre des innocents).. Naturellement, l'enfant divin échappe toujours à ce désastre qui est l'ultime irruption de l'obscurité contre quelque chose de tellement puissant que, même nouvellement né, ce quelque chose ne peut plus être détruit.
. la lumière naît au cour de la ténèbre la plus profonde. .
Dans notre texte . la figure archétypique ayant fait irruption l'a adopté (l'auteur) en tant que fils. Il devient fils de la Sagesse de Dieu. L'auteur résume ensuite l'expérience en disant que ceci est la mort que la femme a introduite et que la femme a chassée.
Dans .. la tradition .. il y a deux femmes distinctes : la femme qui a introduit la mort dans le monde est Eve, avec la pomme du Paradis, et la Vierge Marie l'a chassée en donnant naissance au Christ. .. il ose dire que la femme qui a introduit la mort dans le monde et celle qui l'en a chassée sont une seule et même personne, qu'Eve et Marie sont une.
. il laisse l'inconscient s'exprimer. Saisi par l'image de l'inconscient, il en proclame la vérité compensatoire sans être véritablement conscient de 1'énormité de ses dires. II vit sa propre expérience et sent qu'une image de femme, qu'il croit être la Sagesse de Dieu, l'a tué, puis ramené à la vie. Il amplifie cette image P.361 .
L'extractio animae, l'extraction de l'âme, signifie en termes alchimiques une distillation. .. la vapeur : c'est son âme (d'une substance chimique) ; et si vous la précipitez ou la coagulez à nouveau, elle redevient un corps. ... une autre comparaison fait intervenir l'humidité, l'humidité corruptrice qui demande à être distillée par le feu, à la suite de quoi l'humidité vivifiante est versée.
. vous devez tout réduire en cendres. Or les cendres sont la substance la plus sèche sur terre. . Les alchimistes disent donc que tout doit être brûlé et réduit en cendres pour que l'on soit certain que la moindre parcelle d'humidité destructrice a quitté la substance ; puis l'eau pure doit être versée afin qu'elles reviennent à l'état solide.
Verser de l'eau sur les cendres pulvérisées équivaudrait à les nourrir d'eau vive. Cela correspond dans notre travail analytique à ce que nous faisons lorsque nous supprimons l'humidité corruptrice, c'est-à-dire, dans la pratique, les multiples formes d'inconscience, les diverses zones inconscientes et inconnues qui entravent l'existence vraie. Nous ne savons pas à quel point des suppositions ou des sentiments inconscients nous empêchent de vivre pleinement. Un point inconscient frappe plus facilement un tiers que la personne concernée .
Un grand nombre de personnes, par exemple, vivent au-dessous de leur niveau spirituel parce qu'elles pensent n'être rien. .. elles ne songent même pas à remettre en question ce qui est pour elles une évidence, elles ne pensent pas à en parler à l'analyste, ne voyant pas qu'il y a là matière à discussion. Mais, un jour, un rêve montre ce qu'elles pensent d'elles-mêmes, et elles sont stupéfaites de découvrir autre chose en elles, car elles avaient sincèrement cru n'être rien du tout. Ce serait cela l'humidité corruptrice, un point d'inconscience qui se serait glissé dans le système et qui, chez la femme, prendrait la forme d'opinions dictées par l'animus, de pulsions provoquées par l'ombre, etc. Comme ce qu'on pense relève de l'évidence, on ne songe même pas à l'extraire. L'interprétation des rêves a pour tâche de découvrir ce genre de choses. C'est un assez grand choc que de prendre conscience qu'on a toujours conçu d'une certaine manière quelque chose que l'on devrait voir tout différemment.
. Un sentiment inconscient ou une certaine manière de penser peuvent relever de cette humidité corruptrice que nous ne remarquons pas ; et le but de l'opus consiste à cuire tout cela. Les rêves détectent quelque chose et, en interprétant et en intégrant ce qu'ils disent, nous éliminons lentement cette humidité corruptrice. P.363 Cependant, si cette étape se poursuit trop longtemps par une analyse trop méticuleuse, nous laissons échapper un moment très décisif dans ce processus qui ne devrait durer qu'un certain temps pour éviter une perte de la spontanéité.
. Trop analyser, continuer le processus trop longtemps, crée une deuxième névrose, ce qui est un mal très fréquent et très difficile à soigner. Naturellement, c'est aussi une forme d'inconscience. Puis survient ce que nous pourrions appeler la deuxième phase du processus, le retour à l'eau vive, le retour à la spontanéité, le retour à un mode de vie naturel et immédiat, sans que ne soit pour autant oublié ce qu'on a appris.
Sortir de l'eau et se mettre au soleil, puis devoir replonger dans l'eau, voilà une affaire très périlleuse pouvant signifier une rechute dans l'état premier, ce qui serait sans mérite. On doit accomplir ce retour tout en conservant la deuxième forme de conscience ..développée dans l'analyse .. La deuxième phase laisse donc apparaître une spontanéité consciente en laquelle la participation de la conscience n'est pas perdue. .
. Ce qui est positif au début, à savoir le besoin de découvrir, de réfléchir et de prendre conscience de ce qui se passe, est vécu comme quelque chose d'extrêmement gratifiant. Cet aspect d'abord gratifiant allié au fait qu'ils soient sortis d'un problème en y réfléchissant, en y pensant, les poussent à poursuivre, et ils manquent le moment propice. Il est même nécessaire, à mon sens, de passer par une période où l'on est trop analysé : c'est une phase indispensable du travail, une étape qui doit être vécue pour que le retour conscient puisse bien avoir lieu, pour qu'intervienne la prise de conscience de la nécessité de retrouver la spontanéité et d'y revenir constamment ; car, dans le cas contraire, on retombe dans l'inconscient.
L'alchimiste Gérard Dorn dit que l'anima est prise dans le corps de l'homme, et que celui-ci doit faire un effort mental pour l'en extraire ; mais c'est alors la mort du corps. . P.365
. Si vous rejetez le corps, vous ne pouvez pas vivre : vous devez donc en reprendre possession.
Fig.69 Le contenu secret de l'ouvre alchimique : l'alchimiste et sa soror mystica pêchant (centre) pour Neptune (l'animus, le masculin inconscient) et (dessous) pour la sirène (l'anima, le féminin inconscient). La pêche revient souvent dans les rêves pour désigner le processus consistant à prendre conscience d'attitudes, d'opinions et de sentiments inconscients.
Imaginez que l'esprit, l'âme et le corps soient des entités ; l'esprit .. représente les bonnes intentions, un idéal de vie positif, etc. Celui qui épouse ce point de vue peut extraire son anima de son corps en vivant une période d'ascèse. .. un moine qui médite au lieu de vivre. .. l'esprit élève l'anima vers les hauteurs, et le corps, en dessous, se tient comme mort. Le corps n'a plus rien à dire parce que la projection a été totalement retirée, ce qui représente une condition complète d'introversion mentale - l'unio mentalis entre l'esprit et l'anima. Dorn dit qu'il ne veut pas s'en tenir là car, s'interroge-t-il, que va-il advenir du corps ? Il explique qu'à ce moment surgit un terrible danger. En effet, le corps devrait également connaître la rédemption, mais, pour peu que l'esprit et l'âme fassent un simple mouvement en direction du corps, le risque existe qu'ils retombent d'un seul coup, dans le corps, comme attirés par un aimant ; et la totatité du travail échoue.
Il s'agit donc de s'approcher du corps avec sagesse .. acte d'imagination chimique : au lieu de retomber dans le corps, c'est le corps lui-même qui doit lui aussi être élevé à un niveau supérieur de telle sorte que corps et âme ou esprit soient unis, sans pour autant revenir à l'état antérieur, état consistant par exemple à dire qu'on va oublier projection, ombre, etc., pour simplement vivre. P. 367
Telle est la raison pour laquelle je crois qu'il est nécessaire de passer par l'étape de l'analyse par trop méticuleuse. Elle doit être franchie pour que l'unio corporis s'accomplisse judicieusement et que soit évité, l'écueil de retomber dans l'ancien schéma. . permettre l'erreur (de trop analyser) afin que le retour se fasse de manière juste. Je crois que l'erreur que pourrait commettre l'analyste serait d'ignorer la nécessité du retour et de manquer de vigilance quand les rêves annoncent la nécessité du changement.
Neuvième cours AURORA CONSURGENS
.. nous sommes au cour d'un processus circulaire : chaque chapitre .. semble s'ouvrir sur une situation analogue, sur une nigredo, .. il se poursuit par la description d'un certain traitement de la matière, et se termine invariablement sur un aspect de l'albedo. .
. Le processus est décrit soit comme un lavage - la matière est lavée et relavée sans fin - soit comme une onction .. de manière que 1'objet traité acquière la faculté de pénétration.
Mais .. quel est l'objet traité ? . Parfois il est dit que la prima materia est la P.381 matière traitée .. devient .. la Sagesse de Dieu qui a chuté, .. devenue identique à la matière ; parfois c'est l'auteur lui-même qui est en réalité traité, . l'esprit présent dans la matière et l'auteur se fondent par moments l'un dans l'autre, .. l'alchimiste devient littéralement identique à l'objet mystique qu'il cuit dans son vase.
Cela confine à un état psychotique ou s'en approche .. dans un tel état, .. la conscience du moi se fasse avaler puisqu'elle s'est identifiée à certains complexes de l'inconscient généralement de nature archétypique. C'est ce qui se passe également dans ce que Jung appelle une psychose volontaire, c'est-à-dire dans une imagination active. . c'est-à-dire au produit d'une certaine forme de méditation.
. il existe une troisième possibilité. .. il s'agit de l'irruption d'un contenu archétypique de l'inconscient qui ne peut être taxée d'épisode psychotique ; c'est plutôt un déferlement de l'inconscient, pré-mortel pour ainsi dire. L'activation de l'inconscient peut revêtir diverses formes et se faire P.383 jour non par le biais de la méditation, mais par une percée de l'inconscient collectif qui envahit le système mental très rationnel d'une personnalité hors du commun. Ces chapitres montreraient donc comment cet être qui lutte avec la mort s'efforce néanmoins d'assimiler le choc, de le digérer, de trouver une attitude juste à son égard et d'intégrer le contenu qui a fait irruption. .
Fig.73. La naissance du dragon, par Margaret Jacoby. Dans la mythologie et les rêves, les serpents et les dragons représentent fréquemment l'esprit de l'inconscient situé au-delà de la personne. Quand il fait irruption dans la conscience, il demande parfois à être peint afin que l'expérience soit assimilée. P.385
. le début du processus relaté dans l'Aurora consurgens a été marqué par une apparition positive, saisissante de la Sagesse de Dieu, exaltée avec allégresse par l'auteur. Puis ce dernier est entré, semble-t-il, dans une inflation : il a montré du mépris envers ceux qui ne connaissent rien à ce genre d'expérience et s'est fait agressif à l'égard des ignorantes. La retombée s'est ensuite traduite par un ton quelque peu ennuyeux .
Après cette première phase débute ce que j'appellerais le mouvement d'une spirale : l'auteur commence toujours par présenter un tableau sombre, il décrit ce qui se passe, puis termine sur un résultat positif. Et ce mouvement se répète. Nous sommes ici au milieu de la pirale. Mais quelle est la caractéristique de ce chapitre .. ? P.389 C'est le retour au christianisme officiel ! . Qu'est-ce que cela montre ?
Qu'il est plus ou moins revenu à lui.
Oui, il revient à sa personnalité consciente, il s'efforce de retrouver son attitude consciente antérieure ou, pourrait-on dire, d'échapper au déluge qui l'a noyé. Vous pouvez voir ici en quoi une croyance officielle ou une attitude religieuse peuvent être favorables : elles sont un bateau dans lequel on peut se réfugier quand les requins attaquent.
On peut aller se baigner dans l'inconscient, mais, si les requins paraissent, un bateau est là dans lequel on peut retourner. C'est pourquoi l'Eglise a été comparée à un bateau ou à une île dans lesquels on trouve refuge quand le flux de l'inconscient se manifeste avec trop de force. Si je n'ai que ma seule raison humaine et dois me contenter de me dire d'être raisonnable, cela ne suffit pas à maintenir le flot de l'inconscient, tandis qu'une foi qui continue d'exister dans la conscience est comme un bateau, un lieu où je peux me réfugier. . P.391
. Dans son Credo, l'accent est subitement déplacé pour être entièrement porté sur le Saint-Esprit.
. en flagrant délit .. ce qui s'est passé à cette époque.. L'histoire du développement spirituel du christianisme nous permet de savoir qu'à cette époque des sectes vouées au Saint Esprit se sont épanouies un peu partout. . le Saint Esprit devint la préoccupation, l'intérêt premier de tous. . un aspect de l'image de Dieu embarrassant, car il est dit dans la Bible qu'il entre directement dans l'individu. .
.. ce qui laisse supposer qu'un individu peut être rempli directement de 1'esprit de Dieu ou qu'il peut même, .. poursuivre l'incarnation de Dieu. Dieu s'est « officiellement » incarné une seule fois dans la personne de Jésus-Christ, mais par les opérations du Saint Esprit chaque individu de la communauté chrétienne peut redevenir un vaisseau de l'esprit divin, ce qui reviendrait à être une incarnation d'une petite part de la divinité.
. Saint Paul dit .. : Ubi spiritus, ubi libertas, c'est-à-dire là où l'esprit - le Saint-Esprit - est à l'ouvre, là est la liberté . Cette interprétation mettait naturellement en danger l'organisation de l'Eglise. . P.393
.
Il décrit le Saint-Esprit en se référant d'abord aux trois formes de baptême : par l'eau, par le sang et par le feu ; puis il relate les sept manières dont le Saint Esprit opère sur la matière. A un certain moment, le texte se modifie curieusement, car le Saint-Esprit devient soudain un agent chimique qui cuit, nettoie, purifie et rend subtile la matière alchimique. Il est alors conçu comme une sorte d'énergie - comme du feu ou à de l'électricité - qui a un effet sur la matière. La notion d' « esprit » revient ici à sa forme archétypique originelle, celle de mana.
. une des plus anciennes conceptions du divin dans un grand nombre de religions primitives est celle de mana, mulungu, etc. : c'est l'idée d'un pouvoir divin .. comparé à une sorte d'électricité mystique. C'est quelque chose comme une énergie divine qui s'inscrit dans certains objets ou frappe certaines personnes. .
Le mana doit toujours être traité avec respect, soit en se maintenant éloigné de lui par des tabous, soit en s'approchant de lui avec l'aide de certaines règles. Il peut être destructeur ou positif. . Le mana peut aussi être neutre : P.395 si le chef d'une tribu détient le mana, il peut dispenser la fertilité sur la tribu, le bétail et le sol qui sont sous sa dépendance, ou ensorceler les gens, les rendre malades, etc., quand ils s'approchent de lui sans respect.
C'est une conception archétypique. On pourrait dire en termes psychologiques que c'est ainsi que se trouvent représentés les effets que peut avoir le Soi ou 1'énergie psychique. A ce stade, cette représentation n'adopte pas les traits d'une image personnifiée de Dieu, mais est plutôt ressentie comme un aspect impersonnel de la puissance divine. Plus tard, d'autres aspects du divin suivent des développements divers .. prennent les contours de dieux, de démons, d'esprits des ancêtres, et autres, tous plus ou moins personnifiés, plus ou moins anthropomorphisés, tous incarnant également la force de l'inconscient . la religion grecque où les dieux revêtent une forme humaine et représentent des archétypes, .. la religion judéo-chrétienne où Dieu est lui aussi perçu comme un être qui a une forme humaine et des réactions à moitié humaines.
. Quant à l'aspect mana, au divin conçu comme une puissance non personnifiée, il réapparaît soudain dans le christianisme sous la forme du Saint Esprit, qui est eau, vent et feu . C'est donc l'idée archétypique qui refait surface ici puisque le Saint Esprit est interprété comme une puissance impersonnelle à l'aspect semi-matériel.
Notre auteur .. décrit .. le Saint Esprit comme une sorte d'agent physique à moitié matériel qui travaille sur la prima materia, en la lavant d'abord, puis en la remplissant de sang - c'est-à-dire en la vivifiant - et finalement en la réchauffant avec le feu, ce qui revient à lui insuffler vie et résurrection. . amplification à ce processus en le comparant à la naissance d'un enfant . P.397
. Ainsi l'activité du Saint-Esprit et son impact sur la matière consiste tout à la fois à engendrer et à produire l'enfant fivin, à le nourrir et à l'aider à naître.
.. description typique de la manière dont est réalisée la pierre philosophale, laquelle est souvent comparée au processus entier de l'enfantement ; le Soi naît à l'intérieur de la psyché comme un enfant divin.
. Les idées qui transparaissent sont celles de la conjunctio oppositorum (l'union des contraires), de la rencontre de l'homme et de la femme, et d'une dépersonnalisation. Celleci peut s'opérer en combinant des qualités, en assemblant le chaud et le froid, c'est-à-dire des pouvoirs opposés. .
Une idée plus subtile apparaît ensuite : la possibilité d'assembler des opposés atteste que les contraires sont secrètement un, car le feu doit être éteint par le feu, ou doit être refroidi, réfrigéré, par son feu intérieur. Comment interpréteriez-vous cela en termes psychologiques ?
Cela rappelle l'Ouroboros.
C'est vrai, dans un certain sens, quoique à un niveau plus primitif, car l'Ouroboros est le processus naturel, alors qu'ici tout se passe dans le vase et se trouve comme généré. . Mais en termes psychologiques, que signifie le feu ?
L'émotion.
Oui, mais qu'est-ce que l'émotion a de positif ? Elle transforme, cuit et illumine. C'est de cette manière que le feu produit la lumière. Si je suis émotionnellement prise par un sujet, je parviens à le comprendre ; si je m'attaque à mes problèmes ou à toute autre chose sans y mettre de l'émotion, rien ne se passe.
Là où il ny a pas d'émotion, il n'y a pas de vie. Si vous devez apprendre par cour quelque chose qui ne vous intéresse pas, sans feu, vous ne l'enregistrerez pas, . L'émotion est donc le véhicule de la conscience et, sans elle, la conscience ne progresse pas.
L'aspect destructeur de l'émotion apparaît dans les querelles. Là, elle nous dévore. Votre partenaire dit que c'est terrible quand vous laissez sortir votre émotion destructrice. Mais si vous ne la laissez pas sortir, c'est elle qui vous dévore. . Si vous ne laissez pas sortir votre émotion négative, elle vous ronge de l'intérieur et votre chien gronde en vous pendant des heures. P.399
Fig.76. Dans l'alchimie, le serpent mercuriel se mange lui-même dans l'eau ignée. De manière similaire, une émotion destructrice doit se consumer elle-même, c'est-à-dire être endurée pour être traversée.
.
.. le feu doit consumer le feu. La seule chose à faire est de brûler dans l'émotion jusqu'à ce que le feu s'apaise et s'équilibre. L'embrasement par le feu, par l'émotion, ne peut être escamoté. II n'existe aucune recette pour s'en débarrasser : il faut l'endurer. Le feu doit brûler jusqu'à ce que le dernier élément sale soit consumé. . On ne peut l'arrêter, on ne peut que le souffrir jusqu'à ce que tout ce qui est mortel ou corruptible - ou, comme notre texte le dit merveilleusement bien, jusqu'à ce que l'humidité corruptrice, l'inconscience - ait été consumé. Tel est le sens : accepter de souffrir.
Si l'on a dix mille diables en soi, on ne peut que brûler à leur feu jusqu'à ce qu'ils s'apaisent et s'assagissent. La demande infantile faite à l'analyste ou à toute autre personne pour être secouru par quelque astuce réconfortante n'aide pas. P.401 Si un analyste prétend pouvoir calmer le feu, il n'est qu'un charlatan parce que cela n'est pas possible et n'aurait de toute façon aucun sens. S'il essaie de sortir les analysants de leur souffrance, cela signifie qu'il leur ôte ce qu'ils ont de plus précieux. Le vil confort est faux, car, ce faisant, on éloigne les êtres de la chaleur, du lieu où le processus d'individuation prend place.
Etre en enfer et y rôtir permet de donner naissance à la pierre philosophale. Comme il est dit ici, le feu s'éteint par sa propre action modératrice. La passion a aussi sa propre mesure interne. Une libido chaotique, ça n'existe pas ! Nous savons en effet que l'inconscient lui-même, en tant que pure nature, a un équilibre interne. Le manque d'équilibre provient de l'infantilisme de l'attitude consciente. Si vous suivez votre propre passion en vous conformant uniquement aux indications qu'elle vous donne, elle n'ira pas trop loin, elle conduira toujours à sa propre défaite.
La passion désordonnée recherche l'échec. . Le feu de la passion cherche ce qui l'éteindra ; et c'est la raison pour laquelle le désir irrésistible d'individuation recherche des situations impossibles tant qu'il est un désir naturel désordonné : il cherche le conflit, la défaite et la souffrance parce qu'il cherche sa propre transformation.
Imaginons que quelqu'un est possédé par le démon du pouvoir. S'il peut exercer son autorité sur son entourage, il n'est pas heureux, mais continue de s'agiter. Il domine toute sa famille, il étend son pouvoir à l'extérieur, à sa vie professionnelle, mais reste inassouvi. Il cherche véritablement quelqu'un qui triomphera de lui, il y aspire, bien que, naturellement, il n'aime pas cela. Il a une attitude ambiguë puisque, tout en détestant la défaite, il souhaite trouver quelqu'un ou quelque chose qui puisse le battre et mettre fin à son pouvoir. .. dans le traitement de cas limites, car ce sont des gens qui sont la proie d'émotions très fortes et qui essaient d'en faire retomber tout l'impact sur l'analyste dans l'espoir et la crainte que ce dernier ripostera ; la raison en est que le feu connaît sa propre mesure interne.
Notre texte se poursuit en disant que l'esprit sépare ou modifie ce qui est dur et endurcit ce qui est faible. .. comment l'interprétez-vous ?
C'est la conjunctio entre le mâle et la femelle.
Oui, ce qui est dur serait masculin. C'est une conjonction d'opposés. Mais comment apparaît dans la vie le mouvement consistant à amollir ce qui est dur et à endurcir ce qui est mou ? P.403
.. en relation avec les quatre fonctions ? La fonction supérieure serait ce qui est fort, la quatrième fonction ce qui est faible.
Oui, mais la fonction principale n'est pas toujours dure.
La chose dure ne se réfère-t-elle pas aux résistances ?
Oui, aux résistances ou, par exemple, à une attitude rigide : quelque part en soi, on se durcit, littéralement, et cette attitude est une réaction typique, une réponse à un complexe. Quand, par exemple, un analysant refuse d'aborder un sujet, c'est là un durcissement qui masque une faiblesse. L'obstination et la rigidité sont dures, elles sont généralement reliées à des expériences négatives et destructrices remontant à l'enfance. Les êtres vivant cela font une croix sur l'amour, par exemple, ou sur toute autre chose et, dans la foulée, font une croix sur eux aussi. Ils ont pour volonté de réussir, de gagner de l'argent, ou de parvenir à quelque chose de ce genre, et sont comme glacés à l'intérieur.
Le processus analytique consiste très souvent à arrondir les angles de la personnalité, généralement paralysée par la souffrance. Se durcir est un symbole de faiblesse, c'est pourquoi la consolidation de ce qui est faible fait également partie du processus. En effet, dès l'instant où l'on se sent faible on se raidit, tandis que lorsqu'on est fort, on reste souple. La rigidité des gens a pour origine leur faiblesse et leur peur : l'effroi les raidit et les pousse à se fermer. C'est pour cette raison qu'il faut aussi renforcer les faiblesses - faiblesse du moi, faiblesse du sentiment ou toute autre faiblesse, car il en existe de nombreuses. Le processus psychologique consiste donc souvent à adoucir les aspects de la personnalité qui se sont raidis et, simultanément, à consolider le noyau de la personnalité, le Soi. Ainsi sont assemblés les contraires, le mâle et la femelle.
Alors survient la quatrième action de l'esprit : l'illumination. C'est le moment où, certains problèmes se clarifiant, on a l'impression que l'on comprend. Cela s'appelle aussi la coloration ou le blanchissement, car les choses s'éclaircissent et le sentiment de vie recommence à couler. Puis l'esprit sépare le pur de l'impur de manière à supprimer tous les accidents - les mauvaises odeurs, et ainsi de suite.
Le commentaire alchimique .. : très souvent la pierre du philosophe est engoncée dans une matière étrangère qui ne lui appartient pas et qu'il faut par conséquent laver ou brûler. C'est un fait que dans le processus alchimique tout ne doit pas être intégré. Quelque chose - qui est appelé soit la terre damnée, .. soit les choses extérieures ou du dehors - doit être expulsé, rejeté et non intégré. Quand on lit un peu de psychologie junguienne, on pense souvent que tout, quoi qu'il arrive, appartient au processus et doit être intégré. Mais cela est vrai uniquement cum grano salis et, en réalité, tout ne fait pas partie du processus. Comme toutes les vérités psychologiques, le processus englobe tout, d'une certaine manière, et, d'une autre, pas tout. Quels sont les éléments extérieurs qui doivent être rejetés ? P.405
.. les attitudes collectives qui entravent le développement de l'individu, ainsi que l'identification aux autres. Un grand nombre de personnes ne parviennent pas à être elles-mêmes parce qu'elles admirent quelqu'un d'autre . perdent par suite la possibilité de devenir elles-mêmes. Comme un serpent fixe un lapin des yeux, elles fixent du regard quelqu'un ou une idée collective. Comme cela se situe à l'extérieur d'elles, cela ne correspond pas à ce qu'elles sont, cela ne leur appartient pas et n'a pas à être intégré. .
L'individuation implique donc aussi la séparation, la différenciation, l'aptitude à reconnaître ce qui est de notre ressort ou ne l'est pas. Le reste doit être abandonné. Nous ne devrions pas gaspiller la libido et l'énergie pour des choses qui ne nous concernent pas. On peut donc dire qu'il s'agit tout autant de séparer que d'intégrer. Tel est la régénération par le feu qui débouche, comme le souligne le texte, sur un état de sérénité. En effet, dès qu'on parvient à s'affranchir d'idéaux faux ou d'attitudes collectives, on se sent soudain en paix. . on se trouve alors délivré du constant effort d'accomplir quelque chose dans un domaine qui n'est pas le nôtre.
L'ensemble du processus est ensuite décrit ainsi : la terre se change en eau, l'eau en air, l'air en feu, et le feu en terre. Vous avez ici l'idée classique de la circulatio, du passage par les quatre éléments, de la répétition du processus, mais chaque fois à un autre niveau. C'est l'idée classique de la circumambulatio du Soi à travers les différents éléments et formes, c'est, entre autres choses, le processus d'individuation à travers les quatre fonctions et les différentes phases de la vie.
Dans le processus d'individuation, les mêmes problèmes reviennent encore et toujours. Ils paraissent être résolus, puis réapparaissent au bout d'un certain temps. Si nous considérons négativement cette réitération, nous nous disons, découragés . P.407 . Mais en regardant de plus près, nous voyons en général la circulatio, car il est simplement réapparu à un autre niveau. Il peut par exemple s'être transformé et être maintenant lié au sentiment.
Prenons les intuitifs intellectuels qui parcourent très rapidement le processus analytique et paraissent comprendre énormément de choses à la psychologie junguienne et aux processus intérieurs. Ils assimilent beaucoup d'éléments qu'ils ne ressentent toutefois pas comme éthiques. Le sentiment est laissé de côté et l'aspect éthique est par suite oublié, ce qui signifie qu'ils ont un comportement éthique dans le monde extérieur qui se poursuit sur le mode ancien, qu'ils se conforment peut-être toujours à la raison ou à l'influence du collectif, etc. Ils parlent du processus d'individuation comme s'ils en avaient fait le tour et connaissaient tout de lui, ce qui est tout à fait vrai, d'une certaine manière, ils l'ont assimilé et vécu dans le feu pourrait-on dire ; mais non dans la terre. Le feu doit donc se transformer en eau et l'eau en terre. Ainsi l'ensemble demande à être revécu une nouvelle fois en tant que problème éthique.
Ce genre de personnes découvrent parfois brusquement qu'elles sont à nouveau au tout début, qu'elles n'ont même pas appris l'ABC de l'ombre ou de tout autre problème, elles se rendent compte que, mainteant, elles comprennent finalement ce qu'auparavant elles n'avaient saisi que partiellement.
C'est là une constante dans la compréhension psychologique, car il existe de nombreuses strates et l'on peut toujours comprendre à un niveau autre et plus profond. Cela revient à dire qu'une partie de vous a enfin compris quelque chose, puisque vous descendez dans une plus grande profondeur, pour ainsi dire ; et vous prenez alors conscience de cette même chose, mais sur un mode infiniment plus vivant et riche qu'auparavant ; et cela continue indéfiniment jusqu'à ce que cela devienne complètement réel. Même si vous avez l'impression qu'une prise de conscience s'est opérée, vous devez toujours avoir l'humilité de dire que telle est votre impression. pour le moment. .
. cette aventure qui ne se termine jamais, car, chaque fois que vous tournez au coin de la rue, d'un paysage, vous découvrez un nouveau panorama, un point de vue complètement différent sur la vie. Vous ne savez jamais rien définitivement, rien n'est jamais résolu, même ce que vous croyez déjà réglé.
La dernière partie du chapitre évoque l'esprit qui prend vie et le corps qui se spiritualise . C'est un autre aspect de la conjunctio, de l'union des contraires, mais avec une nuance différente. . Qu'est-ce que cela signifie dans la pratique ?
La fin de la scission entre corps et esprit. P.409
Il s'agirait d'adopter une attitude totalement différente à l'égard du corps.
En plaçant l'expérience analytique ou spirituelle dans la vie réelle.
Oui, ce serait là solidifier l'esprit. Si vous appliquez une réalisation psychologique, vous incarnez ce qui était spirituel. Si vous reconnaissez que quelque chose est juste et le mettez en pratique, il devient réel. Et quelle est l'autre implication, celle de la contrepartie ?
Une attitude consciente qui s'extrait de l'expérience spontanée et la regarde de manière symbolique : une sorte de spiritualisation de l'expérience.
Oui, et cela permet de comprendre symboliquement une situation concrète. . si, même dans une situation tout à fait concrète, matérielle, je parviens, en m'en extrayant, à en voir l'aspect symbolique, je la spiritualise, elle devient le pôle de comparaison d'éléments psychologiques. Tous les événements extérieurs qui émaillent la vie ne sont d'une certaine manière que des métaphores, des paraboles d'un processus intérieur, des symbolisations synchronistiques. Il faut les regarder sous cet angle pour les comprendre et les intégrer ; et ce serait là spiritualiser le physique.
Le danger n'existe-t-il pas de perdre le goût d'un bon rosbif par exemple ?
Certainement ! C'est pourquoi vous devez ensuite solidifier à nouveau l'esprit. Vous devez opérer le double mouvement. . exemple du maitre Zen. P.411
Il est mauvais de rester bloqué en cours de route, que ce soit d'un côté ou de l'autre. Le processus requis est le double mouvement, de peur qu'il ne devienne desructeur. C'est ce qui est merveilleusement décrit dans l'alchimie : le corps doit être spiritualisé et l'esprit doit être incarné, il faut les deux. .
.. le danger existe d'intellectualiser l'esprit dans l'analyse junguienne.
Oui, et il devient alors affreusement maigre ! L'esprit se mue en concepts intellectuels et perd son émotion originelle et sa force. Il se produit alors exactement ce que vous dénoncez. C'est le grand danger, car l'esprit s'amenuise, il est mis en conserve.
Ne pourrait-on pas dire que, chaque fois qu'il y a une expérience spirituelle réelle, elle devrait devenir manifeste ?
Il n'y a pas de « devrait ». Je crois qu'une expérience spirituelle réelle .. devient nanifeste. Mythos signifie communication. Si vous êtes saisi par une expérience spirituelle, celle-ci demande que vous la communiquiez, c'est-à-dire que vous la manifestiez. C'est le sens du mot mythos. . Si l'expérience est vraie, elle deviendra réelle, son flot naturel s'inscrira dans la réalité.
. cf. Elan Noir parle .
. elle trouvera son chemin hors de vous et se manifestera dans la réalité, parce qu'elle est réelle. C'est une mauvaise chose de devoir dire à quelqu'un qu'un rêve a vraiment un sens et qu'il doit être suivi.
En analyse, l'une des expériences les plus positives se vit au moment où un analysant raconte un rêve dont on explique le sens, mais sans commentaires. . P.413 On n'a pas besoin de jouer le rôle de la gouvernante et de dire qu'il faut faire ce que ce rêve suggère ; ce n'est pas la bonne méthode. Normalement, si quelqu'un a un bon sens moral, le passage se fera tout naturellement.
. Cette sorte d'intégrité morale et de naïveté qui dit simplement oui accélère tout le mouvement. Il est dit dans la Bible : « Que votre réponse soit : Oui, oui ; non, non. » De tels êtres sont moralement sains. A l'opposé se trouvent ceux qui comprennent, approuvent de la tête, mais Dieu seul sait combien d'électrochocs intérieurs et extérieurs sont requis avant qu'ils ne prennent conscience qu'ils doivent faire quelque chose en réponse.
Les mères disent qu'elles savent qu'elles ne devraient pas dévorer leurs enfants, mais elles ne pensent jamais à changer de comportement. Elles ne remarquent même pas ce qu'elles font. .
Là, l'esprit ne se matérialise jamais. Des personnes comme elle peuvent être en analyse pendant des années, le résultat est absolument nul. .
. Il y a les trois actions du Saint-Esprit, les trois étapes du travail alchimique, et ainsi de suite. . Puis vient le symbolisme du septuple processus qui ressemble d'une certaine manière au processus précédent .
.. « Cinquième parabole : De la maison aux trésors que la Sagesse a bâtie sur la pierre. » P.415.. saint Mathieu : la maison bâtie sur le sable et celle bâtie sur le roc . (cf.les trois petits cochons)
Vous voyez ici la solidification de ce qui est faible. Le roc représente la fermeté de la personnalité, l'assise qui vient du long processus d'assimilation de l'inconscient. Si l'on a épousé assez longtemps les hauts et les bas inhérents à toute rencontre avec l'inconscient, un noyau inébranlable, une amande, se forme. Je crois que même une cure ou, ce qui revient au même, un dévelloppement psychologique ne change pas le conflit ni ne vient à bout d'un problème. Ce qui change véritablement, c'est la capacité de mieux le supporter : tel est le vrai développement.
Parfois la situation extérieure ne se modifie pas, ou certaines difficultés relatives au caractère de la personne - ce que l'on appelle des névroses caractérielles - continuent plus ou moins d'exister. Si l'on a, par exemple, un tempérament passionné, ou une tendance à la dépression, on conserve généralement ce trait longtemps : au moins vingt années seront nécessaires pour qu'on apprenne à s'en libérer. La raison pour laquelle on ne peut pas transformer ce trait plus rapidement, c'est qu'il est enraciné dans sa nature. Le premier pas consiste à devenir capable de mieux le supporter, à ne pas se laisser engloutir par lui, à être détaché, à avoir un point d'assise, à savoir qu'on a ce point faible, auquel on n'a pas l'intention de céder, et que cela passera.
Le premier pas, c'est donc de cesser de s'identifier à ses propres grains de folie. Si un paranoïaque dit par exemple : « Je crois que. .., mais excusez-moi, il en va peut-être autrement » . Bien qu'il ne soit pas encore libéré de son fantasme il parvient néanmoins à dire que c'est dans l'ordre du possible. C'est le début de la formation d'une terre solide. Quelque chose se situe hors du conflit, échappe au diable.
Si l'on a toujours été emporté par l'animus, par l'anima ou par une émotion, mais qu'on commence à vivre des périodes où l'on devient raisonnable .. P.417.. ces moments sont le début de l'élaboration ru roc intérieur. La petite parcelle de terre ferme sur laquelle on se tient se consolide de plus en plus, se fortifie lentement, de telle sorte que l'on acquiert progressivement le sentiment que tout peut arriver sans que, probablement, ce recoin soit pour autant détruit à nouveau.
. Si vous avez touché le fond de l'enfer, il est impossible de descendre plus bas ; et là, la pierre ferme commence. .. on a toujours craint de devenir fou, mais que, parvenant à quarante ans sans l'être, on ne le sera probablement jamais. . Si quelqu'un est arrivé si loin dans sa vie sans se briser, il est peu vraisemblable qu'il se casse net maintenant, car quelque chose s'est « coagulé » à l'intérieur de lui et s'est solidifié. A ce moment, et c'est le but de l'ouvre, on peut se retirer dans la maison de la Sagesse qui est bâtie sur le roc, qui est indestructible .
Vous pouvez vous demander si un durcissement ne transparaît pas à nouveau, une rigidité : cette attitude ne consiste-t-elle pas à se mettre à l'abri ? .. non, car de ce rocher coule la source de vie ; . Ce roc est également une source, il est donc d'une extrême fluidité et se situe à l'opposé de la rigidité ou de la dureté. (cf.rêve de la montagne liquide)
Cette aptitude à être souple mais inébranlable fait dire à Jung que, lorsque le processus d'individuation se poursuit inconsciemment, il rend l'individu cruel et dur envers ses semblables, alors que, s'il est conscient, il conduit à la pierre philosophale, à la fermeté au sens positif du terme et non à un durcissement de la peronnalité. On ne se laisse plus facilement dissocier désormais, ni balayer par les émotions jusqu'à perdre son point de vue sous la pression de la contrainte collective, mais on ne se durcit pas non plus jusqu'à refuser toute influence.
Tel est probablement le sens de l'image de la pierre sur laquelle est construite la maison de la Sagesse. . la conjunctio se déroulant dans cette maison. .. vase alchimique la maison dans laquelle le soleil et la lune s'unissent. Dans ce chapitre, la maison est bâtie sur quatorze colonnes. Ces piliers représentent les quatorze vertus exigées de l'alchimiste.
Les vertus ne sont pas uniquement éthiques, mais comprennent toutes sortes de qualités qu'un être humain devrait avoir : la santé, l'humilité, la sainteté ( ce qui signifie, d'après la définition donnée, la « totalité» ou la pureté), la chasteté, la force (l'efficacité, la compétence), la victoire (l'aptitude à surmonter, la foi qui sait faire confiance ou comprendre les qualités spirituelles invisibles), la foi, l'espérance (l'une des pires choses dans le travail intérieur est le désespoir ; c'est terrible quand quelqu'un renonce et se déclare désespéré ; c'est aussi l'une des ritournelles de l'animus), l'amour, la compassion, la bonté (une sorte de bénignité), la patience (qui est très importante), la tempérance (un équilibre entre les contraires), la discipline ou l'intel1igence spirituelle, et l'obéissance.
La douzième pierre ou colonne est temperantia, la tempérance - c'est-à-dire un tempérament équilibré - dont il est écrit qu'elle nourrit et conserve les gens en bonne santé. En effet, quand les éléments sont dans un état d'équilibre, l'âme se réjouit de vivre dans le corps, mais quand ils sont en lutte, elle déteste y habiter. L'équilibre est le juste mélange des éléments les uns avec les autres .
Le processus intérieur peut souffrir d'un excès de feu, comme cela arrive quand certains s'évertuent à accomplir le processus d'individuation. . Ils désirent forcer le processus, mais on ne peut pas forcer un processus de croissance. Il est insensé de tempêter contre un petit chêne en lui disant de pousser plus rapidement, car c'est contre nature. Il vaudrait mieux l'arroser et mettre du fumier à ses racines. Il y a des choses dans le processus intérieur qui ne peuvent être hâtées. Il n'est pas bon d'être impatient.
Fig.79 Fourneau alchimique. De même que le travail de la transformation peut être détruit par une chaleur trop intense, de même le processus d'individuation ne peut être forcé, mais nécessite temps, équilibre et patience.
La recommandation de ne pas brûler le roi et la reine indique qu'il ne faut pas essayer de forcer la conjunctio intérieure. Cette attitude reflète toujours l'ego, elle est avide, peu mûre et n'a généralement pas le bon résultat. .. les alchimistes recommandent toujours de ne pas trop chauffer le processus. .. ne pas dépasser la température du crottin de cheval frais, qui correspondrait à peu près à chaleur du corps humain, . et tout ce qui est extra modum ( ce qui sort de la mesure (humaine) ), .. est faux. P.421
Même le bien est négatif quand il dépasse la mesure. Tout ce qui a une tonalité infantilement insistante est faux : on le sent et l'on sait que cela ne mènera nulle part. Ce sont là les pierres de la maison de la Sagesse.
La sixième parabole est . un mythe cosmogonique qui décrit la naissance de l'univers. Psychologiquement, c'est ce que les alchimistes appellent l'union au monde cosmique : on va au-delà du microcosme qu'est l'être humain, on s'ouvre à la vie elle-même, en elle-même. Ainsi, on se trouve relié à la vie dans sa totalité et l'on perçoit le phénomène de la synchronicité. L'attention la plus assidue et la plus élevée prêtée au développement intérieur a toujours une coloration narcissique, et il doit en être ainsi. Pendant un certain temps, il faut s'enfermer dans son vase et s'occuper de ses propres affaires : il est alors nécessaire et inévitable de ne pas être trop ouvert sur la vie. .. la nature du cosmos dans sa totalité est à nouveau incluse et c'est cela la relation à Dieu.
La dernière parabole relate la conversation du bien-aimé et de la bien-aimée. .
Fig.80 L'alchimiste enfermé dans la nigredo (dépression) ressemble, dans Aurora consurgens, au bien-aimé attendant dans une tombe l'aide de sa bien-aimée (son âme perdue). P.423
. Entrer par l'oreille est très étrange. C'est une allusion à certaines théories médiévales selon lesquelles le Christ a été conçu à partir de l'oreille de la Vierge Marie. L'ange de l'Annonciation lui apparut et lui dit .
Fig. 81 « L'analyse devrait libérer une expérience qui nous saisit ou nous tombe dessus comme si elle venait d'en haut, une expérience qui a une substance et un corps semblables à ces phénomènes qui apparaissaient aux anciens. Si je devais symboliser cette expérience, je choisirais l'Annonciation. » - Jung. En termes alchimiques, c'est le début de la rubedo. P.425
.
On assiste ici au processus intérieur de la conjunctio, à l'union avec l'anima. Elle pénètre en lui par l'oreille, elle est comprise et intégrée, car une nouvelle attitude s'est fait jour. En termes alchimiques, c'est le début de la rubedo, du passage au rouge. Ce qui prévaut d'abord, c'est la nigredo ou noirceur, puis l'albedo, la blancheur, (compréhension) et maintenant intervient la rubedo, le passage au rouge. C'est pourquoi le bien-aimé reçoit un vêtement pourpre.
. Qui est le bien-aimé ? Il est ici comparé au Christ Lui-même, . dans cette description du phénomène de la conjunctio, l'auteur dans ce qu'il a de divin est impliqué et exprime très authentiquement l'expérience que Jung appelle : « Devenir semblable au Christ ». L'individu devient luimême un Fils de Dieu et, par suite, un époux de la Sagesse de Dieu. C'est une union mystique avec la Divinité, laquelle est, comme vous le verrez, féminine. . P.427
.
. la conjonction parvient à son terme avec une incarnation de la divinité : c'est Dieu descendant dans l'être humain. C'est ce que Jung a formulé ainsi : ce qui, du point de vue humain, est considéré comme le processus d'individuation est considéré, du point de vue de Dieu, de l'image de Dieu, comme un processus d'incarnation. P.431