De plus en plus le malaise qui pousse la femme à consulter est lié à une crise d'identité et de créativité.
C'est une insatisfaction fondamentale, profonde, qui lui donne la force de remettre en question tout son mode de fonctionnement et même de vie.
C'est à travers bien des souffrances et des déchirements qu'elle entraperçoit ses possibilités de réalisation ; c'est pourquoi elle bascule parfois dans un extrême.
Jusque il y a peu, la femme était reconnue dans sa créativité principalement en tant que mère.
Mais à présent qu'elle se rebelle contre la maternité en tant que destin et rôle imposé, sa réaction , bien que fondée, aboutit souvent à une dévaluation et à une négation des valeurs féminines.
Ce danger correspond, psychologiquement, à un état d'identification avec l'Animus : « le moi féminin subit l'autorité de sa contrepartie masculine, inconsciente, qui se caractérise très souvent par nombre de valeurs absolues, indiscutables, jamais soumises à la critique ni à la réflexion de sa conscience. » (La femme et son ombre p.13)
Il semble que la femme aujourd'hui doit être intéressante, mais pas « créatrice », sinon elle risque de perdre son charme et la possibilité d'être aimée.
A peine se retrouve-t-elle en tant que personne, être « pensant », que sa tentative est récupérée à des fins masculines et devient l'instrument qui lui permet à nouveau de plaire au lieu d'être.
« Il semble que la femme soit condamnée à ne pas être aimée, et donc à renoncer à son principe le plus vital, le monde de l'Eros et des relations, si elle désire se réaliser et être elle-même. Il semble que même quand la femme refuse aujourd'hui de considérer le vieux modèle de la beauté physique et de la valorisation esthétique de son image comme le premier moyen, dont elle est obligée de tenir compte, de communication et de relation avec le sexe opposé, elle doive quand même adapter sa personnalité et ses capacités intellectuelles aux désirs et exigences de l'homme. »
Dans notre société patriarcale, le jugement collectif surévalue le masculin : le féminin est méprisé en tant que tel et ses qualités sous-évaluées par la conscience collective.
Ce jugement conduit la femme à déployer son énergie dans les mêmes activités que les hommes et à accomplir les mêmes tâches qu'eux, dans tous les domaines.
Pour se faire, elle va prendre une attitude envers le monde extérieur, une façon d'apparaître aux autres, qui va faire écran à sa féminité réprimée et dévaluée. C'est la Persona.
L'animus préoccupée de prestige, assujettit la femme aux valeurs collectives masculines et empoisonne sa féminité.
Car l'Animus tendu vers le prestige et vers la Persona ou l'image, est en relation négative avec les valeurs féminines et au lieu de les soutenir il va les dominer et même les détruire(cf. Barbe Bleue) Il contraint la femme à une activité frénétique, à une efficacité rigide, obsessionnelle et l'emprisonne dans un monde de pouvoir qui l'isole des rapports humains, exclut l'Eros ou l'amour.
Cette femme est compétitive ou esclave d'une quantité de devoirs, dominée par le Sur-moi ou par la volonté de puissance, et est trop préoccupée de paraître, que pour se laisser être ce qu'elle est vraiment, avec sa spontanéité, son humanité, sa tendresse et son sentiment. .
Il est capital que la femme prenne conscience de son Animus négatif et de l'identification de celui-ci aux valeurs patriarcales collectives. C'est dans sa vie quotidienne par la confrontation avec les autres et dans sa situation personnelle qu'elle arrivera à reconstituer l'identité de son oppresseur, à en reconnaître l'idéologie qu'elle a introjectée et à découvrir comment elle est de connivence avec lui.
Pour soutenir la féminité de la femme et favoriser le développement de ses valeurs, il faut un Animus fort, en relation positive avec le principe féminin. Il faut que l'Animus ait une force et une individualité suffisantes pour s'opposer aux valeurs culturelles collectives dominantes. . ?voir un Animus positif c'est « Se débarrasser de tout sentiment de culpabilité pour avoir « déçu » les attentes et espoirs que l'on avait fondés sur nous » ; c'est aussi « ne plus demander de confirmer notre identité à ceux qui ne nous en ont jamais donné aucune. » M. Fraire (La femme et son ombre p.6 3)
Revaloriser le féminin en tant que pôle dialectique du masculin, trouver un « nouveau type de communication » féminin, avoir la possibilité et la capacité de reconquérir « l'unité entre le vécu et la communication du vécu lui-même dans lequel sont présents les éléments de l'affectivité et de l'Eros », contrairement au langage dominant, qui porte l'empreinte des modèles culturels masculins qui ont ratifié la séparation du sentir et du communiquer.
La valeur .. nouvelle que la femme peut prendre .. dépend de la mesure dans laquelle elle « n'est plus la dépositaire inconsciente, mais au contraire le sujet conscient » de ses propres valeurs .. comme l'intuition en relation dialectique avec le rationnel, la vie en relation dialectique avec la pensée.
La polarité dynamique entre le masculin et le féminin, entre les valeurs du Logos et les valeurs de l'Eros, permet de récupérer 1'intégrité de la personnalité, tant individuelle que sociale et culturelle.
« . dans ce sens le « féminin » est l'élément qui permet l'intégrité de l'être, homme ou femme. L'histoire de la pensée se réfère au féminin chaque fois qu'elle essaye d'explorer les zones les plus obscures de l'action humaine. Le féminin signifie donc le lieu aussi où vit le produit des refoulements de l'humanité, et dans ce sens il est encore l'aspect le plus inconnu et le plus méconnu de la personne. » (Manuela Fraire)
« L'avènement du pôle féminin dans l'histoire garantit cette intégrité de la personne qui est indispensable pour passer à une étape supérieure de la civilisation humaine. »