EROS ET L'INITIATION DE L'AME
Eros a sa propre logique et ses propres besoins (comme chaque archétype)
Souvent représenté sous les traits d'un bel adolescent, il est le fils dissipé d'Aphrodite, facile à aimer, difficile à supporter.
Il apporte à la psyché des promesses de plaisir et des occasions multiples de souffrance. Il plaît sans mesure et torture sans hésitation apparente.
Croire à un amour sans douleur ou explorer les trahisons et les impossibilités de l'amour en tant que moments initiatiques de l'âme... L'initiation est un rite de formation de l'âme. Il peut être nécessaire de perdre l'innocence. Il faut que les notions idéalisées de Soi, de l'autre et de l'amour gagnent leurs ombres. Il faut qu'un troisième élément apparaisse pour empêcher les amoureux de se replier sur eux-mêmes. La confiance des enfants du Paradis doit être trahie pour qu'on n'affronte pas la vie avec une innocence qui sera fréquemment blessée et détruite par les déceptions ou les trahisons.
Un amour imprégné d'âme, de réflexion psychologique et une vie qui fait de l'amour son principe. L'éros conduit toujours à la psyché. Même les amours impossibles, car ils invitent, encore plus particulièrement à l'intériorisation. L'âme, torturée par l'amour est une épreuve initiatique. Le penchant de l'âme pour la mort est l'écho de la relation subtile entre éros et la mort; tous deux attirent le conscient loin de la logique de la raison et du pragmatisme.
Le désir l'emporte sur la raison en tant que mesure de sagesse et de morale.
Les qualités de l'âme: le désir, la nostalgie, l'attachement, l'intensité, l'endurance, la réceptivité
L'innocence incite à la trahison et l'expiation est nécessaire au pardon.
La personne humaine devient un Homme Transparent, rendu visible à lui-même à travers les tourments de l'amour.
Fou, dénué de prudence, il révèle au monde ses désirs et ses transgressions.
Cette transparence, crée par la perte de l'innocence est l'occasion de l'engagement, autre mot de lié à l'amour et signifiant que l'âme est toujours attachée à la vie.
Tout cet amour ouvre dans l'âme une voie bien au-delà de la volonté d'aimer; l'héroïsme de l'amour fait place à l'accueil bienveillant de l'amour.
Amour pour tout ce que nous découvrons et quel que soit ce que nous découvrons; cet amour absolu est fondamental pour éviter que la volonté ne domine en recourant à des actes qui, au nom de la santé sont antagonistes de l'âme.
L'amour psychologique n'a pas besoin de comprendre les processus et les mystères, il a une confiance illimitée dans les expressions de l'âme. C'est un amour qui inspire de l'intérêt à l'égard de toutes les souffrances émotionnelles, les fantasmes fous, les symptômes absurdes et les erreurs sans cesses répétées.
Cet amour fait naître une colère passionnée devant le manque d'âme, l'inhumanité, le manque de respect et la cruauté envers la Nature, face aux oppressions des sources de la vie qui veulent jaillir quand bon leur semble.
Eros et chaos
Eros est né du chaos ; ainsi la créativité naît aussi de moments chaotiques. Eros, dans ses origines chaotiques, cherche à se revivifier. Comme le Phénix, il renait de ses cendres, dans les conflits passionnels, les affres de la jalousie, les colères et les agitations de l'âme.
La voix de l'ordre en nous refuse ce chaos. Ce refus est néfaste pour l'âme et la créativité ; la relation mythique entre Eros et Chaos fait que Chaos et Création sont inséparables.
Ce chaos est une prima materiae qui pouvant aussi être les pires bas-fonds de la nature humaine dans lesquels Eros peut se fixer.
La mère d'Eros est Pénia, le manque, un vide, une lacune. Il a ainsi une prédilection pour les lacunes pathologiques du psychisme, son manque d'identité, son indétermination et son désespoir. Psyché, décrite comme une jeune fille, représente aussi l'indétermination de l'anima pas encore tout à fait formée ; cette lacune de l'âme est ressentie comme un désespoir, une blessure et un flou esthétique.
Eros et émotion
Eros et Psyché sont les deux pôles de tout développement psychique et sont, l'un et l'autre nécessaires. Tout ce qui pénètre dans notre âme passe par eux. C'est en expérimentant psychologiquement un événement que nous sentons notre lien avec lui ; c'est par nos sentiments et nos désirs que nous prenons conscience de l'importance des choses pour notre âme. Le désir, parce qu'il touche et émeu l'âme, est sacré ; la réflexion seule ne suffit pas.
L'émotion a une valeur de survie et révèle une vérité concernant la réalité, mais cette vérité est symbolique, psychique. Nous ne pouvons condamner une émotion sans l'entendre. Les névroses sont des émotions avortées et sont des adaptations non dénuées de créativité. L'émotion, quel que soit son caractère choquant, doit être prise au sérieux au lieu d'être considérée comme une expression avortée.
Le refus de faire face à l'émotion, la mauvaise foi de la conscience est le fondement de l'anxiété de notre époque et de son « effondrement nerveux ». Nous ne faisons pas face à l'émotion en toute honnêteté ; nous ne la vivons pas consciemment. Au lieu d'être exprimée, elle est mise à l'écart comme une chose négative et explose sous forme de violence. Le traitement dépend d'une transformation de l'attitude consciente devant l'émotion. L'émotion a une plus grande valeur que l'attitude consciente seule.
Derrière les difficultés propres à l'affirmation de soi se trouve une tendance, saine, de se détourner du démoniaque, du cheval sombre et indiscipliné (voir le mythe de Phèdre). Violent il est pourtant attelé au char sur lequel nous sommes assis et que nous essayons de diriger.
Plusieurs solutions ont été proposées pour venir à bout de cette puissance : Médiopathie, apathie, ataraxie, catharsis., tenir les rênes serrées. Certains prônent une discipline annihilatrice du cheval, d'autre une identification, une fusion dionysiaque des identités. plus récemment on utilise des méthodes d'abréaction, d'acting out. Le plus sage semble privilégier l'éducation de cette puissance sans la fuir, ni abandonner les rênes en faveur du fouet ; fouet, sous lequel le sombre animal peut sembler plier sous la main du conducteur qui se croit supérieur.
Par l'image des rênes nous sommes attelés au cheval et lui à nous. Notre vie émotive, c'est diriger et être dirigé.
Le Centaure, capable de capturer le taureau sauvage, représente l'humanisation du pouvoir de l'émotion. Ainsi, l'émotion sauvage, débridée peut être dressée par l'émotion consciente. L'émotion ne peut être guérie que par l 'émotion. C'est dans l'union de l'esprit et de la chair, de la sagesse et de la passion qu'il nous faut trouver la guérison de notre malaise émotionnel.
Nous sommes intensément pris, ligotés à nos problèmes ; ils exercent une attraction. En fait, ils ont le pouvoir magnétique de l'amour, et sont comme des emblemeta, des blasons, dans lesquels s'enchevêtrent toutes sortes de symboles ; ils sont aussi nos devises et ils persistent parce qu'ils nous soutiennent.
Donner la première place aux images, c'est examiner le malheur d'une situation en terme d'image et non le qualifier par un discours.
Les images dans lesquelles se dissimulent les émotions peuvent surprendre mais sont toujours révélatrices. (utilisation de la métaphore en hypnose comme dans le jeu de sable) Elles permettent de voir les grands archétypes et les mythes à l'ouvre dans les sentiments si divers que nous éprouvons. L'émotion, mise en scène dans l'image nous apparaît être une qualité inhérente à celle-ci. Ainsi, l'image nous libère de l'obsession et lorsqu'elle change, le sentiment se transforme également.
Ne pas réduire le sentiment aux relations œdipiennes ou sexuelles.
Trahison
Le besoin de sécurité, au sein de laquelle on peut révéler son monde originel et se livrer sans être détruit est fondamental en analyse. Il peut refléter un besoin de la mère et dans le modèle paternel, un besoin de se rapprocher de Dieu. Nous n'aspirons pas seulement d'être contenus par une personne qui ne nous abandonnera jamais, nous aspirons, en fait, à être protégé contre notre propre perfidie, notre propre ambivalence.
La confiance et la trahison sont contenues l'une dans l'autre et l'une n'est possible que dans la mesure où l'autre l'est. La promesse n'est pas tenue, la parole donnée est reniée, la confiance devient méfiance.
Nous sommes trahis au cœur même de la relation intime qui rend la confiance originelle possible. Nous ne pouvons être trahis que là où nous plaçons notre plus haute confiance. Plus sont grands l'amour et la loyauté, l'engagement et l'obligation, plus est complète la trahison. La confiance enferme le germe de la trahison. Elles viennent au monde en même temps. La trahison, ce possible constamment présent au cœur de nos vies, est à la confiance, ce que le doute est à la foi vivante.
Si nous considérons le récit de la genèse comme un modèle du progrès intérieur à partir « du commencement des choses », il nous faut présumer que le pacte originel sera brisé s'il doit y avoir progrès dans les relations. Le pacte ne sera pas seulement transgressé : il y aura crise, rupture par trahison, laquelle selon le récit est la condition de cette expulsion de l'Eden, laquelle est aussi l'entrée dans le monde « réel » de la conscience et de la responsabilité humaines.
Vivre ou aimer, seulement lorsqu'on est en confiance, en sécurité et protection, lorsque les serments sont indissolubles, c'est se mettre à l'abri des blessures et donc de la vie réelle. P.113
Le symbolisme de l'anima, du principe féminin, du Féminin, constellé par le thème de la trahison, est très riche.
C'est au moment où Dieu l'abandonne que Jésus devient vraiment humain. Disparus le puer et la position sans peur et sans reproche du prédicateur thaumaturge. Le puer Dieu meurt lorsque la confiance originelle est brisée et l'homme naît. Et l'homme ne naît que lorsque le féminin naît en lui.
Choix stériles et dangers apparaissant après la trahison :
- La revanche : œil pour œil, mal pour mal, douleur pour douleur.
- Le déni, mécanisme de défense, celui qui a été abandonné dans une relation est tenté de nier la valeur de l'autre, de voir sa face sombre. Ces vilains aspects sont tous des compensations pour des idéalisations antérieures qui subissent le processus d'une énantiodromie.
- Le cynisme
- La trahison de soi par soi
Le sel est la substance minérale ou le fondement objectif de l'expérience personnelle qui rend possible cette expérience. Sans sel, on ne fait pas d'expérience, les événements coulent sur nous comme si nous étions privés de corps psychique. Le sel fixe les expériences dans nos sens et dans notre sensibilité, leur imprime un caractère unique et personnel : ce sont mes larmes, ma sueur, mon sang, mes goûts et mes valeurs. L'ouvre alchimique repose sur la capacité de faire des expériences subjectives. P.181 Ces expériences intensément personnelles qui donnent goût et saveur aux événements sont cependant communes à tous. Le sel agit en tant que terrain, fondement de la subjectivité (Ce qui se dépose au fond de notre processus de distillation, c'est le sel, notre sel, notre terreau ») Le sel rend possible l'expérience vécue, ressentie.
Le vécu prend un sens différent à la lumière du sel alchimique.. Nous pouvons imaginer nos atteintes profondes comme des blessures à guérir mais aussi comme des mines de sel d'où nous pouvons tirer une essence précieuse sans laquelle l'âme ne peut pas vivre. Le fait que nous revenions sans cesse vers ses blessures profondes, avec remords ou regrets, repentir ou désir de vengeance, révèle un besoin psychique par-delà la répétition compulsive. L'âme manifeste une tendance à se souvenir et comme un animal, l'âme lèche ses propres blessures pour y trouver un soutien. Nous faisons du sel de nos souffrances et en travaillant sur elles nous en tirons le sel, extraire notre propre sel- et nous guérissons l'âme de sa carence en sel.
Le sel ajoute le piquant, il fait sentir le vif et l'aiguillon des événements qui nous pincent le cour ; le plomb requiert lui, du temps et de l'endurance. Cette cure par le sel est un sentiment nouveau de ce qui s'est passé.
On peut extraire le sel de tout ce qui est stable, aussi.
Le sel est soluble ; on le fabrique par dissolution c'est ce processus qui est en action dans les larmes, les sueurs, les saignements, les urines, transportant le sel en dehors de ses mines intérieures.
Les instants de dissolution ne sont pas de simples effondrements ; par-delà les encroûtements de l'habitude, ils nous donnent le sentiment de notre valeur personnelle et humaine.
Du point de vue du sel, les traumatismes de l'enfance sont des moments d'initiation au sentiment d'être moi avec une intériorité personnelle subjective.. Nous avons tendance à nous fixer sur ce qui nous a été fait et sur la personne qui nous la fait.. Ce qui est important c'est que cela fut fait : la trahison, la blessure infligée et le sang qui en découle. L'âme porte les marques de ses traumatismes. Un traumatisme est une mine de sel ; c'est une place fixe de réflexion sur la nature et la valeur de mon être personnel ; c'est là que naît la mémoire et que commence l'histoire personnelle. Ces événements traumatiques font naître dans l'âme le sentiment de son incarnation comme sujet vulnérable d'expérience.
La femme de Loth fut changée en statue de sel. Les fixations familiales sont des mines de sel. Les déceptions, les inquiétudes, les alarmes de l'amour maternel et de ses complexes P.183, sont les façons qu'a le psychisme d'extraire du sel, en se retournant vers les événements en vue de les transformer en expériences.
Il existe toujours un danger de fixation, que ce soit par le souvenir, les traumatismes de l'enfance ou dans une conception personnalisée et littérarisée de l'expérience, le danger de croire que ce qui nous constitue, ce sont nos expériences. Le sel est le principe même de la fixation.
7 LA PATHOLOGISATION : la blessure et l'œil
Faire confiance à ses ressentiments, à ses désirs, à ses peurs, qui sont des échos précis des conditions de l'âme du monde. Les émotions nous enchaînent à la souffrance du monde et nous mettent à l'abri de l'anesthésie.
Les solutions littéralistes, activiste et héroïques sont exigeantes sur le plan physique. Beaucoup plus exigeante est l'aptitude à se libérer de ses propres visions du monde et de ses paradigmes étroits pour pénétrer le sens des fantasmes enfermés dans le quotidien et la banalité. Privé d'imagination, toute activité humaine retourne à l'inconscient et donne le jour à des mythes qui ne nous appartiennent pas complètement. C'est dans nos symptômes que se trouve notre âme.
LES SYMPTOMES
« Pathologiser » désigne l'aptitude que possède le psychisme, en vertu de son autonomie, à créer la maladie, la morbidité, le désordre, l'anormalité et la souffrance dans tous les aspects de son comportements et à imaginer la vie à travers cette vision déformée et douloureuse.
Les pathologisations refusent d'être refoulées, transformées, guéries ou P.187 ou même comprises.
La souffrance nous atteint en partie par la culpabilité qu'elle véhicule. La culpabilité est liée aux expériences de la déviance, au sentiment d'échouer, de « rater la cible ».
La vraie façon de rater la cible c'est de prendre la culpabilité à la lettre, les échecs devenant des fautes à redresser. Le moi porte la culpabilité sur ses épaules car il « n'aurait pas dû » échouer. La pathologisation renforce le caractère particulier du moi et la culpabilité gagne sur un autre tableau en accroissant le sentiment d'importance du moi : le moi devient un sur-moi s'activant fébrilement à réparer les torts. Coupable, le moi n'est pas moins égocentrique que lorsqu'il est triomphant.
Nous pouvons voir cette forme de culpabilité comme une défense empêchant les fantasmes archétypaux de se révéler. Du point de vue archétypal, l'important n'est pas le pourquoi de la culpabilité mais le qui : qui en moi, à quel personne de mon psychisme et à quel mythe ma souffrance est-elle rattachée ? Qui est cette figure vis-à-vis de laquelle je me sens une obligation ? Dans quels complexes se trouvent les figures qui réclament mon attention ? De ce point de vue, la culpabilité suscitée par la pathologisation acquiert une importance primordiale. Elle nous conduit à sortir du moi et à reconnaître qu'à travers une expérience pathologisée je suis liée à des personnes archétypales qui attendent quelque chose de moi et dont je dois me souvenir.
Une image malade nous atteint dans notre vitalité, à notre sentiment de vivre. Elle vicie et vitalise en même temps ; cette stimulation se fait à travers la déformation. Le sentiment de souffrance vitale nous amène à réagir naturellement. La souffrance est le reflet d'un pathos, de quelque chose qui est mû ou d'un mouvement qui se produit dans le psychisme. Les catégories de positif et de négatif ne s'appliquent pas ; quelque chose d'essentiel du psychisme s'exprime. Ces phénomènes doivent être gardés tels qu'ils sont. Les fantasmes de maladie sont assumés en tout et dans la totalité comme faisant partie des profondeurs du psychisme. La pathologisation utilise le langage des choses naturelles : rêve d'un chien galeux, d'une rivière asséchée, d'un papillon dans un aquarium. Cela ne veut pas dire qu'il faut les interpréter dans leur contexte naturel. Chacune de ces images est une métaphore qui doit être saisie dans son propre langage.
La psychologie archétypale a comme but de chercher les principes qui gouvernent le monde des fantasmes, ses racines métaphoriques ; elle essaye de trouver un sens à la pathologisation. « On connaît par ressemblance » -Plotin- ; les choses désirent revenir vers les archétypes originaux (la réversion) d'où elles P.189 procèdent et dont elles sont les copies. Nos pathologisations cherchent leurs semblables et poursuivent le but de revenir à l'archétype.(inspire-expire)
L'authentification des fantasmes de la maladie se trouve dans le psychisme, dans les figures mythiques, métaphores éternelles de l'imagination. Ces figures mythiques, comme mes souffrances, sont « tragiques, monstrueuses et anormales » et leurs effets sur l'âme, comme mes souffrances, extrêmement perturbateurs.
Pathologiser, c'est une façon de mythologiser ; c'est arraché un être à l'immédiat qui l'aveugle ; en déformant sa vision des choses naturelles et réelles, elle le force à se demander ce qui se trouve en elles et derrière elles. La distorsion rappelle à l'âme son existence mythique. Dans les affres de la pathologisation, la psyché fait une réversion au mode mythique de conscience. Le psychisme fait cette réversion pour trouver une autre réalité dans laquelle la pathologisation puisse prendre une nouvelle signification.
Comme les poupées russes s'emboîtant les unes dans les autres, à l'intérieur de la souffrance se trouve un complexe, un archétype ; lequel se rapporte à une divinité. Nos souffrances sont tournées vers les dieux. « Les dieux sont devenus nos maladies » ; Zeus ne gouverne plus l'Olympe mais notre plexus solaire et produit d'étranges spécimens destinés au bureau du médecin »- Jung. Les dieux par le truchement des symptômes, s'introduisent dans notre psychisme. Notre pathologisation est leur ouvre, un processus divin ouvrant dans l'âme humaine. En reconnaissant le caractère divin de la pathologie nous rendons au dieu ce qui lui est dû.
Il faut sacrifier le complexe sur l'autel qui lui convient. La souffrance et la divinité qui s'exprime sera différente dans un problème d'impuissance sexuelle selon qu'on se voit comme un fils inhibé de la Grande Mère ou que nous l'attribuions à Priape négligé qui se venge ou encore à Jésus dont la génitalité était absente (voir les apocryphes ??), ou à Saturne qui nous enlève notre puissance sexuelle pour la remplacer par des fantasmes lascifs. Les pathologies sont à la fois réelles et fantasmatiques, somatiques et psychiques, personnelles et impersonnelles.
« Le médecin doit avoir connaissance de l'autre moitié de l'homme. puisque le Ciel garde dans sa sphère la moitié de tous les corps et de toutes les maladies. » Paracelse
Négliger cette « moitié », c'est manquer à l'humain. P.191
Les « maladies » sont enracinées dans les archétypes et en sont une partie.
L'immanence demeure une doctrine jusqu'à ce que je sois forcé de reconnaître qu'il existe dans mes troubles des forces que je ne peux pas contrôler et qui pourtant veulent quelque chose de moi ; elles m'amènent quelque part.
Une pathologisation est parfois ce qui m'arrive de plus original ; d'être unique. Mes espoirs, mes peurs, mes amours peuvent avoir été imposés par les conventions, les choix, les désirs avortés de mes parents. Mes symptômes pointent dans la direction de mon âme et , à travers eux, mon âme m'interpelle.
Mes symptômes et mes bizarreries sont à la fois miennes et ne sont pas à moi ; ils gouvernent ma destinée et pourtant je ne les ai pas voulus ; ce sont des intrus qui font sentir le paradoxe de l'âme à la fois personnelle et impersonnelle. Ce qui est moi n'est pas à moi. Le je se tient loin de l'âme et de la domination par les daemons et les divinités.
Expérience indélébile de l'âme, la pathologie est une expérience amère, saumâtre ; on se sent écorché, blessé, on saigne mais l'âme vit et je deviens sensible à l'extrême de ses moindres mouvements. Mon âme se trouve dans mon symptôme.
La pathologisation fait partie de l'univers de tout événement. Elle peut être signe de maladie, annoncer un danger, aiguiser une conscience ou l'affaiblir, nourrir des fantasmes de liberté, de sursis et d'oubli ; consteller le désespoir, susciter le courage, faire naître la sympathie ou faire monter à l'esprit le sage. Intrinsèque au cosmos, elle suppose que chaque événement a son ombre, son revers et que le mal est nécessaire à l'organisation de ce qui est. Chaque objet, y compris le grain de sable, peut blesser et être blessé.
Le MYTHE DE LA NORMALITE
La souffrance est l'œil de l'âme ; nous voyons par nos afflictions. Pathologie et imaginaire sont étroitement et intimement liés, entremêlés.
Toute blessure est en même temps un œil. La pathologie et la conscience ne sont pas opposées du point de vue psychique. C'est faux P.193 de prétendre que la souffrance vient de l'inconscience et que le fait de devenir conscient supprime la souffrance. La pathologisation est elle-même une façon de voir : notre complexe a un oil. Le psychologue voit les choses avec l'oil de nos complexes et de leurs pathologisations.
La vision normative que le moi a du psychisme est une distorsion gênante.
Les mythes sont remplis d'histoire de querelle, de tricherie, d'obsessions sexuelles, de vengeance, de vulnérabilité, de meurtres. Les divinités ont des comportements qui relèvent du point de vue de la morale profane de la pathologie du crime, de la monstruosité morale ou des désordres de la personnalité.
Le « monde des dieux » est anthropomorphique et est une projection imitant nos comportements et nos pathologies. A l'inverse, notre univers profane est mythique, projection du monde imaginal ; nous imitons les archétypes, les dieux, y compris leurs pathologies.
Nous ne pouvons rien imaginer, rien faire qui ne soit formellement inspiré par l'image archétypale. Si les mythes décrivent des modèles nécessaires, notre accomplissement en tant qu'individu passe par nos pathologisations.
Si nous admettons cela, nous sommes autant en harmonie avec le royaume des archétypes lorsque nous souffrons que lorsque nous sommes dans des états transcendants de béatitude. L'homme est autant contenus dans les images des dieux et déesses quand il est grotesque, colérique ou torturé que lorsqu'il sourit. L'infimité est l'un des chemins de l'imago dei. C'est cette infirmités de l'archétype qui prend soin de nos erreurs et de nos divisions intérieures, de nos blessures et de nos tendances extrêmes ; l'image archétypale les justifie en leur donnant un style et une signification.
Cette maladie dans l'archétype n'est pas chercher l'archétype de la maladie, archétype bouc émissaire, principe morbide comme Thanatos ou un démon de la maladie, un mauvais génie qui ramasserait à lui tout seul, pour que les autres archétypes demeurent dans un idéal suprême. La pathologisation est à comprendre comme un élément inhérent a chaque complexité archétypale qui a son aveuglement, sa destructivité, sa morbidité propres. Même si les dieux sont immortels il y a de la mort en eux. Chaque archétype a sa façon à lui de conduire vers la mort et il a une profondeur sans limite amenant nos maladies à être fondamentalement insondables. P.195
Nos infirmités s'enracinent dans l'infirmité primordiale et les infirmités divines sont en action dans nos pathologies. Si Dieu est mort, c'est en vertu de sa suprême santé ; il avait perdu contact avec l'infirmitas intrinsèque de l'archétype. (clivée sur le diable)
Ce n'est pas la raison seule qui gouverne l'univers. Des normes sans énormités, se situant dans le juste milieu sont des illusions et des croyances fausses ; elles ne prennent pas en compte la vraie nature des choses. Des normes qui ne contiennent pas de pathologisation dans leurs images imposent à notre vision psychique leur normalité et agissent comme des idéalisations refoulées en nous faisant perdre contact avec nos propres anormalités et déforment la réalité.
DEPRESSION
La résurrection du Christ met l'accent sur la lumière à la fin du tunnel et les moments de désespoir, de noirceur et de solitude n'ont plus de valeur en soi. La thérapie imite ce modèle plus ou moins consciemment et la conscience individuelle marquée par l'allégorie du mythe chrétien expérimente la dépression selon ce modèle : elle doit être et est nécessaire (crucifixion), doit faire souffrir mais demeurer déprimé est négatif (le vendredi saint n'a pas de valeur en soi puisque Pâques préexiste. ) L'envers du fantasme de la crucifixion porte sur la résurrection.
Notre position à l'égard de la dépression est à priori une défense maniaque contre elle. Notre notion de conscience elle-même sert d'antidépresseur : être conscient c'est être éveillé, vivant, attentif, dans un état de fonctionnement cortical actif. A l'extrême, elles s'excluent l'une l'autre et la dépression a remplacé l'enfer théologal. On se défend de la dépression et on la nie. Dans la psychologie chrétienne nous sommes pris dans des cycles où l'espoir s'oppose au désespoir, l'un produisant l'autre et nous agissons sur la dépression selon le modèle de la résurrection, supposant que le fait d'être déprimé et de le rester est un péché.
Et pourtant par la dépression nous pénétrons dans des profondeurs où nous trouvons l'âme. La dépression est essentielle au sentiment tragique de la vie. Elle humidifie l'âme desséchée P.197 et assèche l'âme humide. Elle apporte un abri, une limite, une focalisation, une gravité, un poids et un humble sentiment de fragilité. Elle nous rappelle que nous mourrons. La vraie révolution commence chez l'individu qui peut être vrai à l'égard de sa dépression. Ne pas se laisser prendre dans des alternances d'espoir et de désespoir, ne pas s'en évader par des distractions, ne pas la souffrir non plus en attendant qu'elle tourne mais mettre à jour les profondeurs nécessaires à la conscience.
XX
LES BLESSURES
Reconnaissons l'existence d'un cri fondamental car dans toute pathologie il y a un enfant qui crie ; ce cri est la voix que se donnent les contenus abandonnés. Ce cri peut être une demande à l'aide, une demande d'être aimé inconditionnellement, de ne pas être abandonné, de pouvoir être seul ou simplement soi-même etc. Ce cri fondamental est la voix du nourrisson, objet ou moi dans les mains d'un autres, incapable d'agir et faisant connaître la façon dont il veut être manipulé. Lancé aux êtres qui l'entourent, ce cri fondamentales transforment en amnts, ouu .. ;
Il montre à quel point une personne est incapable de répondre seule à ses besoins, de s'aider elle-même ou de rester seule. On ne guérit jamais de ce cri et il est toujours là, dans la voix de l'enfant abandonné qui s'exprime parce qu'il est archétypal. Il est toujours un lieu inaccessible où nous sommes démunis, impuissants, exposés, effrayés, incapable d'apprendre, d'aimer, d'agir pour transformer, réprime ou accepter la situation ; cavernes et endroits sauvages où l'enfant abandonné se cache. Nous régressons dans ces lieux P.203 C'est l'éternel retour vers la même psychopathologie dans le cours de notre vie, quel que soient les changements qui surviennent avant et après le contact avec cet enfant immuable..
Nous nous heurtons à la relation entre le devenir et l'être ou le changement et l'immuable, l'autre et le même, croissance te psychopathie. La psychopathie est ce qui par définition ne peut changer ou se transformer mais demeure une lacune plus ou moins constante du caractère durant tout le cours de la vie. Nous avons d'un côté l'éternelle vulnérabilité de l'enfant abandonné et de l'autre son irrésistible progression vers l'avenir.
Nous nous sentons en train de changer, d'évoluer jusqu'à ce que nous soyons frappés par la récurrence écrasante du cri fondamental, qui nous amène à croire que nous sommes tels que nous avons toujours été, à jamais fixés sans espoir de changement. Insister sur la prédestination, l'hérédité, limite le changement à des schème étroit ; insister sur la croissance et la transformation ; choisir les deux : l'enfant abandonné est à la fois ce qui ne croît jamais , immu et cette impulsion vers l'avenir jaillissant de la vulnérabilité même. Le complexe et les lacunes demeurent ; ce qui change c'est notre relation avec eux et nos réflexions à leur sujet.. On prend le changement pour ce qu'il est.