Ou l'étude du rôle de l'autre dans le maintien du sentiment de soi
Toute relation positive avec l'autre renforce le narcissisme, notre sentiment de valeur, notre sentiment d'exister. Cf. Jacques Roques
Le mythe de Narcisse rappelle le lien entre l'illusion amoureuse et la confirmation de sa propre existence et pose la question de l'amour : je t'aime= aime-moi ; je t'aime= j'existe.
« Il n'y a pas de visée proprement amoureuse sans la reconnaissance d'une irrémédiable insuffisance narcissique, plus exactement d'une inéluctable exigence de l'autre en tant qu'autre et parce que autre. C'est comme différent que l'objet appartient par essence au dynamisme sexuel. La similitude réside dans la communauté du manque et la réciprocité du vou de le combler. » Christian David
L'engouement que l'être humain éprouve pour lui-même ajoute une dimension aliénante à l'état amoureux, par projection de son propre idéal sur l'autre.
Freud semble fonder la relation amoureuse sur un terrain apparemment morbide.
La structure psychique lacunaire et fragile de Narcisse marque sa façon de tomber amoureux : ce manque le rend amoureux de sa propre ombre.
JMD suppose que ce fragile enfant, guettant un double de lui-même, cherche dans son étang un objet perdu, qui n'est pas lui-même mais un regard : le regard que tout enfant cherche avidement dans les prunelles maternelles ; ce reflet étant destiné à lui envoyer non seulement son image mais aussi tout ce qu'il représente pour sa mère. Ainsi peut-il se reconnaître sujet, ayant sa place et sa valeur propre valeur, à travers un regard qui parle.
Quand la mère cherche chez son enfant son propre reflet ou une confirmation de sa propre existence ou quand le regard maternel est voilé, tourné vers une douleur qui exclut l'enfant, il ne reflète rien. Si cette image de soi, narcissique, captée par l'enfant est fragile et fuyante, elle donnera lieu à un sentiment tout aussi fragile et fuyant de l'intégrité narcissique et de l'estime de soi.
(en métanalyse la pathologie soulevée était que Narcisse n'existait qu'à travers le regard de sa mère)
La création d'une représentation de soi nous renvoie à la nécessité inéluctable de composer avec cette béance réelle qu'est l'altérité, et qui demande que ce qui est au-dehors vienne au-dedans. Seul le sentiment d'identité personnelle peut éventuellement combler ce vide. Ce sentiment d'identité comme la conservation de cette identité est essentielle de la vie psychique et est à considérer comme un besoin primordial (comme les pulsions d'autoconservations le sont à la vie biologique)
« La représentation de soi repose sur une intrication aussi insaisissable qu'indissoluble entre l'investissement de soi et l'investissement objectal, entre l'économie narcissique et l'économie libidinale, mouvance mutuelle sans cesse renouvelée. » (je fais le lien entre introversion et extraversion de la libido chez Jung)
Cette oscillation perpétuelle, systole et diastole de la vie psychique, destinée à assurer la continuité du sentiment de soi rencontre des aléas, des perturbations.
Face au problème de la survivance, de l'espace archaïque et fondamental occupé par celui-ci dans l'inconscient, la problématique du désir paraît un luxe. Ainsi le mythe de Narcisse prend le pas sur le mythe odipien pour élucider les troubles les plus profonds de la psyché humaine.
Le maintient de l'image et de l'homéostasie narcissique requiert une dynamique de la libido chez tout individu normal mais provoque aussi une mise en place de défenses ou de relations jouant un rôle vital.
Pour JMD c'est comme si Narcisse « préférait se laisser périr ; voire se jeter dans l'étang sans fond vers une fusion mortifère, plutôt que de faire face au vide de lui-même ; vide, non seulement en tant qu'être sexué, mais en tant qu'autre que l'Autre. »
L'identité subjective se construit dans la relation soi-monde ; à travers l'autre et en même temps que lui. Le sentiment de soi ne se maintient « intérieurement que par un mouvement pendulaire dans l'espace psychique entre l'investissement de soi et l'investissement des objets du moi. »
Face à l'importance du rôle de l'autre dans le maintient du sentiment de soi, celui qui cherche à sauvegarder la balance fragile de son équilibre narcissique développe des techniques de survie. Ainsi, il va aménager sa relation à autrui soit en s'éloignant des autres, ressentis comme menaçants ou bien en s'accrochant à eux ; cette soif d'objet(s) ne trouvant son apaisement que dans la présence de celui à qui échoit la fonction de refléter l'image manquante.
Ex clinique de Frédérique pour JMD (et en léger de Fabienne) qui pour maintenir la représentation de soi, doit fuir dans la solitude.
En effet, elle s'empêtre dans le travail, les relations amicales, la vie amoureuse « comme un oiseau pris au filet » et à qui il faut « de longues heures seule, pour se retrouver» ; son monde interne est plutôt riche : tout l'intéresse. Mais elle regarde plus qu'elle ne participe. Elle se retire dans sa tanière pour contempler sa « collection ». Or c'est une collection privée ; la présence d'autrui l'empêche d'en jouir. Elle s'éloigne pour « se renouveler » pour « se récupérer » Elle n'a nul besoin des autres pour vivre bien. C'est donc une narcissique, la maladie du soi.
Ne sommes-nous pas tous des narcissiques avec un soi-même à entretenir ; tour à tour hystériques, obsessionnels, « somatisant » à l'occasion, et tous en lutte pour conserver en bon état notre image narcissique.
Il n'y a pas deux libido : une pour le « soi » et une pour l'« objet ».
Freud n'envisage qu'une seule source énergétique ; les expressions libido d'objet, libido du moi, concernant deux modes d'investissement et non deux sources libidinales. Pour de nombreux patients, la problématique de l'économie narcissique prime celle de l'économie libidinale.
De l'idée d'une énergie capable d'investir le moi aussi bien qu'un objet dans le monde externe et capable de passer de l'un à l'autre comme une circulation des valeurs découle que, si un investissement diminue, l'autre doit forcément augmenter.
Cette notion que JMD ne trouve pas satisfaisante du point de vue clinique gagne avec la notion jungienne de la libido et de l'inconscient puisque quand un investissement perd sa valeur énergétique, celle-ci régresse dans l'inconscient et y anime des formes anciennes du développement de l'individu mais aussi des archétypes de l'inconscient collectif.
Si Freud décèle dans l'état amoureux une déperdition de la libido narcissique au profit de l'objet aimé, nous constatons aussi qu'une relation amoureuse augmente l'estime de soi.
De même qu'une perte objectale peut déclencher une diminution, parfois catastrophique, de l'image narcissique ainsi que des troubles psychosomatiques graves.
Face aux deuils précoces le sujet élabore un système de survie psychique. Ces défenses narcissiques amènent un problème de la représentation de soi, et des autres, dans l'inconscient : pour Frédérique, l'illusion de se suffire à soi-même, d'être invulnérable, à la limite d'être affranchi des besoins vitaux. Ce système peut aussi inclure des idéaux du moi les plus variés, allant de visées de type christique (Patrick R.) à celles d'une orientation criminelle. contraintes de la réalité exûme, la Un démenti du réel
Nous sommes proches d'une menace de castration primitive où le morcellement est projeté sur le sentiment de soi, le prix à payer étant la perte de l'identité psychique.
Dans cette optique, l'autre peut exister à condition de se cantonner dans le champ du désir, au rôle d'Écho.
Tout se passe comme si Frédérique ne se sentait pas étanche, comme si sa « peau psychique » accusait de grandes déchirures par où les autres pourraient la pénétrer et la déposséder d'elle-même. En même temps, elle se sent le besoin de ce monde aliénant et recueille des heures durant les confidences des autres ; projetant dans l'autre l'image d'un petit f enfant qui n'a jamais été écouté ni compris. Elle s'acharne à satisfaire n'importe quelle demande et à préserver l'autre de toute frustration. En même temps elle ne peut, ne veut, rien recevoir en retour et s'épuise dans un effort pour répondre à une partie d'elle-même qu'elle ne reconnaît plus comme sienne.
Ayant pour elle-même le moins de besoins possibles, « son idéal est bâti en contrepartie de ce besoin d'être le miroir de l'autre, toujours prête à répondre, mère-terre qui doit nourrir ces enfants imaginaires »
Du point de vue jungien on parlerait d'une régression de la libido animant l'archétype de la Grande Mère et d'une identification à celle-ci.
Ainsi, du contenu qui risque d'être « vidé » dangereusement, Frédérique devient contenant : l'hémorragie narcissique est alors arrêtée. Cf. rêve hémorragie du pied et un tuyau pour récupérer le sang en interne.
S'accrochant à leur propre être pour étayer le sentiment d'identité menacé par la proximité d'autrui, il arrive que le repli sur soi s'incarne dans une activité auto-érotique. Ex de cet homme avalant son sperme, acte de « récupération » de lui-même. P.475
D'autres vont réagir comme Liza (comme Patrick ) et au contraire s'accrocher au monde, fuir la solitude comme la mort, fuir même toute activité autonome et personnelle qui risquerait de les séparer de l'autre. L'autre étant cet objet-miroir qui confirme chez le sujet son sentiment d'identité et de valeur. Ici la perte de soi dans l'autre n'est pas crainte mais recherchée, tel le petit enfant qui boit de ses yeux le regard et la voix de sa mère. .
Je retrouve des aspects fréquents soulevés en thérapie comme les « crises » de Céline : « quand ça ne se passe pas comme je veux », de Sandra etc.. Pour Liza : « le moindre écart entre ce que j'attends de lui et ce qu'il fait, et toute mon image dégringole. »
Les souhaits sont ressentis comme des besoins et demandent une réponse parfaite. (d'où l'intérêt de la CNV)
Cette demande est celle du nourrisson et vise une maîtrise parfaite de l'objet destinée à augmenter son estime d'elle-même. Mais la réalité amène des déceptions et chaque déception la détresse.
Il en est de même de la sensibilité à la critique par le monde extérieur de l'objet aimé : le miroir se voile et accuse un défaut c'est son propre reflet qui s'estompe et son image toute entière qui vole en éclats.
Si on retrouve, comme ici, l'image dans les rêves du requin, on peut parler aussi de celle du crocodile, du vampire, de tout ce qui est « vorace » (vélociraptor), « affamé » du regard de l'autre dans cette quête constante de confirmation narcissique.
La remarque de Liza éclaire les mécanisme psychiques d'introjection, intégration et projection de cette dynamique énergétique. : « Mais personne ne m'a jamais cherchée avec cette avidité-là ; je n'ai jamais connu quelqu'un de si exigeant que moi - mais si, maman ! Elle voulait des enfants parfaits ; elle se nourrissait de nous en un sens. »
C'est en grande partie pour se protéger contre l'esclavage d'un tel amour dévorant, que F. est devenue anorexique dans ses contacts avec le monde.
Ces deux organisations de l'économie narcissique paraissent être en opposition alors que la problématique de base est la même. D'ailleurs on trouve très souvent chez le même sujet ces deux formes de l'aménagement de la relation à autrui.
Je me suis d'abord demandé si cela pouvait augmenter l'angoisse pour en fin de compte me dire que le jeu de la dynamique des opposés pouvait aussi amener un certain équilibre évitant de basculer dans un comportement extrême.
Intrication du sexe et du soi P.473
L'objet-miroir n'est pas toujours un objet d'amour ; il peut tout aussi bien être un objet de haine et son maintien dans le champ relationnel peut représenter le but de l'existence pour certains individus. Ainsi il est bien un objet narcissique, apte à donner au sujet l'impression d'être « vivant », « réel. »
L'« externalisation » ou reconstitution répétitive :
Certains individus cherchent constamment à reconstituer un drame passionnel avec leurs proches, drame qu'ils ne peuvent contenir intérieurement, mais qui, de par sa constitution sur la scène du monde, apporte aussi une rassurance quant à leur propre existence. Ces drames inconsciemment provoqués ne le sont qu'au prix d'une immense déperdition sur le plan narcissique, d'où l'impression de vide, d'incompréhension d'autrui, de mal à vivre.
Pour certaines personnes tout l'entourage sans distinction tient potentiellement le miroir narcissique P.473 Un chauffeur mal luné, une vendeuse insolente, un collègue impoli est capable de détruire toute leur journée ; leur sentiment de soi, étant au gré de n'importe quel passant risquant de leur renvoyer l'image insupportable du mal aimé. Cherchant à l'extérieur un apport narcissique pour réparer ce qui manque intérieurement à la représentation de lui-même, il faut peu de choses pour que surgissent des sentiments de vide, de non-valeur, de mortification et de rage.
Face à une certaine incapacité d'élaborer, de représenter psychiquement une situation d'absence ou de manque c'est l'image de soi qui s'estompe ou bien c'est l'image de l'autre. Cette carence au niveau de la représentation ( appelée aussi objets internes fragiles, endommagés, morcelés ; défaut d'intériorisation ; manque symbolique.) peut aller loin tout en passant inaperçue pendant tout un temps de la cure analytique.
Elle amène une incapacité d'intégrer ou introjecter une image. cf. symposium Chambéry
Ce vide au niveau du fonctionnement mental fait le lit de la psychosomatique : tout semble indiquer que là où devait se trouver l'esquisse d'un objet psychique, il n'y a qu'un blanc.
JMD se demande si la création des boucliers narcissiques défensifs ne sert pas à protéger le soma.
;ette défense, bien que Jrimitive, est inévitablement imprégnée déjà de fantas mes d'un mauvais objet, objet envahissant contre luoi l'enfant se protège par refus de la nOUlTitur-e. On DUITait, à la limite, se demander si le futur ulcéreux l jamais pu être anorexique.
Un deuxième concept important pour un abord des problèmes de l'image et du sentiment de soi est celui de Winnicott de l'objet transitionnel, el surlout 1)1 est tenté de proposer que ces enfants n'ont jamais eu un objet transitionnel. N'ont jamais su intérioriser l'image de la mère dans son absence, « Aini[ comme dans le cas de Liza l'autre les autres-emplissaient en quelque sorte le j :ôjë'un objet [ransitionnel, ce petit bout d'étoffe qui représente la mère tout en étant la création propre de l'enfant, et qui lui permet de dorrniI : Da -édérique, e tajt en un sens son propre .bjet transitionnel. De ces objets idéalisés la représente.
;aventure psychanalytique avec des patients dont l'angoisse est centrée principalement sur la représentation et l'investissement de soi va donner nécessairement une dimension spécifique à la relation transférentielle. Il .'agit d'un transfert « fondamental », d'un vécu archaïque, par moments fusionnel. Dans le l'y a pas deux personnes mais une seule, l'analyste étant vécu comme une extension narcissique de l'analysant ou, à l'inverse, 'analysant se tenant pour une extension de Ï'analyste. Je commence à croire que j'existe pour les autres ; alors vous aussi, vous commencez à exister pour moi. » inéluctable évidence que nous étions deux a rouvert la béance, la renvoyant encore une fois à sa dépendance, vécue) comme une blessure, comme une menace pour son / intégrité narcissique.
, deux problématiques se rejoignent dans un même fantasme fondamental ! : dans une relation entre deux personnes,] l'une d'elles doit forcément mourir.